Par Le Barde
Pépé avait décidé de se passer de sa soupe ; il avait des envies de
pré. Il prit le chemin de Musard. Le ciel était bleu. Il avait vissé
son béret sur son chef. Le Tcho l’accompagnait. Ils prirent Coco en
chemin. Les hirondelles paraphaient le ciel de leurs vols. « Quel est le
con qui a dit qu’une hirondelle ne fait pas le printemps » se dit le
Tcho ; on sait son amour pour les oiseaux. Surtout lorsqu’ils sont dans
les branches.
Arrivés à Musard, ils firent quelques pas sur ce drôle de gazon.
L’herbe d’antan n’est plus de mise ; le synthétique supplée le naturel.
C’est comme ça. Pépé esquissa une moue dubitative : « Quitte à brouter,
autant que ce soit dans le jus. »
Dudu ceignait le terrain d’une course lente et méticuleuse.
Jean-Phi trottinait. Le Doc paraissait impatient de taquiner la gonfle.
Il trépignait. Pioupiou, sur le dos, moulinait avec ses pattes. Il y
avait comme un air d’été. Pépé se rappelait son passé.
A 20:13, il siffla le début de la partie. Le Tcho passait sa main
droite sur ses cheveux en bataille. Coco regardait ses petits s’ébattre.
Chaque envolée du Bardibule les émerveillait. « Il y a que les talons
pour faire des choses pareilles » se disait Pépé nostalgique. « Moi,
j’adorais les taches obscures, mais souvent l’envie du grand large me
prenait. » « Tu me les brises avec ton grand large, quand on est un
petit gros, on reste dans sa catégorie. » Pépé ne moufta pas ; il était
dans sa légende. Il souriait, heureux.
JB était de mets. Sa contribution serait aérienne et musicale. Pas
de pangolin, non du volatile, de l’ailé. Il fit une entorse à ses désirs
en entrée et avait opté pour un tabouret oriental. Des miettes de
menthe le parfumait. Sans doute voulait-il rendre hommage à Walid. Pour
le reste, il s’en remit à des limicoles de diverses sortes. Bien sûr,
Pioupiou troqua ses bêlements pour de délicats coin-coins.
La suite était un appel aux sens plus terrien. JB revanchard se confronta de nouveau aux délices de la daube de toro. Il a quelques sources dans le pays qui garantissent le sacré du plaisir. Piou Piou troqua ses coin coins pour des olés de circonstances. Il se connait lui aussi en tauromagie. Le plat en sauce à chaque réchauffe mérite une étoile supplémentaire. Et cette fois-ci le maestro a trouvé le bon timing. «Finalement l’équilibre tient dans la bête » philosopha Prof proposant son assiette pour une resserve. JB avait pensé à tout le monde même à son vieux 4 en le comblant de patates vapeurs. Lolo poussa le lala des patates tambien repris par la tablée bien heureuse. L’émotion est là du coup Gwen pleure. Il se restaura en tendant son assiette vide. Titi connaissant l’animal le réconforta après plusieurs louches. Il en faut de la daube pour cicatriser un castor.
Un lancer d’assiette de JB, c’est comme le deuxième mouvement du
quintette pour clarinette de Mozart. Divin ! Comment ne pas être
janséniste avec JB ? Certains sont prédestinés. Avant d’atteindre les
mains tendues, les assiettes laissaient échapper un doux murmure. Pas un
mot ne s’échappa de nos gorges. Coco applaudit. Le vieux quatre était
sans voix, touché. Une toute petite larme coula sur sa joue gauche.
C’est un tendre.
Des cerises à profusion conclurent le dîner. Les cerises, c’est
l’enfance. Seb apprécia. « Un haricot jamais n’égalera une cerise »
soupira-t-il. Sergio le réconforta. Le vieux quatre chantonna le temps
des cerises. Il était à deux doigts de poursuivre par l’Internationale.
Mais son libéralisme prit le dessus.
Pour éveiller notre intellect, JB avait préparé des quizz. Sur
l’aviation, le rugby, Mozart. Hamilton fit montre de sa culture. Il eût
aimé un quizz botanique, certes, mais sa panoplie est vaste. Il butine
un peu partout Hamilton ; c’est un cueilleur.
JB regagna ses pénates satisfait. Il lui restait quelques cerises.
Demain, il irait faire un tour dans le ciel en les croquant. Vu d’en
haut, le monde a de l’allure et ses ridicules n’ont pas cours. Pépé
dormit comme un ange en se blottissant contre ses souvenirs. Et le Prez
savourait les étoiles.