Par le Barde
Pioupiou regardait les canards barboter. Il mettait à profit
l’heure réglementaire que nous accorde l’Etat. Faute de castors, il
s’était rabattu sur des canards. La petite mare, sise près de sa
demeure, le comblait. Il admirait la nonchalance de ces anatidés, leur
parfaite indifférence aux maux des humains. Et il leur parlait,
cancanait avec eux. « Peut-être vais-je devenir vegan » se disait-il ?
« Les magrets, les foies gras sont une atteinte à l’intégrité animale,
je n’en consommerait plus. » Et il se sentit humain, frère des espèces
qui peuplent la terre.
Pépé avait décidé d’élever des lapins. « Il me gonfle avec ses
poules Amélie, il n’y en a plus que pour elles. J’aime les animaux
lagomorphes à larges oreilles ; ils sont un peu mes frères. Les poules
me sont devenues parfaitement étrangères avec l’âge. » et de penser à
son Tcho bien aimé, à ses oiseaux. « C’est un franciscain dans l’âme le
Tcho » pensa-t-il, et de verser une petite larme. « Mais pas question de
devenir vegan. »
« On ne s’arrête jamais assez sur la gente animale. Un comble pour
des castors. Faute de trou, on pourrait le transformer en poulailler.
Après tout, cela ne changerait pas beaucoup. » Fort de cette idée
géniale, le Prez voulut lui donner vie et confia cette métamorphose à
Croucrou. Seul un plâtrier lui paraissait susceptible de combler le trou
béant laissé par la Covid. »Je lui dresserai des plans dont la
splendeur le disputera à l’efficace
Jacouille maugréait. Il en a plein le cul Jacouille du confinement.
Le grand air lui manque. Il aime tant balader sa silhouette gracile et
s’éterniser sur les beautés du monde. Sur la plage notamment. Il ne
goute rien tant qu’observer les mouettes, les goélands. A son fils les
canards, à lui les oiseaux de mer. Et au Tcho les passereaux chantonnant
sur ses mèches éparses.
Et pendant ce temps-là, Seb comptait ses haricots. « Toute la
richesse du monde se tient dans le haricot » se disait-il. Et de les
égrener de sa main gracile. « Le haricot a je ne sais quoi d’ovale qui
le rapproche de la gonfle » méditait-il. « Nous étions faits l’un pour
l’autre, il n’y a pas de hasard. » Et il récitait son chapelet de
haricots.
Flo se moquait du confinement. Après tout, la vie continue. Il
enfourchait son scooter et narguait le temps. Bien sûr que le trou lui
manquait, mais il se faisait une raison. « L’avenir, c’est demain », et
fort de cette tautologie, il arpentait sa ville bien aimée.
Dudu, lui, n’était qu’à ses rouspétances. Contraint de vivre à
demeure, il étouffait un peu. Il lisait, mais son corps piaffait
d’impatience. Il pensait au pré. « Je ne puis être que par mon corps,
par mes ébats au grand air. La vie intérieure, ce n’est pas pour
moi. Enfin, à petites doses. Tout est dans la nuance. »
Compter les minutes, les heures, les jours. Un mois. Rien de tel
pour s’occuper de son petit moi. Après tout, il est notre premier chez
soi. Lire, rêver, attendre, désirer. Et ne pas succomber à l’écume des
jours. Soyons philosophes mes castors.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire