24 décembre 2015

Les stagiaires de Bouffe, point d'entrée au trou sans chapon qui se respecte!

Par Le Barde et Réglisse


L'année s'achève sur le pré, au premier jour de l'hiver. Il faisait doux ; nous étions treize. Les poivres et sel étaient là. Enfin presque, puisqu'il n'y avait pas JB. Mais Guitou et Cary Grant qui entendaient mettre un point final à cet ultime toucher, n'auraient manqué ce rendez-vous final pour rien au monde. Parler de poivre et sel avec Dudu ne va pas de soi. Notre homme n'a pas de grain de sel dans ses cheveux. Saturne n'a pas fait son office. Cette éternité capillaire en intrigue plus d'un. Par jalousie peut-être.

Nous étions treize. Un chiffre que ne goûte guère notre Serge. N'importe, il était en cuisine avec les stagiaires. Il n'eut pas à affronter les affres de ses superstitions. Par contre, Perdigue, Domi, le Poulpe, Max, le Tarbais, Walid, Jean-Phi, Titi, Benoit et moi-m'aime étions bel et bien d'attaque.

Treize, c'est le nombre idéal. Il engage l'équipe nantie d'un officiant de plus à réussir ses surnombres. Las, l'idéal n'est souvent qu'une illusion, une vue de l'esprit. L'équipe à Seb ne parvint pas à concrétiser une supériorité qui n'était que mathématique. En quoi, les mathématiques sont factices. La vérité est humaine. Un chiffre n'est rien, une bagatelle. Ce qui importe est ce qui se passe, se trame sur le pré. Le pré est la métaphore de la vie. Ce pied de nez à la logique avait je ne sais quoi de moral, d'enchanteur. Il est vrai que j'étais du bon côté. De celui de la minorité. Le pré est évangélique. "Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande sur le pré." À chacun ses béatitudes. Bref, il y eut du beau rugby, de belles passes et de beaux essais. Ce premier jour d'hiver fut glorieux. L'hiver des Archiball est vif, enjoué, mutin. Qu'on se le dise.

Au trou, point d'entrée (s). Les stagiaires n'en avaient cure. Le numérique à bon dos, seul comptent nos us. Mais enfin, le champagne fut servi en guise d'apéritif. Et des toasts de foie gras l'accompagnaient. Repas de Noël oblige. Une entrée en matière digne et élégante. Nos stagiaires promettent. Le repas commença sur le tard sans que Pépé ne bronche. Repas de Noël oblige. Nous nous mîmes donc à table pour affronter tout de go le plat principal.

Pour les stagiaires leur introduction en bouffe se fit donc au bar. Point d’action en bourse pour une salade niçoise de Noël, une soupe aux multiples saveurs que seuls la Jacquouille et le grand Thom ont le secret, de huîtres de saisons pour accompagner le petit blanc qui va avec sans compter la fameuse soupe de poisson que l’Amiral en capitaine de navire et ses mousses Dudu et bien d’autres se sont évertués à partager pour que nos palais des rouilles ! Pour quoi faire une intro quand on peut directement passer au plat principal. En même temps les mails avaient annoncé la couleur. Chaque convive amène soit une entrée, soit un dessert, soit du vin. Le propre des membres Archiball et non archibowl est qu’ils ont de la bouteille. Par conséquent leur présent se fit en toute logique en cuvée et non en mets. Le Jacquouille homme de foi boit de l’eau parfois mélangé avec des bulles, il répondit en partageant sa croyance et toute sa foie d’amateur de bonnes chair qu’il est. C’est un gardien, un sage qui ne voit dans tout poupous peint qui se dresse, qu’un irrésistible penchant de liberté. C’est d’actualité à en croire les tabloïds! Une femme au sein nu esquissé par un génie inspire pour certains un sacrilège et pour d’autres, biens plus sages, un sentiment simple et unique de liberté. C’est bien la seule chose qui peut nous faire regretter l’ancien billet de 100 francs. Il y a du Montaigne dans notre Jacquouille. C’est un Sage ! Il a ce léger penchant à penser pour la troupe et de sortir son saucisson pour viser le plaisir d’une liberté en bouche.

En tout cas au trou, point de saucissons, point de tétons qui pointent et point d’entrée !
Bernachatte admire le sage. Il zène à l’occasion. Il sortit pour l’occasion ses cacahuètes. De la chips aux toasts sublimés, nous avions de tout pour partager la bonne humeur.

Quatre au bout de table, ça le fait ! Sergio, Marco, Stéfano et Julio se sont rapprochés de la Sicile pour les légumes. Les légumes viennent d’Italie en pâtes. Quel bonheur ! Le fameux goût de reviens-y était bien là ! A la limite de nous faire oublier qu’il n’y avait pas d’entrée. Le tarbais eu la larme à l’œil ! Nostalgie de Sicile qui servent les pâtes en entrée. La défense se leva puisque notre avocat siégeait à table. Saint Patrick sortit sa robe pour demander la parole aux juges. « Je rappelle aux hommes de bonne foie,… », Jacquouille fronça les sourcils, « que les pâtes en Sicile ne sont jamais, et j’insiste pour la défense de mes clients, jeunes et innocents pour l’instant je vous l’accorde…que les pâtes ne sont jamais, je dis bien jamais...", Walid sentit le coquelicot venir et chercha du regard son doigt du même âge…, « Accompagné de chapon farci ! ». A vrai dire à ce moment-là, le poulet sacrifié n’était pas le seul à l’avoir coupé. Le Prez reprit alors les choses en mains, le silence se fait quand on a la bouche pleine. Il sublima la parole au geste en se resservant une tranche. Maxime lui se battait avec sa cuisse. La défense sait se faire entendre. Les hommes exprimèrent leur sentence en se resservant à volonté. L’avocat, le travail accomplit posa sa robe, heureux d’avoir préservé une injustice de tablée. L’ambiance de Noël est là, la bonne chair sait faire naître de belles paroles. Nous pensâmes à ceux qui nous manquent, Mozart et sa douce et bien d’autres... Le Barde est chanteur, il ne fait pas qu’écrire. C’est un artiste ! Il n’y a pas d’artiste sans penser à Sardou. Cette fois-ci remasterisé à la mode Bélier ! C’est un fonceur de la plume ! Bref, la chanson est là, le Barde chante et il est nostalgique. Un triste bonheur, une heureuse tristesse, peu importe tant que l’amour vole !

Piou Piou aussi est un artiste, dégagé je vous l’accorde qui trouve à l’occasion chaque fois à redire aux siècles se prêtant de lumières. Il préfère en son honneur, les pensées éclairantes qui ne font pas d’étincelles. Il clignote à l’occasion à l’image de nos guirlandes de saisons. Comme tout clignotant, il guide notre direction à tenir. L’équilibre comme le courant se fait moderne et dans l’alternatif.

Pour revenir à nos cuistots, ils se sont peut être mis à quatre pour cuisiner un poulet diminué mais cela valait vraiment le détour ! Le plaisir nous poussa à chanter. Le castor rassasié chante !
Le lancer d'assiettes donna dans le quatuor. Les assiettes volèrent comme un seul homme, traduisant le corps collectif de nos jeunes pousses, adroites en diable. Surtout Serge. Mais qui s'en étonnera. Pourtant le Préside avait quelques inquiétudes, elles se dissipèrent.

Pioupiou entonna sa chanson monotone. Avec, comme toujours, la complicité de JP. Par bonheur, elle ne dura pas. Un canon lançait par le Préside s'éleva sur l'air de frère Jacques. Rien ne vaut les classiques.
Par eux le monotone touche à la grâce.
Le fromage était divers et abondant. Une merveille. C'est alors que les stagiaires procédèrent à un tirage au sort pour honorer quatre récipiendaires de cadeaux. Noël oblige. Le hasard entra-y-il vraiment dans ce tirage qui n'eut de sort que le nom. Les heureux lauréats furent Pépé, Guitou, JP et moi-m'aime. A Pépé une horloge puisqu'il est le gardien du temps. A Guitou, je ne sais plus quoi, JP trois ampoules puisqu'il est notre lumière et à moi-m'aime un puzzle avec pour illustration un chiot et un chaton. Allez savoir pourquoi !
 

Un peu de dessert. A peine. Une frangipane. Nous étions repus. Le comptoir ne se vida que très lentement. Nous conversions. Le Préside dessinait des rébus sur la feuille de bouffe au grand dam de Perdigue. Il a la main sûre le Préside. Architecte oblige.

La nuit était étoilée. Et la rue si calme. Franck dormait sans doute en rêvant au trou. J'imagine des sourires sur son visage malgré ses paupières closes. Les jeunes se glissèrent dans les ruelles pour une ultime bière. Les plus sages regagnèrent leurs pénates, le cœur plus castor que jamais.

Joyeux Noël et à l'année prochaine !

13 décembre 2015

Les cuistots de Bouffe, Jacquouille et le Tcho offrent une table présidentielle

Par Le Barde et Réglisse
 
 
Dernier pré de l'année. La nuit est belle. La fin d'automne est douce et nous va bien. Le toucher est plein de grâce. En ces temps moroses, il offre plus qu'un répit : un salut. La passe est une offrande, c'est entendu ; elle est le sel du toucher. Le salut est dans la passe. Donner, après tout, reste ce qu'il y a de mieux en ce bas-monde. Que le cuir soit loué pour être la condition d'un don.

Sergio et Seb étaient encore face à face. Guitou faisait son retour. Les débats furent très équilibrés. Seule La Piballe transgressait l'évidence des faits par une comptabilité factice. Elle est comme ça la Piballe ; on ne la changera pas. Pas de Jean-Phi ! L'automne aurait-il chassé notre hirondelle ? Mais il y avait Don. A défaut d'hirondelle, nous eûmes un martinet. Une affaire de famille en somme. De ciel, si l'on préfère.

Deux anciens présidents étaient des nôtres : Joël et Loulou. Joël qui nous gratifia d'un cadrage débordement d'école. Arnaud les couvait du regard, ceint de son maillot vert qu'il arbore fièrement, comme un gage d'appartenance. Tom était en cannes. Croucrou itou.

Qui eut l'idée saugrenue de passer sur le grand terrain ? N'importe, nous nous amusâmes. Léo en tête. A dire vrai, les vieux tiraient un peu la patte. Adaptons nos périmètres aux exigences de l'âge.

Le trou célébrait ses gloires. Coco et Michel attendaient leurs successeurs. Le Tcho, au chef garni par un chapeau étriqué, et la Jacouille conjuguaient leur talent. Un beau couple. Les deux étaient couverts. Plus l’expérience est grande, plus le port du chapeau est nécessaire. Les blouses brothers de la restauration.

La tête couverte et le couvert mis, la réception est lancée. Le premier arrivage suivit l’appel de Coco. Puis le temps d’une première tournée, vint le gros des troupes. Le gros vint à plusieurs. Les castors ne sont pas gros justes enveloppés dans cette période semi-hivernale. Demi hivernal pour les hommes du bar !. Ils étaient en effet nombreux sur le terrain pour tâter de la beuchigue et tester leur museau à la rigueur de l’hiver. Les prezzes se sont partagés les tâches. Ils suivent leurs hommes sur la pelouse et au trou. Le Prez qui chante le doigt est élu par ses paires, ses compères si vous préférez en un seul mot ! Car l’homme peut se distinguer tant par ses attributs que par les relations qu’il porte à ses hommes. Point de sceptre qui s’hérite. Point de bout qui s’irrite. Mais bien des hommes de tête qui enfin se retrouvent ensemble. La magie est faite, les Prezzes attablés, Jacquot envoie les hostilités. Les trainards du bar resteront sur place. Coco pour sa part a choisi sa place. L’homme a de la voix, les prezzes du corps, la soupe est à la tomate. Tout cela fait de belles paires. Pères d’un groupe. Repères pour les uns, pépère pour les autres. Jacquot est au rendez-vous. Point de don d’ubiquité chez le castor. Mais pour ce repas les Prezzes sont partout.

Dans la famille Escassut, nous avons le père. C’est lui le cuistot de bouffe. Pour sûr, il en connait un rayon, le bougre. La soupe n’est pas en sachet. Elle hume le foyer. La mijote est de mise. Le cœur à offrir du bon à ses castors est ouvert. Le Tcho s’occupe des vermicelles. L’équipe est rôdée. Chacun sa tâche, Jacquouille à la tomate, le Tcho de vermicelle. La patience a des limites pour le conducteur de soirée, Jacquot au coin de son feu porte le tablier du cuisinier, le Tcho celui de pâtissier. Point de tâche de vermicelles sur celui du Tcho mais en même temps entre le tablier du cuisinier, le tablier du pâtissier et le tablier du sapeur, Tcho et Jacquouile le veau bien !

La soupe est bonne. Coco poussa la chansonnette. La voix est posée, l’homme appelle la suite. Elle pose le « La » de la soirée qui sera chantante. Les prezzes se chauffent la voix en reprenant de la soupe. Puis vint les miettes de surimi sur son lit de macédoine. Un chef d’œuvre de présentation, Pépé sortit ses miches pour éponger la suite. La réception est d’honneur et l’ambiance de bonne humeur. C’est à ce moment que la bande des prezzes fumèrent une gitane. Guitou dissimula son cigare. La gitane ne se fume pas au trou, elle se chante. C’est Michel qui lança les hostilités. Félix Gray n’a qu’à bien se tenir. Bernachatte sifflotait le duo des années 80. La chevelure en volume, le piano en avant et la gitane en arrière. Nostalgie quand tu nous tiens… Ce n’est pas la même gitane que Michel nous composa. L’histoire se chante sur un accompagnement en chœur, en canon peut-être, des canons sûrement. Le jazz est dans la voix. Le rythme et la cadence soulevant toutes les vapeurs d’une ambiance d’un bar de nuit. Il manquait le tarlousain pour avoir sa larme à l’œil et pensait à Claude Nougaro. Toulouse à sa saucisse, Claude Nougaro et notre Tarlousain. Tous les trois biens appréciés au trou… Les chants redoublèrent. Puis, chaque président dut satisfaire à son hymne. Ma mère m'a donné cent sous pour Joël, O gitane cruelle pour Coco, la dacquoise pour Joël, la fille du bédouin pour Loulou et, enfin, Mener la vache au taureau pour Arnaud. Un récital achevé par notre Haka, je veux parler du Doigt comme il se doit. Fin des préliminaires. La communion fut totale.

Quand Michel envoie la Gitane, Guitou lâche le cigare. Le trou attendait depuis longtemps cette sonate pour libérer sa mémoire. Attention « un Prez peut en cacher un autre », le panda aime le groove de son prédécesseur mais la magie nécessite une suite. Quoi de mieux que la magie d’une autre douceur féminine. Elle sera numide et fille de bédouin. C’est moins Jazzy, mais le prez Panda a de la voix, le mmmmmmmmmm subliment les « n » actuels. Comme quoi le bonheur est aussi simple qu’une chanson d’amour. Le panda tient le trou par le bambou s’exclama Jeff. Jeune stagiaire au regard rêveur devant tant d’histoires qui s’enchainent et se chantent. Joël en eu même la banane. Il est architecte fruitier ! Quand les prezzes sont heureux ils sortent leur banane. Point d’esprit mal placé au trou, la banane est un art. Mélange de serviettes et de miches, seuls les amateurs sauront apprécier l’offrande. Le panda admira mais préféra son bambou. C’est à ce moment que le Prez avec une majuscule puisqu’il a la tasse du Prez sortit aussi son appendice. Point de sceptre pour l’actuel mais une tasse à son nom. Le doigt est magique il fait tourner la tête et la langue. Et voilà le trou en mouvement !

Tout trou en ébullition a un doigt qui s’agite. Les castors sont en osmose. La symbiose entre les hommes et le castor est simple comme un doigt en avant. Guitou sortit son cigare. Il aime le trou. Et le trou l’aime. Il gratta son allumette, regarda la troupe, les yeux malicieux et brillant, aspira la première bouffée. La havane remplit sa gorge, le doigt le trou. Il aime, lui aussi qu’un plan se déroule sans accrocs ! Le bonheur est là… Jacquouille lâcha sa tambouille pour profiter de tout ça. Le Tcho notait pour Pépé le déroulement de la soirée. Il en a en stock l’homme au béret, un coup de main n’est pas de trop pour mettre tout ça en mémoire. Point de bonheur sans nostalgie. Joël en retrait sentait le vent tourner. A défaut de trompette, il poussa une chansonnette. Un prez du Sud Ouest ne peut chanter sans sa Dacquoise. Les paroles sont douces, l’homme les caresse. La magie du Sud Ouest est là. Serge est de Lourdes, le Tarbais de je ne sais où, mais Joël a bien son cœur dans les Landes. Guitou tira sur son bout, l’extase ! Jacquouille avait tout préparé, Coco, les Prezzes, la troupe, et le civet de cerfs. Le tcho amena les pâtes. Les vermicelles sont de la famille des pâtes. Le mélange nous ramena au monde animal. Le sacrifice du cerf est un hymne à l’explosion des sens. La table réclama du Sabite. Comme quoi le Sabite se boit, les prezzes chantent, les cuistots de bouffe dans la constance de leur art de nous rendre heureux, tout se concentre pour que le trou soit comblé ! Le Tcho, dans la magie des Prezzes s’envola léger comme ses chants d’oiseaux. Les cuistots font vraiment de belles paires…

Lorsque le Tcho eut saisi les assiettes, on craignit le pire. Et le pire fut à deux doigts d'advenir. Chacun sut s'adapter à son lancer chaotique. Pas d'apocalypse. Le Tcho a l'assiette molle et le poignet hésitant. Mais il parvint à ses fins. A de rares exceptions près. Sous l'œil circonspect de Coco qui jeta un regard sévère à Lolo lorsqu'il laissa choir, par jeu, l'ustensile que l'on dit à dessert. Lolo, bon enfant, avoua sa faute. Et son sourire était déjà une rédemption. "Va mon fils" lui murmura Coco tendrement.

De petits chèvres chauds étaient disposés sur un lit de roquette et furent servis par notre Don. Coco vanta les mérites de la roquette. Pourquoi diable avoir attendu tant d'années pour rétablir cette salade dans ses vertus ? Les Anciens lui prêtaient ainsi des vertus aphrodisiaques. Les premiers chants s'élevèrent. Comme des préliminaires. Que du traditionnel. En basque, en béarnais et dans la langue de Racine. Rien de tel pour attendre la floraison de desserts qui nous fut offerte. Quelle diversité ! Et de la diversité faite main. Chacun y trouvait son compte. Surtout Pascal. On eût dit un enfant. Il piochait avec avidité dans le plat offert à sa convoitise. Par petites touches. A la dérobée. Cake, gâteau à la semoule... il y en avait pour tous les goûts.
L'humeur était joyeuse. Le trou était bel et bien l'antre de notre petite bande, l'âtre, le foyer. Même si, sans JB, il est un peu vide. Nous pensions à lui et à sa très douce.

Repus comme jamais, ivres d'amitié, nous nous éparpillâmes dans la nuit, comme autant de petites étoiles.

05 décembre 2015

Le cuistot de Bouffe, un fumée sans Dudu ça n'existe pas...

Par Réglisse et Le Barde



L'hiver montre le bout de son nez ; il faisait frisquet, raisonnablement frisquet. Le pré était, humide, le ballon glissant, le rythme allègre. Le castor finit l'année sur un ton vif.
Don et Cary Grant étaient là. Nous étions seize. Seul Dudu manquait, abécédaire oblige. Serge et Seb s'affrontaient. Les passes furent malhabiles et le ballon joncha le pré plus que de coutume. Rien à voir avec Seb ou Serge. Une affaire de temps tout au plus, lorsque l'hiver et ses frimas pointe à la porte ; le castor est cigale. Les commentaires furent parcimonieux. Il y eut même ce qu'il faut de clémence pour que l'esprit du jeu et l'esprit des lois se confondent. Un parfum d'équilibre en somme au pays de Montesquieu.

Croucrou n'éleva la voix que par intermittence. Léo, lui, tout de noir vêtu, en hommage à Jonah, retrouvait ses marques et ses deux Eric. Oui, les trois grâces étaient de pré en ce premier jour de décembre. Quelques castors de plus n'eussent pas été de trop pour épouser toute l'étendue du pré. N'importe, le corps exultait. Plus le périmètre se réduit, plus le corps est à la fête. Une géométrie sensible en quelque sorte, dictée par le nombre.

Ceint d'un tablier au rouge prononcé, lacéré de vert, pigmenté en son sein par quelques piments d'Espelette, Dudu nous attendait. Ce clin d'œil d'un béarnais au pays basque avait quelque chose d'émouvant. Tom n'était pas des nôtres pour l'apprécier. On ne lui en tiendra pas rigueur. Tom est un père castor, il doit partager ses devoirs.

Dudu pestait contre les plaques électriques. En bref, il était a la bourre. Les plaques avaient bon dos. Comme ceux du pré étaient en retard, les plaques étaient, au bout du compte, opportunes. Pépé gronda un peu. En bon gardien du trou. Peu à peu, les gens du pré rejoignirent ceux qui étaient à demeure. L'assemblée était clairsemée hélas. Pourtant la chère n'est pas triste. Surtout lorsque Dudu la sert avec le talent ibérique qu'on lui connaît. Dudu fait dans l'éternité. Il prolonge sans fin ce qui fut, en sorte que passé et présent ne font qu'un. Dudu, c'est le temps retrouvé à chaque seconde.

Le Dudu a des principes. Le premier tient dans l’anisé. Point de ballon mais une chope pour le contenir et rafraîchir l’homme au travail. Le jaune est clair car il l’aime bien arrosé. La saveur est ainsi l’homme est du Sud. Pour la réception, il se tiendra à la soupe. C’est son second principe. Le Dudu est chasseur, il a pris le temps d’observer, d’étudier, les habitudes de ses castors. Le gaspacho est devenu hors saison. Mais la soupe au poisson se mélange aux fraicheurs hivernales. La mer n’a pas de frontière et connait toute les saisons. Bref le choix ne fut pas dans le pâté mais dans une bonne soupe. Certains trainaient au comptoir à conter je ne sais quoi, pendant que certains réfléchissaient déjà à la deuxième tournée. La soupe est un liquide qui par principe aussi s’évapore quand l’ambiance est chaude. Pour ralentir le processus Dudu avait prévu de la Rouille, des croutons aillés et du fromage râpé. Le tout permit aux retardataires de vite rejoindre la masse pour éviter l’angoisse de la feuille blanche pour certains et d’une assiette vide pour d’autres. Le Sabite est toujours à table. Son côté marin le rend chanteur. C’est magique. Le rouge est en attente puisque du blanc s’associe à la mer. La lune attire la mer, la marée ses cycles, le Dudu sa troupe.

La suite est logique. Le Dudu a deux maîtresses, la pelouse et la paella. Pour la paella comme pour la pelouse, le cuistot du soir a le sens du partage. Après un temps indispensable pour le connaisseur classé hors d’âge, d’apprécier les qualités de chacun. La passe courbée de l’un, la pénétration de l’autre, la technique du croisé en aveugle, bref toutes les qualités d’un jeu collectif, il choisit son camp et exploite au mieux ses connaissances. Il aime le jeu et par principe le bon jeu. Pour la paella, c’est pareil. La technique du service est par conséquent bien travaillée. Les grandes stars ne rentrent jamais sur scène sans un petit coup de fumée. Dominique l’a formé en Sicile. Les fumerolles divulguent bien les volcans. Les sens embués, les poumons à la limite de l’asphyxie, l’attente est trop forte. Nous attendîmes la soufflerie pour libérer le spectacle. Point de bons mots sans bon souffleur ! Ce que nous eûmes c’est un appel. « Un gros bras, sinon rien ! ». La consigne est claire à l’opposé de notre visibilité. Dudu s’exprime ainsi, point de nuance, le direct a cette qualité de marquer et de nourrir les hommes. Le code vient de la cuisine. Jean Phi enfila son masque sortit son bras pour suppléer à la charge l’homme de table. La sortie est magique. Le plat est grand. Les écrevisses taquinent les moules, le riz les bouts de chorizos et les petits pois sont verts. Les Eric sont en ligne. Formation qu’ils n’ont pas quittée depuis l’aire de jeu. Plus de lancer de bout de pain, la leçon est apprise. Le castor s’adapte et reste joueur. L’homme se reconnaitra même s’il se cache dans le trio. Il et ténor à ses heures. Bref à défaut de jouer à la baguette il la lance. Pépé retrouva son képi de gendarme. Et Jeff prit au sens propre comme au sens figuré un pain dans la gueule. Comme quoi les bouts de pain sont moins dévastateurs… « Un Eric, sinon rien ! » s’exclama le Tcho. Le souffle fit son effet. L’homme est de tablée présidentielle la semaine prochaine. Le Jacquot est de la partie. Les Eric sont avertis. Et les autres n’auront qu’à bien se tenir. La semaine prochaine ce sont les vieux…les anciens…les bérets…qui régalent. Les vieux ont des principes eux aussi, le rendez-vous est fixé à 22 heures pétantes. Ils nous préparent un soufflet autrement. Le trou a ses générations et cela est bon !

Dudu a la main sûre. Le lancer d'assiettes ne fut qu'une formalité. La seule fausse note vint du Tcho. Même la Jacouille fut adroite. Le Poulpe alors y alla de ses tentacules trouvant en Léo un complice parfait. Titi en rajouta un peu. La rime fut riche. Il ne manqua que la renoncule, le pédoncule, la tarentule et le bidule. Il est vrai que sans Perdigue la rime en ule perd beaucoup de son charme. jean-Phi assonance sans jamais être assommant. Tout un art. "Rimez faiblement, assonez si vous voulez, mais rimez ou assonez , pas de vers français sans cela." Ce n'est pas Jean-Phi qui le dit mais Verlaine. Il y a du Verlaine dans Jean-Phi.

Les plâtriers en remirent une couche sur leur prétention présidentielle. On eut droit au Patriball. Il y avait de la fée dans l'air. Même si la fée n'était pas là.

Côté fromage, Dudu avait poussé l'altruisme jusqu'à le découper en tranches. Du rouge, du coulant et du Cousteron peut-être.La paella avait refréné nos ardeurs. De trop nombreux morceaux ne trouvèrent pas preneurs. Ceux qui attendaient de la pâtisserie en furent pour leur frais. Des clémentines. Rien que des clémentines. Un fruit d'hiver il est vrai, la madeleine de bien des adultes.

La grappe de castors se réunit autour d'une belote de comptoir. A l'exception du barde, de son bardinet qui poussèrent la chansonnette et déclamèrent qui du Racine, qui du Corneille. Le vieux quatre en resta tout pantois.

Au sortir du trou, Amélie s'emmitoufla dans la nuit à la recherche d'un peu de fraîcheur. Il regarda les étoiles et sourit.