23 octobre 2015

Le cuistot de Bouffe, les nouvelles aventures du Douanier « cook en stock »

Par Le Barde et Réglisse
 

Il fait nuit sur le pré des écoliers à l’heure du rendez-vous de ces Mardis d’Automne. L’Octobre dénude les arbres et les troupes. Il en faudra des feuilles tombées avant que l’aire de jeu nous devienne impossible. La nature est ainsi faite. Elle a ses saisons et ses humeurs. Mais bon, certains irréductibles sont bien là. Le Barde, Hamilton, Piou Piou, Serge, le Tarbais, Maxime, et d’autres entament leur circonvolution expiatoire aux plaisirs de l’ovalie. Le rugby est un sport ingrat. Il a aussi ces cycles et ses saisons. Le toucher proposé est fait pour les repousser et de jouer sur la beauté d’un jeu de passe.

Perdigue n’était pas là. Il vendange mais sa pensée reste bien présente : « Le jeune raisin n’est rien sans son vieux fût ! » Il n’y a pas à dire mais les travailleurs de la grappe ont le sens du mot. Le fut reste néanmoins un faire au passé. Le fut peut il être présent en dehors de ce qui touche aux ferments témoins d’une vie invisible et bien active ? Nous étions pour réfléchir à la question bien peu sur le pré.

Les castors arrivent par paires mais l’effectif de l’équipe d’en face a toujours un joueur en plus. Magie du sport ! La balance est fragile, l’équilibre est instable, les équipes ne sont pas pareilles, à ce niveau là cela restera une constante.

Bref, Serge trottinait autour du terrain. Seb avait déjà entamé les hostilités, flanqué de Maxime, face à Regis et Stéphane. Je m'ajouterai à eux sitôt mon périple achevé se dit Serge et j'épaulerai le Tarbais. Ce soir, je vais bien m'amuser.

Comment pouvait-il se douter qu'il serait gros Jean comme devant ? Ou gros Serge comme devant. Après tout ce Jean-là n'est qu'un prétexte pour Jean de La Fontaine. Sauf que Serge, il n'est pas gros et qu'il ne joue pas devant. Toujours est-il qu'il se retrouva, contre son gré, gros Jean comme devant et que l'histoire se répéta.

La vie est parfois cruelle ; nos espérances sont des garces. Les désirs de Serge se transformèrent en cauchemar. Seb eut beau jouer des hanches, tenter des intervalles, rien n'y fit. L'adversaire d'un soir jouait un ton au-dessus. Le rugby est une affaire de gammes. Pourtant, sur le papier, Serge et les siens étaient promis à la victoire. Mais une partition n'est rien sans son interprétation. Celle de Serge et de ses acolytes était parsemée de fausses notes. Avec, il est vrai, quelques moments de grâce. Ils ne suffirent pas à renverser les raisons du pré.

Il y eut quelques passes d'armes orales. Des enfantillages. L'étonnant est qu'elles ne vinrent pas de Dudu. Non, c'est notre Croucrou qui faisait des siennes sous l'œil désabusé de Toto. Don dont c'était le retour n'en avait cure. Un vrai cabri. Jean-Phi avait trouvé son maître. Walid nous manquait. Il est au pays de Dante, du côté de Vicenze. Le cuir est triste hélas marmonna Serge en regagnant les vestiaires. Mais je les aurais.

Au trou, le douanier était commis d'office par notre abécédaire. Ceint d'un tablier noir, il mettait du cœur à l'ouvrage. Et l'ouvrage fut à son image. Avec une soupe en entrée, automne oblige. L'atome est le printemps de l'hiver écrivait Toulouse-Lautrec. Oui, nous sommes les obligés des saisons. Nul ne pût dire précisément la composition de la soupe du Douanier aux exquises exhalaisons. Après tout qu'importe si l'exquis se moque du savoir. N'est-il pas écrit dans l'ecclésiaste que "trop de savoir augmente la douleur" !
Et le douanier a la douleur en horreur.
 

Notre Douanier est à la cuisine ce que le douanier Rousseau est à la peinture. Un voyageur dans le mélange des formes, des couleurs et des impressions. La nature, l’animal, l’exotisme, tout cela se marie pour faire une bonne soupe. L’homme se dédouane par son entrée en matière. Le choix est réfléchi et affranchi. L’automne nous éloigne des gaspachos et de tous mets froids. La soupe est orientale. La chaleur s’éprouve autant dans les plaisirs de bouche que dans les souvenirs des plaisirs d’orient. L’orient pour la soirée est au Sud. Les douaniers ne s’embêtent pas avec une boussole. Pourquoi regarder vers l’Est, ce que l’homme nous propose du Sud. Serge pointait son assiette creuse. Le mélange de la coriandre, des lentilles, des pois chiches et des épices capturées par notre hôte de tablée permit à Pépé de retrouver ses plaisirs d’antan. Il ne quitta pas son béret et lança son fameux « L’harira bien qui rira le dernier ! ». Le coin des ainés est un coin point avare en blagues. La soupe est bonne et des allers-retours seront donc de rigueur. Freud, barbu a ses heures ne lâche pas que ces comportements répétés, dans la permanence d’un va et vient ne peut qu’être associé au principe de plaisir. Ce déplacement d’un plaisir sexué ne peut que nous soulager dans ses reprises et déplacer en bouche l’extase des saveurs bien enfouies des charmes berbères. Piou Piou chanta. Il oublie la monotone pour celle du plaisir. C’est notre Berbère Léonard à nous !

Serge pensa dans son coin à sa Madeleine. Il la partage dans ses souvenirs avec Proust.

Quelques chants pour récompenser le créateur. Et nous voilà dans le vif du sujet. La semoule et le poulet. Entre l’aile et la cuisse, il fallait choisir. Mais bon, le Maroc se profile dans chaque bouchée. Le douanier qui n’en est pas un, ne filtre pas et ne confisque pas ce qui traverse nos frontières. Il nous offre les plaisirs sucrés et salés des charmes d’orient. Notre minaret est absent pour faire sa danse du ventre et offrir à délice des répliques fleuries. Les raisins secs et les olives pataugent pour notre grand bonheur dans la semoule. C’est à ce moment que nous avons eu droit à la blague du doigt de notre jacquot. Le doigt dans la famille Escassut est un appendice qui se respecte et se détourne à l’occasion pour relier le ver au verre. Bref une histoire de ver tordu. Le Sabite restera pour sa part dans les verres.

Quel lancer d'assiettes ! Pour une raison qui m'échappe, le douanier adressa quatre assiettes au barde. Comme si le cours de son lancer était aimanté. Un hommage inconscient à la langue et à la lyre. Jacouille attendait l'obole avec une rare sérénité. Sans doute suit-il des cours de Yoga avec Bernachot. Le fromage était abondant et reparti entre Comté, roquefort et Pont l'évêque. Le Pinson en mangea à foison. Itou pour Lolo et Pépé, toujours pas remis de la déroute des Bleus. Serge regardait le Tarbais et chuchotait On les aura. Pioupiou voulut entamer une chanson monotone ; sa conscience le retint.

Amélie apprécia le dessert. Il est ainsi. Le poulain est gourmand mais reste allergique au coco. Freud sur la question ne dit rien mais ne pense pas moins. Lacan ne trouve rien de signifiant dans le coco et laisse la parole au Barde. Amélie dans ses pensées, se partagea pour résoudre le dilemme du dessert. Son plaisir est dans le flan. Le flan au coco est un dessert à partir de coco, fruit des cocottes éloignées des cocos qui viennent des noix. Un régal pour tous les cocos de la table. Notre cuistot est un sacré coco. Amélie est préposé à la découpe, et trancha en horizontal. C’est plus facile pour savourer son désir. Un haut le flanc et en dessous le coco. Les yeux d’Amélie brillaient à chaque bouchée libérée de tout coco. Serge se complaisait en revanche dans les saveurs de toutes noix concassées. Freud fronça les sourcils et tira sur sa pipe.

La nuit était douce. Humide mais douce. La ville n'était pas encore endormie. Serge marcha un peu guettant de rares étoiles. Je les aurais marmonnait-il, je les aurais, tout vient à point à qui sait attendre. La suite à mardi prochain.

11 octobre 2015

Le cuistot de Bouffe: Jean Louis, tu nems un peu, beaucoup, passionnement, à la folie, plat du trou!

Par Le Barde et Réglisse


Serge piaffait d'impatience. Dès qu'il vit le Tarbais, un large sourire se dessina sur ses lèvres. Ce soir, je les aurais se disait-il. L'affaire ne fut pourtant pas aussi simple. Certes, on était loin du désastre de la semaine passée. N'empêche, même avec le Tarbais, l'adversaire fit mieux que résister. Qu'importe après tout se disait Serge, la gonfle est moins rétive ce soir. Et de se rappeler les vers de Mallarmé qu'il avait transformés à dessein la semaine passée : "Le cuir est triste hélas et j'ai vu tous les près." Il confia au barde et au bardinet que, ce soir, il songeait à Baudelaire et à son Balcon : "Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses."

En face, Hamilton était de retour. La course droite et la sautée avenante. Dudu pestait bien pour la forme de temps à autre, pour ne pas rompre avec ses vieilles habitudes. Serge s'en moquait. Seule sa complicité avec le Tarbais était de mise. Force est de reconnaître que les deux compères se trouvèrent. Ils s'aiment ces deux-là. Deux pigeons. La passe est leur roucoulement.

Le ciel menaçait. Il était d'un noir que n'aurait pas désavoué Soulages. Pas une goutte cependant. Pour le plus grand bonheur de Perdigue qui ne déteste rien tant que le cuir mouillé. Fut-il synthétique. Que la pluie fasse des claquettes sur le trottoir à minuit, peu lui chaut si elle a le bon goût de ne pas taquiner le pré. Nombreuses furent ses chevauchées rectilignes. Mais il y ajouta un toucher de balle que n'aurait pas désavoué un fidjien. Un récital. Serge était pantois. Perdigue, il est comme ça. Il a des fulgurances.

Mais où sont mes cannes d'antan se morfondait Serge en admirant les courses de Maxime pour rattraper les impétrants qui avaient le mauvais goût de croire aux échappées belles. JP de le consoler en lui disant que sans la technique les cannes ne sont rien ou si peu.

Fourbus, éreintés, les castors regagnèrent les vestiaires. Qui est de bouffe ce soir demanda Serge sous le jet salvateur ? Corsenac lui répondit Peyo et ce soir tu es bon pour les nems et autres mets asiatiques. Une moue interrogative balaya furtivement son visage. Corsenac connaît pas se dit-il. Mais va pour les nems.

Le trou n'était que senteurs orientales. Serge découvrit Jean-Louis (Corsenac). Il y a du troisième ligne dans cet être pensa-t-il à juste titre. Sur la table, les plus oblongs et argentés, nimbés de feuilles de salades et de brins de menthe, attendaient leurs nems.

C’est le nouvel an chinois au trou. Une véritable transformation. Il est étrange que le castor ne fasse pas parti des 12 animaux de l’horoscope en question. Les ancêtres vénérés de l’empire du milieu… Les chinois jouaient trois quarts centres… n’ont pas imaginé l’aura éternelle de la constellation du castor. Heureusement, Jean Louis amateur du soleil levant, nous concocte par tradition une véritable hymne aux délices d’Asie. Un chef d’orchestre culinaire qui cuisine uniquement à la baguette. Bref, Serge est de Lourdes. Il est très loin de la Chine. Les baguettes il les connait comme Pépé entre les miches et les croissants. Il ne s’imaginait pas que le castor avait en son sein, le saint de la baguette du levant. Les parfums d’orient sont tels que même les miracles, spécialités de Lourdes et Serge dans sa passe n’ont que peu de tenue pour résister à tous ces délices. Il y a de la magie dans la nem. Les nems transforment les hommes dans leur parler… La salade, la menthe, la sauce et ce mélange dont seul le cuistot de saison peut définir le contenu. Nous sommes très loin des cèpes de l’automne, très loin des raisins fraichement vendangés, très loin du magret mais si prés du bonheur. Serge fut ébloui, il découvrit les castors polyglottes. Il s’en doutait car l’Espagne et l’Ecosse ne sont pas loin. Et combien de fois, il entend Perdigue défier la cantatrice en espagnol. Le piou piou en bon gascon, chante dans toutes les langues pourvu qu’elles soient festives. Serge se croyait dans un rêve. A chaque nem, le castor se retrouvait amateur de la langue de Confucius.

Piou piou coiffé de son entonnoir du savoir, nous rappela que la nem est à la Chine ce que le riz est à la paella en véritable témoignage d’un monde d’échanges qui bouge. Il aime rendre ce qui est à la salade césar ce qui appartient à César. Il rappela tableau et livre d’histoire à l’appui sous le regard approbateurs de nos anciens vénérables du bout de table. Il en faut des gardiens du savoir dans notre époque actuelle pour savoir que l’histoire a un sens. Bref, Le Nem rán (Viêt Nam du Nord) ou Chả giò (Viêt Nam du Sud) est un mets festif traditionnel du Viêt Nam. Il peut être fabriqué au Japon pour les occidentaux, et nommé rouleau de feu de quatrième temple. Très apprécié à l'ancienne cour impériale, ce mets est communément appelé pâté impérial ou Rouleau impérial en France. Sur ces mots, Serge la nem coincée entre ses baguettes, cherchait la sauce.

Puis vint la suite, c’est une chronologie sans fin. Après la nem, vint les plats en sauce et ses riz. L’automne est là, et le trou sort son riz. Le riz est cantonais au bout de table. Le riz blanc est en suspend au milieu. Les plats se démènent entre les petits grains. Les courageux restent à la baguette et les affamés à la fourchette. Les tranches sont fines, les sauces sucrées, aux épices multiples. Le choix est là. Au bout de table, l’empereur de l’empire du trou entouré des gardiens sacrés de l’ovalie contemplaient et méditaient. Ces délices en bouche se subliment avec le Sabite. La nem est magique, le bœuf mariné aussi. Il permit de délier le secret de notre maitre de chai nous. Le Hauchat il le fait à l’envers. C’est du vin en verlan. En bref, il se comprend que lorsqu’on a la tête retournée. Peyo expérimenta le poirier sans succès. L’énigme a ses pistes que le poirier ignore.

C’est à ce moment que le Jean Philippe devint Yan Fi, le Barde. Le Barde en chinois se crie en colonne. La prononciation est subtile. Le Barde est unique. Il n’y a pas de mots en chinois pour le décrire. Les idéogrammes le libèrent un instant de son alphabet. Les hommes quand ils sont heureux chantent. Du Cloclo en Brassens des BeeGees aux Doors, la version édulcorée et remasterisée en version chinoise illumina les regards humides des hommes en présence. C’est une vérité chinoise digne de Lao sur la montagne Tseu… Quand l’homme riz beaucoup, ses yeux pleurent… Un véritable concert s’improvisa. Le summum fut dans la version du TEULE FON PLEU REUH. Il ne manquait que Guitou pour la chorégraphie, les claudettes n’étant pas de la partie. Piou Piou me rappela que les hommes font tout en Chine dans le théâtre et dans Madame Butterfly…

Un petit jeu, sur la photo retrouvez le Barde ! Un indice il a gardé la même coupe de cheveu. Jean Phi lui s’est rasé…
 

Le lancer d'assiettes fut serein. Jean-Louis a la main leste et précise. Certes, quelques paumes furent réticentes et maladroites. Rien que de très ordinaire. Jean-Louis admit qu'il faisait une entorse à l'Asie en proposant du fromage. Mais il revendiqua ce mélange des cultures. Nous sommes des êtres mêlés assena-y-il en bon disciple de Montaigne. Et le mélange était le bienvenu. Il y a là comme une juste réponse à l'air du temps pensa Serge en portant à ses lèvres un petit bout de Comté avant de se pâmer avec un zest de reblochon. Lolo aussi se réjouissait de ce retour aux sources sans renier le moins du monde les délices orientaux. Le Tarbais parlait peu. De temps à autre, il laissait s'échapper de tendres roucoulements vers Serge qui feignait de les entendre. Quel mufle ronchonnait le Tarbais.

L’ambiance est câline comme les nuits de Chine. Notre hôte nous offrit son saké. Un parfum de roses s’élevait dans les flagrances subtiles et automnales de ce sirop de riz. L’alcool de riz est ainsi, il clôture les délices.

Une nuit d'automne, douce et hospitalière attendait les derniers castors. Le ciel tenait encore ses gouttes en réserve. Le saké en bouche Perdigue avait l'âme Marine et chantait dans le port d'Amsterdam. Serge était heureux et roucoulait. "Les étoiles au ciel faisaient un doux froufrou."

03 octobre 2015

Le cuistot de Bouffe, le Tarbais et sa rougaille de Bigorre…

Par Le Barde et Réglisse,

 
Serge s'ennuyait ; les siens ne brillaient guère. Sur le papier pourtant, son équipe ne laissait pas présager un tel désastre. Mais le papier n'est pas le terrain d'un rugbyman, tout au plus celui du barde et de son bardinet qui, soit dit en passant, sont aussi des rugbymen. Mieux, ils marient leurs deux terrains de prédilection. Ne nous en voulez pas de parler un peu de nous. La plume est humble hélas et n'autorise pas ou si peu de parler de soi. La plume ? Non, le clavier d'un ordinateur ou d'un I Phone. Le monde moderne a ses exigences. Peu porte le support pourvu qu'on ait le verbe.

Donc, Serge s'ennuyait. La nuit était douce et belle. Tout l'opposé de son équipe. Il est vrai que parler de douceur en évoquant le nom de Gwen n'est pas de circonstance. Quant à la beauté ! Encore qu'il ait des restes de qualité. Reconnaissons qu'ils doivent davantage à sa capacité à rentrer dedans plutôt qu'a celle d'éviter ses adversaires. Le style, c'est l'homme. Titi tentait, tant bien que mal, de redonner vigueur à ses partenaires. En vain. En face, tout n'était que perfection. La rentrée tant attendue de Walid n'y était pas étrangère. Il régalait son aile. Il y a du Campese chez notre Libanais. Et du Titou Lamaison chez La Piballe. Dudu, égal à lui-même, commentait les règles et les gestes. Et Peyo, sans fin, gagnait la terre promise. Il est vrai que les trous étaient béants et Serge désabusé. Reviens le Tarbais chuchotait-il. Mais le Tarbais était en cuisine. On ne peut être au four et au moulin.

Tout de noir vêtu, il (le Tarbais) accomplissait ses devoirs d'un soir. Le trou était bien garni. La fée attendait au comptoir en papotant avec Pépé. Le Tcho poussait des vocalises en songeant à la mer, un air de Pelléas et Mélisande à la bouche. Maxime et Julien, à défaut de pré, taquinaient la mousse.

L'entrée était simple comme une passe à l'ancienne, sans fioritures. Des tranches de jambon cru, du chorizo et de petits piments sur lesquels Serge jetaient un œil suspicieux. De petits carrés de beurre permettaient de faire sandwich. Le tout arrosé d'un Saint-Émilion grand cru de Jean-Phi. Un Château Rozier qui, à défaut de dire son nom, affirmait son appartenance. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Car le trou est un monde, n'est-ce pas, une manière d'être.

Puis vint le temps du riz. Le castor chef est amateur de riz. L’automne est là et le riz blanc sur la table. Le Tarbais était de manque sur le terrain ainsi qu’Hamilton. Deux artistes qui excellent en dehors du terrain dans cette période où il est bon de s’éclipser. Ce n’est pas la lune qui me contredira. Sur le terrain de mémoire de Dudu, autant dire de mémoire d’Homme, il n’était jamais arrivé de rencontrer une équipe qui ne pointe pas son nez derrière la ligne d’essai. Parfois les lignes sont faites en équilibre, parfois non mais même avec ce mélange d’expériences, de techniques, de masse, dédicace spéciale à Titi, et de force de pénétration re-dédicace à ce même homme, les grands, les petits, les nouveaux, les anciens, il n’était jamais arrivé qu’une ligne ne pointe son essai. Dudu a ses habitudes mis à mal quand le monde change. Point de grande chope pour son anisé. Ce soir il arrose. La victoire était maniérée, jusqu’à en mouiller son pantalon. L’émotion est intense quand le nouveau se transforme en souvenir. La mémoire est ainsi faite. Dudu ne le sait que trop bien. Nous ne saurons si c’est l’excitation d’appartenir à ligne de marqueur où la proximité d’un jacquot amateur d’eau. Dans tous les cas, il n’est pas tombé par terre, sans que cela soit la faute à Voltaire, mais Dudu eut le cul dans l’eau… Et de mémoire de Jacquot, autant dire, une mémoire d’Homme, c’est la première fois que Dudu mouille quelque chose à table. Comme quoi, l’éclipse est magique.

Bref, cette soirée rime avec les premières. Le Tarbais, sur le terrain trouve son équilibre à côté de Lourdes. Il ne met point de zeste de citron dans sa cuisine mais trouve toujours un équilibre dans ses exploits culinaires et rugbystiques, le fameux stadozeste tarbais. Nous étions bien loin des Pyrénées dans son plat proposé. Mais bien heureux dans la réunion. La rougaille ou rougail est une préparation de la cuisine créole, à base de légumes, de fruits, de piments, de gingembre accommodant le poisson ou la saucisse. Du créole aux Pyrénées, il n’y a qu’un pas. Les épices étaient à souhait ni trop pimenté pour nous assurer des sièges matelassés, ni trop gingembré. Le mélange créole fit de nombreux émules et avait au-delà du goût des îles recherché, les saveurs prononcées se rapprochaient d’un goût de « reviensy ».

Nous eûmes du grand Sabite qui pour une première sortit son Prestige. De mémoire de pépé autant dire de mémoire d’Homme, nous eûmes un Sabite turgescent. La couleur, le parfum, le corps offraient à chacun un plaisir subtil et délicat. Point de critiques pour les chais. Tauzin qui a du nez, se leva même pour embrasser en signe de respect les ceps …de notre Sabite. L’hommage était mérité. Les castors savent s’incliner autant qu’ils peuvent critiquer tous les plaisirs qui touchent à leur palais. Notre raisinier n’était plus résigné aux blâmes de ses pairs. Le blogger rêvait dans son coin d’une nouvelle étiquette sans coquelicot du presque tige en somme.

Le lancer d'assiettes fut couci-couça. Elles flottaient mollement dans le ciel du trou ou le fendaient avec vigueur. La vigueur a les détails en horreur. Et mon pauvre front d'en garder trace. Comment en vouloir au Tarbais dont on sait l'enthousiasme et la vivacité. Les assiettes comme la nature ont horreur du vide. Le plein d'un front satisfait leur quête de l'obstacle même si elles s'adressent aux mains. Une façon comme une autre de titiller la muse.

Les assiettes reposées, l’homme de tablée distribua le lacté. Tiens voilà du bon fromage cette fois ci du Pyrénées. Un véritable camembert des Pyrénées. Il n’y a pas à dire mais notre seb a le sens du voyage et partage. La confiture pour la brebis. Point trop n’en faut. Même si Bruno ne sait que trop bien que la confiture n’est que de trop quand le fromage est bon. Et le fromage était bon.

Le Tarbais est un métronome. Il tient le tempo, il a le rythme et le sens de la prise du trou. Serge aussi. Tous les deux ils sont heureux quand le trou s’offre à eux. Même si pour ce soir, chacun était dans son coin. L’un au fourneau, l’autre au pré. Le tarbais offrit en dessert, une mousse chocolat. Bien sombre comme nous les aimons. L’équilibre se crée dans la dualité. Et pour compenser le noir rien de telle que le blanc. La nature de l’homme est ainsi faite et une chantilly sera de la partie.

La soirée se prolongeait. Une belote de comptoir se dressa. Perdigue en était. Et le Libanais Itou. Fayou dispensait son Jet menthe comme on dispense ses bontés. Dehors, la nuit appelait ses petits. Une nuit d'automne au ciel pur et étoilé. Les Capucins étaient paisibles et les castors, le buste droit et le regard fier regagnaient leurs tendres pénates. Serge ne rouspétait plus contre le destin du pré. Le jansénisme en rugby n'existe pas. Et il rêvait déjà de revanche en prenant le ciel à témoin. Je les aurais jurait-il, je les aurais.