27 février 2012

Le cuistot de la semaine vient de la mer

Par Le Barde


Retour aux affaires sérieuses à Musard mardi. Une vingtaine de castors retrouvèrent l'objet de leur convoitise : cette chose ovoïde qu'un cordonnier du nom de Gilbert leur a légué pour l'éternité. Le jeu fut alerte, vif et agréable. Pas ou peu de railleries, quelques maladresses. Mais au bout du compte une reprise qui avait de la gueule.

La mer, la mer toujours recommencée. Roro, dit l'amiral, il a quelque chose en lui de Valéry. C'est mieux que Tenessee, fût-il williams. Donc, Roland nous la joua maritime. Non sans avoir ouvert les festivités par un bon coup de clairon. Après le clairon vint la soupe, soupe de poisson bien sûr. Rien à dire. Puis, ce fut le temps des gambas. On dit que j'ai de belles gambas chantonna l'amiral. Et c'est vrai qu'il a de belles gambas Roro. Huit par personne sermonna-t-il, mais comme Roland n'est pas chiche, la huitaine ne fut pas de rigueur. On pensait passer tout de go au fromage. Que nenni !
Nous eûmes droit à une brandade de morue, lisse et savoureuse. La mer toujours recommencée avait atteint ses limites, nos estomacs n'en pouvaient plus de recevoir ses bienfaits.
Lorsque Roro sortit de son antre pour lancer les assiettes, une crainte indescriptible s'empara de la tablée. Tcho était pâle comme un linge et le toulousain n'en menait pas large. Il s'en moqua Roro et fit bien sa besogne. Seul. Toto connut quelque difficulté. L'ustensile avait du mal à arriver à bon port.
Puis l'Amiral, dont les racines normandes sont bien connues, nimba les tartes aux pommes d'un calva flambé. Une heureuse initiative au pays de l'Armagnac. Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Un monde de pommes.
L'amiral y alla d'un ultime coup de clairon. La soirée s'achevait comme elle avait commencé. Mardi prochain c'est Gwen qui s'y colle avec Jérôme. Puis, c'est Jérôme qui s'y collera la semaine d'après avec Gwen. Les architectes font la paire. Juste une paire de demi-dieux.

10 février 2012

Le cuistot de la semaine, la nuit du chasseur

Par Donatien


Ce fut une bien belle assemblée de Trappeurs. Car il y a toujours un trappeur qui sommeille sous la fourrure du Castor. Et notamment sous la fourrure de l’Eric puisque trois d’entre eux, et non des moindres, formant à eux seuls un bon quart de l’assistance, avaient bravé le blizzard et les loups pour gagner l’igloo de la rue de Bègles.

En attendant que le gros de l’équipe rentre de la patinoire où l’on supposait qu’un chacun était allé se consoler de la fermeture de Musard, les premiers arrivés patientaient blottis les uns contre les autres autour d’une belote de comptoir tandis que les deux frères Prévôt se démenaient à faire partir le poêle. Pour passer le temps on racontait la façon dont on était venus. Ski de fond pour Léo, le barde et Peyo, peaux de phoque pour Piou-piou et Jacky, Bobsleigh pour Lolo, Pépé, et le Tcho, raquettes pour Florian, Amélie et mézigue, skidoo présidentiel pour Arnaud, traineau à chiens pour Zeilles.

Et il était beau à voir ce musher avec sa pelisse en poil de grizzli, les poches pleines de tabac à priser. Son regard brillait d’un éclat inhabituel, associant le bonheur et la fièvre. Une fièvre d’orignal qui eut cloué au lit le plus vaillant des poseurs de collet. Et chacun de se demander en son fort intérieur, quelle force surhumaine, quel extraordinaire sens du devoir, quel amour fraternel pour son prochain transi de froid, avait pu lui donner la force de hisser les lourdes marmites sur son vaisseau des neiges, de braver les avalanches et de parcourir les hectares de glace encore fragile le séparant du trou.

Car, dans l’athmosphère boucané du souterrain, après le bénédicité entonné par le barde et son enfant de chœur (Stéphane Escassut), c’est à un véritable repas de noce que fut conviée la petite assistance. Un potage de chasseur plein de vitamines et de calories commença de dégeler les Archiball. Un rougail de bœuf aux olives sublimement épicé et accompagné de patates fondante amoureusement pelées acheva de réchauffer les c(h)œurs de la fruste compagnie. On causa équipe de France, pelouses chauffées (scandale ou solution ?), et Arnaud apporta quelques éclairages bien informés sur l’affaire Chabal-Berbizier. Mais c’était surtout Zeille qui nous tenait en haleine avec son repas en forme de récit biblique. Le Saint-Nectaire aux arômes de prairie, fleurait bon la Genèse et le jardin d’Eden. Les éclairs au chocolat et au café étaient des Assomptions et les pruneaux à l’Armagnac formaient un cantique. Le cantique des cantiques.

Ce sur quoi Zeille siffla ses chiens qui piaffaient dans l’entrée. Et d’un simple claquement de langue lança son équipage dans la nuit glacée. Sous l’œil bienveillant d’une lune ronde et dorée, comme une auréole.

02 février 2012

Le cuistot de la semaine, made in China

Par le Barde 



Le froid est une chiquenaude, une peccadille, une pichenette, que l'on dissipe d'un revers de la main. Il suffit de taquiner la balle, comme on taquine la muse. La béchigue est notre muse. Tendre sa lyre, c'est tendre ses mains pour recevoir l'offrande d'un pair. En guise de pair, Musard, hier, était aux anges. Musard a trouvé ses muses et c’est bien. Étonnants castors, si adroits lorsque l'hiver plante ses banderilles glaciales sur leurs corps. Témoin Bernard (Palanquès) si vif et alerte, auteur d’un cadrage débordement d’école. Ou le panda (Loulou) aussi incisif qu'un stalactique. Oui, Musard en ce dernier jour de janvier était touché par la grâce. Et pourtant, JB n’était pas là.

Il y a de l'asiatique dans Corsenac. Et du Corsenac dans l'asiatique. Avec Jean-Louis, l'asiatique fait toujours mouche. Loué soit-il de ne pas déroger d’un iota à ses habitudes. Chaque année, il mixte les pays de l’Orient éternel. Et c’est bien. Un nem reste un nem, et c’est tout naturellement par des nems qu’il commença son office. Avec ce qu’il faut de feuilles de salade pour couvrir les précieux rouleaux que l’on dit de printemps. Jean-Louis n’avait pas omis la menthe. Ah ! la petite tige de menthe que Sébastien remuait comme un brin de muguet en attentant des printemps qui chantent. Le rouleau de printemps, lui, ne chante pas ; mais c’est tout comme.

Le bœuf au saté, ce n’est pas fait pour les gros enculés. C’est pour cela que Jean-Louis  en fit. Pour le plus grand bonheur des castors du jour. Le porc au caramel, ce n’est pas fait pour les mères maquerelles. C’est pour cela qu’il en fit Jean-Louis. Il y en avait pour tous les goûts qui sont, comme chacun le sait, dans la nature. Sauf dans celle des gros enculés et des mères maquerelles. Mais le bœuf au saté ou le porc au caramel ce n’est rien sans le riz cantonais. Jean-Louis nous proposa donc du riz de Canton et sans Canton (pour ceux qui aime l’épure de cette plante monocotylédone dont le fruit  indéhiscent est un caryopse dont le péricarpe très mince enveloppe intimement la graine).  Arnaud et Guitou jubilaient sous l’œil attendri de la Piballe.

Le fromage est rétif à l’asiatique. Donc pas de fromages. En sorte que Jean-Louis répugna à la tradition du lancer d’assiettes et dut s’exécuter de mauvaise grâce. N’importe, il lança avec une distance feinte les ronds ustensiles prêts à recevoir une exquise salade de fruits mêlant mangues et litchis ( et non pas lychnis ).

Une belote de comptoir se forma. Puis, un petit attroupement se fit au comptoir. Lolo et Loulou vantèrent les mérites des cannelés (les cannelés noirs et croustillants) et du kouglof. Ils avaient l’âme pâtissière ; on a l’âme qu’on peut. Mais j’ignore les raisons qui les poussèrent à étaler leur âme de la sorte. Surtout après un repas asiatique. Car les asiatiques se moquent de l’âme. Pâtissière ou pas.

Minuit s’éternisait un peu. La petite bande de castors pointa le bout du nez dehors et marqua un temps d’arrêt. La rue était froide, triste. On entendit alors vrombir le V8 de la Jaguar de Jean-Louis. Et la nuit devint belle. Je ramenais Loulou chez lui. Il était aux anges.