27 mars 2019

50 ans de Bouffe: Le Roume des foins sonne le printemps

Par Le Barde et Bardibulle


Le castor est joueur en cette fin du mois. La lune pousse son dernier décan et nous voilà devant une barrière. Il en est ainsi des entrées fermées. L’épreuve est de trouver la clé. Tous les castors émérites puisque dans le présent, ont fait preuve de ténacité et de persévérance pour percer la fameuse fermeture. Il est vrai que la barrière sépare par essence deux mondes. Freud y découvrirait un « pré » conscient reliant le conscient à l’inconscient, comme cestui-là en Lacan de vacances d’y introduire en tout bien tout honneur du symbole pour se jouer entre un réel et un imaginaire. Le signifiant du liant… Loin de se prendre la tête pour des élucubrations qui ne visent qu’au plaisirs des sens et du simple libéré du jouer. Dans tout castor sommeille un enfant ! L’observation se fera donc dans le développemental et dans une rigueur plus Piagétienne que Winnicottienne. 

L’intelligence est la capacité d’adaptation, l’inconscient de son côté reste une captation adaptée. Car pendant tout ce temps la barrière nous prive du pré. A défaut de brusquer les serrures, la première réponse du mammifère reste dans l’observe. L’animal tourne autour, zieute, compare, lève la tête, rien. L’animisme et les prières ne lèvent pas le manche. La clé est dans le sol comme pour une symphonie. A partir de là, sans connaissance du magnétique, la solution se fera dans le poids. La poubelle fera l’affaire et « puis moi à côté » cela devrait compenser le poids de ma charrette. Le poids sur le sujet est un leurre. Rien ne bouge. La solution est invisible et se fout du physique. Une question d’onde et de pôle apparemment. Les voitures font siège devant la résistance. La troupe s’impatiente. La clé sera une moto en son Joss conducteur. L’énigme gardera son secret et ses empreintes. 

Sur le pré c’est pareil, le physique n’y fait rien, tout est question de magnétisme. Le mélange est ainsi dans une alchimie d’onde et de cinétique accomplie mettant à l’épreuve tout esprit à prétention scientifique. Tout est affaire de distribution Descartes. Guitou aurait choisi le même camp que Dudu. Pour sûr, la balance a basculé pour faire briller qu’un seul côté. En face Doc sous serment tempêtait sagement, une colère apaisante, un sublime dans l’affront d’une nouvelle barrière. De l’autre côté, le jeu se faisait tout seul, le Tarbais en rouge stadoceste virevoltait en feinte et vois-tu la balle. La défense en ligne laissant toujours trainer une main castratrice. Jeff aussi dans son nouveau short de hand-baller réussissait à placer ses retours inters. Les habitudes alimentent le magnétisme. Les automatismes sont là ! Doc en face du coup pleurait. Le siège d’en face nourrit celui de ses émotions. Le sourire en second rideau lui aussi devant l’adversité. Son piano émotionnel joue pour lui ce soir en trompette ! Nul ne peut imaginer que cela puisse passer. Il tenta même un shampoing pour se faire pousser les cheveux pour pouvoir mieux se les arracher. Cela fait longtemps que Hamilton aurait changé de camp. Le jeu est magique et la magie sans magnétisme cela n’existe pas. Seb c’est bien ! On arrêta de compter les preuves de la marque à partir de 15, en face c’est plus facile à retenir dans les deux doigts de la main. Jean-Phi avait une belle énergie sur le pré et jouait aussi du bon côté. Son corps était dans l’union, sa vitesse n’a pas expulsé l’intercepte de la balle, tout se faisait pour lui dans une facilité déconcertante. Et sa défense en deuxième rideau brisait tout dernier espoir d’en face. Du simple en profondeur d’un côté et du compliqué en aligné en face. Sur cette dernière nous pointons une clé ! Chaque barrière a son levier. L’archi m’aide à comprendre ! « Donnez-moi une moto et je soulèverai le monde, prenez de la profondeur et vous verrez la ligne… tout est affaire de magie ! »

La douche pour faire remonter la baignoire et direction le trou…

La Roume est un calme. L’esbroufe n’est pas son fort. La Roume est un sage. N’allez pas croire, pour autant, qu’il ne sache pas prendre les chemins de traverse, rompre avec la monotonie du jour le jour. Son entrée en témoignait. Des tomates mozzarella avec une sauce au vinaigre balsamique et, trônant au milieu du plat, un pâté bien français. Il fallait l’oser ; il le fit, comme si de rien n’était. Pépé pestait contre le vinaigre de Modène mais se rattrapait avec le pâté. Il ne resta rien de ses préliminaires.

Yann poursuivit sa trame italienne. Place aux lasagnes. Onctueuses. Et des cornichons. Pourquoi des cornichons ? Pourquoi pas ! C’est un peu comme le pâté et les tomates mozzarella, une manière de distraire nos habitudes. Le Tarbais appréciait. Et d’ajouter : « La prochaine fois, tu les fourreras aux haricots ». Seb, il ramène tout à ses origines.

Le lancer d’assiette fut parfois hasardeux. Il est vrai que Yann avait remonté son tee-shirt pour se couvrir le visage. Même lorsqu’il recouvra la vue, le lancer demeura incertain. D’autant que le vieux quatre n’était pas très réceptif. Coco couvait ses petits. L’œil attendri.

Un petit brin de chanson monotone s’éleva. Ce ne fut qu’un feu de paille. Tomes de Savoie, Saint-Nectaire et camembert étaient proposées à nos lèvres. Poulet savourait. Il sait ce que fromage veut dire. Et de chanter tous la chanson du bon fromage.

En dessert, des pana cotta au vert éblouissant. Une suite italienne ! Mais servie dans des verres de Ricard. Des pana cotta aux airs de perroquet en somme. Quand ce n’est pas le pâté ou le cornichon, c’est le Ricard. Ainsi remarquerez-vous, qu’au-delà de l’insistance italienne, traînait toujours cette petite chose singulière, cette touche personnelle qui fait qu’un être se distingue des autres et signe sa présence, son caractère, et, en ce qui concerne Yann, son talent.

La belote confirma la main étique de Dudu. La Jacouille assurait, comme d’ordinaire. Le Doc avait des moments de folie. Une partie quelconque mais une partie quand même.

JB arpenta la nuit en chantant l’air de Rio Bravo sous le regard enamouré de Dudu. « Tu ne trouves pas que j’ai un petit air de Ricky Nelson ? » lui susurra-t-il . Puis ils se séparèrent sous les étoiles.

23 mars 2019

50 ans de Bouffes : Tartiflette explosive pour La bande à Bonneau

Par Le Barde et Bardibulle




La pelouse en synthé, tique et les castors toquent en masse à Musard. Le pré du coup se renverse pour l’occasion. Le jeu se fera sur grand terrain. A la bonne heure. Nous eûmes pour la fin de l’hiver du printemps de jeu. Les équipes qui se font au gré des arrivées se sont bien goupillées pour préserver de part et d’autre de belles envolées. Même si le score pencha pour l’équipe de Dudu avec un Fayou brillant à l’aile. Peyo ne pouvait rien faire, je pense que son maillot rouge n’est pas fait pour être devant notre petit taureau. L’animal remue la queue à chaque portée de balle, c’est un signe. Peyo pleura du coup dans son coin, il ne pouvait rien contre la bête. Nos pyrénéens même en paire ont fait vivre la beuchigue dans une forme d’aisance qui simplifie le compliqué en naturel. Leurs jeux se complètent en feinte. Marco en assiste proposait son lourd léger. Mais rien ne peut rivaliser contre le bon doigté. Dudu avait choisi le bon camp et brilla à son habitude pour quelques prises d’intervalle dont seul il a le secret. Perdigue était venu avec sa relève. L’Œdipe et le type se rejoignent en mythe. Et ce soir, le fils ne perdra pas la vue. Le père digne dans l’affront d’une percute se retrouvera privé d’une cuisse. Le castor au sol, il s’en branle il en a deux. Thibaut successeur du Lolo, fut le premier sur le lieu de la tentative du crime. Le coupable pria en laïus pour dire que la défense était en retard. Le comble pour le castor. L’Œdipe pour lui est une affaire de découpe, si la première frappe ne suffit pas à faire tomber la paire, le relevé du mollet fera l’affaire. Une crampe ou une fracture, le mythe est gardien et Perdigue au sol est touché. Phallique-t-il le panser ? S’interrogea l’impie fada ! Doc n’est pas au Samu, il couvre le deuxième rideau de la scène. Pour lui l’affaire ne méritait pas le divan synthétique. Il connait le père et surtout de loin il continue à bouger. Le doc jette sur l’éponge sur l’eau propre. Le diagnostic : de la chance la béquille à 5 cm près aurait fait castration. Freud éteint sa pipe fraichement allumé par la chute « Dommage, seul ce toucher mérite bonne analyse, la libido d’une cuisse se soigne en pommade et non en mots… » soupira-t-il. Nous comptons l’en-avant ou la béquille reste un toucher en soi. Perdigue sur le moment mit ses actions en bourse. Le fils ne prendra pas ce soir, la place du père. Le sacré père pour sacrifice, sacré nom d’un castor. Il respire à défaut d’hypnose. Ses valeurs ont pris un coup. Une fois redressé, la démarche écartée le castor se remit en ligne. Le sphinx terre en péril, il reprit gonfle sans gloire.

Le score accorda une avance au vainqueur. Une cuisse à zéro ! Allez savoir pourquoi…

La douche. La route. Le trou… dans la descente cela sent le reblochon… Ce soir c’est Luc qui régale!

Pour faire bonne mesure, il faut réussir son entrée. A peine arrivé au trou, portant le sac à baguettes, Pépé commit cette sentence, confiant dans l’impétrant du jour, ou plutôt de la nuit, mais la nuit et le jour, c’est tout un, qui n’était autre que Luc.

La table était soigneusement mise, Jacouille oblige. Le temps étant au beau en cette veille printanière, l’on attendait une belle chambrée. Toutes choses confirmées puisque nous étions une trentaine. Le trou est bien garni en cette année de cinquantenaire.

Un pain de poisson avec sa sauce. : l’entrée en matière attestait du sens de la mesure de Luc. Quelques-uns y allaient de leur Sabit rouge ; d’autres penchaient pour son versant rosé. Une affaire de goût. Reste que le pain était savoureux et qu’il n’en resta guère.

La Savoie porte sa croix comme le trou aime la tartiflette. Le tout est dans l’accompagne. Point de consistant sans verdure. Côté tartiflette, Luc envoie du bois. Il est vrai que la matière est au rendez-vous. Point de culpabilité à profiter d’une telle offrande de mère nature. Nous avons de la salade ne l’oublions pas. La montagne a ses secrets que le reblochon ignore. Tiens ! celui qui perd son crouton dans son reblochon a un gage ! Luc a vu juste. Rien de tel qu’un hommage à nos montagnes d’hiver pour rentrer en fleur dans le printemps. Le castor bichonne pour ne pas dire reblochonne toutes ses queues plates printanières. Il mérite une chansonnette. Car le castor n’est pas un ongulé, con se le dise ! 

Le lancer fut vif mais juste. Une seule soucoupe arasa tout ce qui se trouvait sur son passage. Aucune autre main ne faillit. Pas même celle de Fayou.

Sur trois assiettes, de ronds coulommiers. Il n’y avait plus qu’à trancher et saisir pour satisfaire nos gosiers. Amélie se dit que le coulommiers serait particulièrement indiqué pour ses poules. En sorte qu’il leur réserva une large tranche que le lendemain il émietterait, et, pareil à la semeuse des anciennes pièces de un franc, il les disperserait ça et là d’un geste auguste. Il y a toujours du César dans un éleveur de poules.

Le dessert consistait en un assortiment de tartes délicatement découpées. La tarte est un classique. Qu’elle soit pomme, poire ou tatin. Mais une tarte n’est rien sans sa pâte ; c’est elle qui lui donne du style. Les tartes de Luc ont du style.

Encore une fois, Hamilton eut la main heureuse à la belote, ne laissant que quelques miettes à ses acolytes de comptoir. Jacouille fit un peu de résistance ; et ce fut tout. Sergio eut des éclairs ; Perdigue errait dans le vague de ses mains étiques, chantonnant d’incompréhensibles chansons.

Demain c’est le printemps murmura JB en sortant et de siffloter le premier mouvement du quatuor éponyme de Mozart. Guitou pédalait vers le cours Clemenceau en regardant, de temps à autre, les étoiles et le tarbais comparais la lune à un haricot.

18 mars 2019

50 ans de bouffes : Jean-Louis, je te nems

Par Le Barde et Bardibulle



Le temps est chagrin. Les grues sont plus timides dans le ciel. Le temps trop variable pour définir si le Nord se prête au Sud et inversement. Le printemps pointe apparemment son nez. L’arrivée sur le pré se fit par vague. Ainsi vont les humeurs de ceux qui courent. Les castors sont ainsi. Il y a ceux qui courent en toute saison, ceux qui mangent sans se trouver de raison… Le barde sera absent sur le synthétique, ses accélérations de mardi dernier ont porté torts à ses cuisses. Dudu, éternel a garé sa lanterne rouge. Cette dernière fait partie des phares sur le parking de Musard. Le castor dans le calendrier des castors est une pendule à lui tout seul. Son équilibre s’articule dans la constance de son va et vient. Son rituel est de mise, un tour de chauffe, trois tours d’étirements, 5 rounds d’observation pour choisir son camp. Le castor est technique et ne s’éprouve que dans la prise d’intervalle. Elle est bien étudiée pour mieux la malmener. Tarbes sur la carte s’est rapproché de Lourdes. Alban côté montagne reste une force tranquille. A peine remis de ses remonte-pentes enneigées. 

Le jeu ne chercha pas à inverser le pré. Nous restâmes sur le demi-terrain et nous alimentâmes les étirements de circonstances, des 5 mètres au 22 pour se chauffer, de l’en-but au 22 pour se tâter, des 5 mètres au 40 pour s’essouffler et d’aboutir sur de l’en-but au 40 pour enfin jouer. Luc et Croucrou en satellite, tournaient, tournaient en comptant les tours. Certains mesurent en mètres, d’autres en pieds, d’autres en minutes. Tout tient apparemment dans notre rapport à l’espace qui cherche à nous éloigner des marqueurs du temps. Les vieux des montagnes mesurent le temps en nombres de cigarettes fumées, le clepsydre n’est pas uniquement qu’un écoulement de sable, pour les castors, juste des tours de passe-passe !

Mozart prit place dans ses espaces et s’autorisa même une cascade qui nous rappelle que le toucher est un plaquer comme les autres. Il est de culture pour déstabiliser l’adversaire de s’appuyer en tout bien destructeur sur le métronome d’en face. Sans tête, le jeu n’a plus de jambes. JB en ayant vu d’autres, dépoussiéra les empreintes invisibles de la boue synthétique, défroissa son short et son maillot, décolla le malheureux percuté, compta ses deux genoux et reprit sa place comme si de rien n’était. Le solide est dans son relevé, à ne pas oublier. 

L’exploit du soir s’accorde sur une accélération du Tarbais à l’aile. Le jeu s’étire et peut quand le rusé affuté observe, profiter d’une absence de réaction défensive. Le trou s’articule entre deux joueurs. Y-a-t-il un trou entre le dernier défenseur et la ligne de touche ? La question mérite réflexion. Prendre le trou ne s’articule que lorsque deux paires de jambes sont en jeu. Autrement c’est un décalage. Freud sur le sujet confirme la version. Le fort clôt le débat des paires à l’aile. Le Tarbais a gardé son accélération en anaérobie. La frappe est unique et non reproductible. Elle se joue le long de la ligne. Nous rappelons que la pelouse est synthétique. Elle s’est poursuivie au grand désespoir du porteur de balle jusqu’au bout. Parfois, les chevauchées sont longues. Titi en tour de défense profita du spectacle. Nul ne sert de courir, quand on peut s’engager à point ! Le Tarbais après son aplati jeté, retourna dans son camp en rampant. C’est une question de physique je crois. A donner sans compter on remonte sans croire. Nous recherchons encore son second souffle. 

Le jeu fut dans l’actuel en passe, en parole et en faux en-avant. Un mardi comme on les aime. Un vrai 7 sur 7 à l’ancienne. 

La douche du réconfort et le convoi s’orienta sur une autre prise cette fois-ci du fameux trou…

Il était là, comme une évidence, lui l’ancien trois-quart aile, converti en troisième ligne, qui fit les beaux jours de Léognan, remportant un titre de champion de Côte d’Argent, en honneur, avec un certain JB à la baguette. Et de baguette, il fut question en ce 12 mars, puisque Jean-Louis Corsenac, fidèle à lui-même, ce qui est le moins que l’on puisse attendre de tout un chacun dès lors que cette fidélité n’est qu’altérité, et fidèle à la tradition, nous transporta dans une Asie culinaire pour laquelle JB, qui sait ce que baguette veut dire, a une affection toute particulière, en sorte que nos deux compères poursuivaient un lien qu’ils avaient noués sur le pré dans la proche banlieue bordelaise. 

Tout commença par des nems, avec les sauces de circonstance, les feuilles de menthe et de salades, dont les uns et les autres entouraient leurs nems afin de le tremper dans lesdites sauces. C’est donc par le Vietnam que nous entreprîmes ce périple asiatique, le nem tirant son étymologie du vietnamien nem rán pâté frit, de nem, pâté, et de rán, frit. 

Le nem fut apprécié comme il se doit. Pas un de rester en plan, lors que nous l’accompagnions d’un Sabit rose, tant le rouge est peu propice à ce pâté de riz nimbé de porc ou de crabe ou de crevette. J’ignore si les poules d’Amelie l’eurent apprécié, de toute manière Amélie n’était pas là, au grand dam de Jean-Louis.


Puis, nous passâmes en Chine, où le porc se caramélise afin de mieux se mêler au riz, où le bœuf est émincé, parfumé de saté, et servi avec du riz cantonais qui, contrairement à son nom, doit très peu à la région de Canton et constitue, en quelque sorte, un universel. Il est, d’ailleurs, appelé riz sauté en Chine 炒飯, et non pas cantonais. Pioupiou et le vieux quatre parlaient peu tant ils étaient en harmonie avec ces offrandes, comme si ces petits bouts d’Asie leur procuraient une certaine sagesse ; le goût du silence, étant le début de la sagesse.

La seule touche occidentale tint au fromage dont l’Asie est peu familière, en sorte que Pépé s’inquiétait, craignant de ne point pouvoir profiter de ce qui constitue la trame indéfectible d’un dîner à la Française. Comté, camembert ornaient donc la table. Foin des baguettes en bois pour saisir ces traces d’identité heureuse, et place à la baguette bien française, avec le couteau pour étaler la chair fromagère sur la mie, encore que certains peuvent y aller du couteau et de la fourchette si, d’aventure, leur éducation les profila de la sorte ; on n’échappe pas à ses racines.

En dessert, une salade de fruits, d’Asie comme il se doit. En l’occurrence, des litchis mais aussi le fruit du Jaquier(ou Bōluómì 菠萝蜜), et un autre encore, de couleur orange, dont le nom nous échappe, et peu importe, car il n’est pas besoin de nommer pour aimer. Ainsi pouvez-vous vous laisser bercer par le chant d’un oiseau sans connaître le nom du volatile qui va son trille. Au bout du compte, c’était, selon toute vraisemblance, de la papaye, le plaisir d’écrire nous fait jouer, parfois, avec la réalité ; et c’est très bien ainsi, n’est-ce pas ?

Il n’y eut pas de mahjong sur le comptoir, pas davantage de jeu de go, non la belote demeurait de rigueur, et elle vit Hamilton la dominer une fois de plus, ne laissant que de pauvres miettes aux uns et aux autres, de pauvres miettes. 

En devisant avec la nuit, comme il rentrait chez lui, sous une pluie giboyeuse, pendant à Grozan, Pépé songea à ces vers de Lao-Tseu :

« Le saint ne réserve rien :
en agissant pour autrui, il possède davantage ;
en donnant à autrui, il multiplie
davantage encore sa richesse. »

Les mauvaises langue, bien à tort, diront que le bon docteur n’était pas un saint. Il l’était à sa façon, et de la plus belle des manières.

07 mars 2019

50 ans de bouffes : La Dynastie de Jeff en muraille d’échine

Par Le Barde et Bardibulle


Toujours cette douceur printanière. La sève monte, le renouveau guette. Il y avait d’ailleurs beaucoup de jeunes pousses sur le pré. Le printemps est castor. Ce n’est pas Simone qui aurait dit le contraire. Nous ne sommes jamais floués par le printemps, sauf lorsque les giboulées sont de la partie. Mais de giboulées, il n’y avait point. Et le pré s’offrait à nos courses juvéniles.

JB trottinait. Dudu avait la main heureuse ; sa passe est toujours aussi suave. Le bardibule interceptait en se jouant de la gonfle. Quel art ! Joss imposait sa puissance, Alban avait un petit, tout petit air de Codorniou. Et Perdigue allait tel un taureau furieux sur l’herbe synthétique. Notre Barde fit une apparition car sa cuisse lui rappela qu’il n’est pas Jupiter. Son jeu à une patte ne peut rivaliser avec un jeu à deux pattes. Perdigue de soupirer « Le Mille pattes, lui il ne peut pas se claquer… (un silence le temps pour compter le nombre de pieds sans hémistiches et de conclure dans une logique qui lui appartient …) Plus on a de jambes moins on a de têtes !». Heureux de cette libre association, le vendangeur continua sa gambade bien sur ses deux pattes. La nature a ses têtes. Dommage car sur son entrée, le Barde s’envolait. Questions d’anatomie et d’ailes je suppose. La plume est zélée, cela va de soi.

Jeff, tout sourire, était commis aux exigences rituelles de la chère. Elle ne serait pas triste. Son goût pour Mallarmé ne franchit pas les fourneaux. Son entrée avait des relents du Nord avec ce hareng, parsemé de carottes en rondelles, d’oignons et nappé d’une sauce à damner tous les saints. La Jacouille y ajouta sa touche de cornichon. Un hareng sans son Cucurbitaceae ne saurait être un hareng. Pépé était aux anges. Il n’aime rien tant que le Clupeidae. Bien sûr, bien sûr, il avait des pensées pour Grozan. La salade verte était de rigueur.

Du hareng a l’échine de porc, il n’y a qu’un pas. Surtout lorsque l’échine est cuite à la bière. De l’échine de porc à la bière, c’était une première. L’un des membres de la famille des solonacées, autrement dit la pomme de terre, accompagnait l’échine. Quelques carottes encore, comme un trait d’union. L’assemblée se régalait.

Le lancer fut cataclysmique. Guitou se dressa, vitupéra et tout redevint calme. Coco en cure n’eut pas à souffrir cet outrage. Jeff a une bonne nature. Comme toutes les bonnes natures, elle est parfois enflammée. Nous fûmes éblouis sur la nouvelle technique de Pépé pour réceptionner la soucoupe. La marque est déposée. L’attraper se fait entre la tête et le béret. Technique et sublime. Gloire à Pépé. Cet exercice est fait uniquement par des castors expérimentés et des cascadeurs entrainés. La direction se dégage de toutes responsabilités sur les amateurs qui chercheraient à répéter ou imiter la manœuvre. Merci de votre compréhension. Et de toutes façons, seuls Jacquouille et Pépé sont habilités et outillés par leur couvre-chef naturel !

Une tarte, une simple tarte aux pommes en conclusion. Réchauffée. Avec une pâte mince. Rien que de très ordinaire. Pas de chichis chez Jeff. Juste ce qu’il faut. Une philosophie bien plus sage que son lancer.

La belote de comptoir fut un désastre pour Dudu. Sa main ne fut jamais heureuse. Le pré n’est pas le comptoir. Le bardibule, lui, était en verve. Il nous gratifia d’une superbe super baraque. Une manière d’intercepter la chance et de la saisir. Un art.

La nuit nous reçut avec délicatesse. La nouvelle petite étoile de la constellation des castors nous couvait d’un œil tendre. Amélie avait pris des restes de pain pour ses poules et remontait la rue de Bègles le sourire aux lèvres. Hamilton et Guitou chevauchaient leur monture, l’une jaune, l’autre rouge. Et Jeff se disait que les lendemains qui chantent commencent dès aujourd’hui.

04 mars 2019

Adishatz Franck

Par Le Barde



Franck Kloz, Grozan, docteur Knock, vient de se faire la belle. Il était le vis-à-vis de Pépé à table. C’était un béciste de cœur et d’âme. Sa voix portait ; elle était chaleureuse. Mais derrière sa bonhomie et sa gouaille se cachait un être profond et tout d’altérité. Il n’était pas disciple d’Hippocrate pour rien.
Depuis quelques années, il n’était plus parmi nous. La faute à cette maladie qui vide progressivement la tête. Un comble pour quelqu’un qui l’avait bien faite. C’était un fidèle entre les fidèles. Nombre d’entre nous ont des anecdotes sur Grozan. Il nous laisse des souvenirs joyeux. Le souci de l’autre l’emportait, chez lui, sur le souci de soi. Franck était un épicurien. Il aimait le bon vin, la bonne chère, le Havane. Et le rugby. Autant pour le jeu que pour la fraternité qu’il permet. Il aimait aller voir jouer le XV de France, le panier plein de tout ce que sa discipline condamne lorsque l’excès est de mise. Mais une vie sans excès n’est pas une vie.
Franck était plein de sagesse et savait les saveurs de l’existence. La camarde est bien cruelle ces derniers temps pour les Castors. N’importe, le souvenir est présence. Et la présence de Franck, parmi nous, est de chaque instant. Nous ne pouvons pas ne pas avoir une pensée pour nos tendres vieux. Franck, c’était quelqu’un. Chance de l’avoir croisé.
Notre constellation compte une étoile de plus.
Nous vous préciserons la date, l’heure et le lieu de l’enterrement dès que nous en serons informés.

01 mars 2019

50 ans de Bouffes : La fée blanquette !

Par Le Barde et Bardibulle


Vêtu d’un maillot rouge, Miguel était là. Il s’était placé à l’aile. Ses chaussures bleues lui donnaient l’air d’un ange. « Qui c’est ? » demanda Christophe. « Le Michel Ange de la tortilla » lui répondit Sergio. Jean-Phi malgré ses allées et venues incessantes ne découvrit que sur le tard la présence de Miguel. « Tiens t’es là » lui dit-il, et de serpenter de plus belle.

Dudu faisait son retour. Toujours aussi sceptique sur la Colombie. En sorte qu’il n’y était pas et se traînait comme une âme en peine. Titi tenta bien de ranimer ses ardeurs. En vain. Le doc était alerte et frétillant. Antonin le suivait comme son ombre. Une ombre vive.

Le ballon n’était qu’un prétexte. On gambadait, c’est tout. Sauf Jean-Phi. L’art de la gambade chez Jean-Phi tient d’un tableau de Twombly. A chacun ses sources. Ainsi la passe du bardibule est une aquarelle. La passe est un coup de pinceau sur la toile du pré.

La Fée remplissait ses devoirs. Être fidèle à ses devoirs est, chez lui, une marque de fabrique. La tablée était fournie. Poulet, Amélie, le Prof, Hamilton, Schubert étaient des nôtres comme d’ordinaire ; l’ordinaire a du bon n’en déplaise à Pascal (Blaise). D’autres, sans doute, étaient sur les pistes. Flo nous parlait de son petit, Gabin, né il y a quatre jours. Pourquoi Gabin ? Pourquoi pas ? Un hommage à celui qui, enamouré, confia à sa belle : « T’as de beaux yeux tu sais ! » ? 

La nature est belle pour commencer en salade. Le printemps est à notre porte. Les grues sont de retour et se font cigogne pour Fayou. Le castor est aux anges. Le trou c’est la vie. La vie aime les nouveau, le mouvement et se complait dans tout ce qui évolue. Une mémoire saine ne se fige pas, elle bouge comme les histoires de Pépé. La quête d’un pareil dans le différent. Un identique dans un autre temps. L’histoire qui grandit en somme. Fayou libère la pression sur un petit nuage ; l’homme pèse double et maintenant vaut triple. L’entrée suivra la nature des choses et se fera pour la fête en salade. Un mélange subtil d’animal et de végétal. Une légèreté pour nos papilles et nos estomacs de castors coureurs. Le trou est profond dans le léger des choses. L’instinct est là il se veut protecteur. Les couleurs nous éloignent de l’hiver. Il fait chaud dans le trou et c’est le principal.

La suite est dans les idées. La blanquette trahira celle du printemps. La blanquette n’a pas de saison. Le blanc en sauce fait peau neige dans nos chagrins de table. L’entrée est une mise en bouche qui nous amène au principal. Des couleurs froides pour des chaleurs en bouche. La blanquette a cette magie qui relie la saveur à la chaleur. Le plat a cette habitude vénérable de faire systématiquement foyer. Le feu se rallume à chaque coup de fourchette. Le noyau dur de la bonne bouffe se veau toujours dans l’occasion. La fée papillon. Des petits trucs qui font des grandes choses. Simple et complexe. Le duel est à table. Le gourmand trempe son pain, le fûté propose son assiette à chaque resserve, les assiettes feront peau neuve en fin de service. C’est ainsi la blanquette de veau ce n’est pas de l’artichaut. Pas de trace. La magie c’est l’affaire de fée ne l’oublions pas. Le plat vise la constance de combler un trou, un phare pour notre Amiral, un stéthoscope pour un doc, un support original pour un Don, un hémistiche pour un Barde, un rendez-vous manqué pour Poussou, une pensée à libérer pour Pintxe et Guitou itou… Le plat sera chanté ! L’art est fait pour nous libérer du réel. 

Le lancer fut sans fautes. L’inné de la Fée. La seule assiette qui ne trouva pas preneur ne se brisa pas. Comme par miracle. Et il y eut du fromage. Dudu fut servi en dernier. Il découpa la croûte avec soin, prit un peu de confiture de cerise, et grignota la chair ferme avec gourmandise. « A mon prochain repas, je ne proposerai que du fromage » dit-il.

Pour dessert, des mandarines. La Fée de les lancer une à une. Pas de conserve. Non, le fruit à l’état pur. L’éclat du fruit. Pas de fioritures, juste ce qui est par un don de la nature.

La belote vit la victoire de Titi et la défaite de Joss, contre Christophe. Sergio s’en sortit bien. Une belote sans baraque. Sous l’œil de Dudu. « La belote c’est comme le fromage » marmonna-t-il sous l’œil perplexe de Jeff.

La nuit nous recouvrait de son manteau. La Fée conversait avec les étoiles. Flo fredonnait des airs d’avant-guerre. Nous nous dispersâmes guillerets et légers. Des vols de grues parsemaient le ciel.