09 novembre 2020

Le trou co(n)vid: ma queue plate tourne en rond

 Par le Barde

Pioupiou regardait les canards barboter. Il mettait à profit l’heure réglementaire que nous accorde l’Etat. Faute de castors, il s’était rabattu sur des canards. La petite mare, sise près de sa demeure, le comblait. Il admirait la nonchalance de ces anatidés, leur parfaite indifférence aux maux des humains. Et il leur parlait, cancanait avec eux. « Peut-être vais-je devenir vegan » se disait-il ? « Les magrets, les foies gras sont une atteinte à l’intégrité animale, je n’en consommerait plus. » Et il se sentit humain, frère des espèces qui peuplent la terre.

Pépé avait décidé d’élever des lapins. « Il me gonfle avec ses poules Amélie, il n’y en a plus que pour elles. J’aime les animaux lagomorphes à larges oreilles ; ils sont un peu mes frères. Les poules me sont devenues parfaitement étrangères avec l’âge. » et de penser à son Tcho bien aimé, à ses oiseaux. « C’est un franciscain dans l’âme le Tcho » pensa-t-il, et de verser une petite larme. « Mais pas question de devenir vegan. »

« On ne s’arrête jamais assez sur la gente animale. Un comble pour des castors. Faute de trou, on pourrait le transformer en poulailler. Après tout, cela ne changerait pas beaucoup. » Fort de cette idée géniale, le Prez voulut lui donner vie et confia cette métamorphose à Croucrou. Seul un plâtrier lui paraissait susceptible de combler le trou béant laissé par la Covid. »Je lui dresserai des plans dont la splendeur le disputera à l’efficace

Jacouille maugréait. Il en a plein le cul Jacouille du confinement. Le grand air lui manque. Il aime tant balader sa silhouette gracile et s’éterniser sur les beautés du monde. Sur la plage notamment. Il ne goute rien tant qu’observer les mouettes, les goélands. A son fils les canards, à lui les oiseaux de mer. Et au Tcho les passereaux chantonnant sur ses mèches éparses.

Et pendant ce temps-là, Seb comptait ses haricots. « Toute la richesse du monde se tient dans le haricot » se disait-il. Et de les égrener de sa main gracile. « Le haricot a je ne sais quoi d’ovale qui le rapproche de la gonfle » méditait-il. « Nous étions faits l’un pour l’autre, il n’y a pas de hasard. » Et il récitait son chapelet de haricots.

Flo se moquait du confinement. Après tout, la vie continue. Il enfourchait son scooter et narguait le temps. Bien sûr que le trou lui manquait, mais il se faisait une raison. « L’avenir, c’est demain », et fort de cette tautologie, il arpentait sa ville bien aimée.

Dudu, lui, n’était qu’à ses rouspétances. Contraint de vivre à demeure, il étouffait un peu. Il lisait, mais son corps piaffait d’impatience. Il pensait au pré. « Je ne puis être que par mon corps, par mes ébats au grand air. La vie intérieure, ce n’est pas pour moi. Enfin, à petites doses. Tout est dans la nuance. »

Compter les minutes, les heures, les jours. Un mois. Rien de tel pour s’occuper de son petit moi. Après tout, il est notre premier chez soi. Lire, rêver, attendre, désirer. Et ne pas succomber à l’écume des jours. Soyons philosophes mes castors.