Le temps est chagrin. Les grues sont plus timides dans le ciel. Le temps trop variable pour définir si le Nord se prête au Sud et inversement. Le printemps pointe apparemment son nez. L’arrivée sur le pré se fit par vague. Ainsi vont les humeurs de ceux qui courent. Les castors sont ainsi. Il y a ceux qui courent en toute saison, ceux qui mangent sans se trouver de raison… Le barde sera absent sur le synthétique, ses accélérations de mardi dernier ont porté torts à ses cuisses. Dudu, éternel a garé sa lanterne rouge. Cette dernière fait partie des phares sur le parking de Musard. Le castor dans le calendrier des castors est une pendule à lui tout seul. Son équilibre s’articule dans la constance de son va et vient. Son rituel est de mise, un tour de chauffe, trois tours d’étirements, 5 rounds d’observation pour choisir son camp. Le castor est technique et ne s’éprouve que dans la prise d’intervalle. Elle est bien étudiée pour mieux la malmener. Tarbes sur la carte s’est rapproché de Lourdes. Alban côté montagne reste une force tranquille. A peine remis de ses remonte-pentes enneigées.
Le jeu ne chercha pas à inverser le pré. Nous restâmes sur le demi-terrain et nous alimentâmes les étirements de circonstances, des 5 mètres au 22 pour se chauffer, de l’en-but au 22 pour se tâter, des 5 mètres au 40 pour s’essouffler et d’aboutir sur de l’en-but au 40 pour enfin jouer. Luc et Croucrou en satellite, tournaient, tournaient en comptant les tours. Certains mesurent en mètres, d’autres en pieds, d’autres en minutes. Tout tient apparemment dans notre rapport à l’espace qui cherche à nous éloigner des marqueurs du temps. Les vieux des montagnes mesurent le temps en nombres de cigarettes fumées, le clepsydre n’est pas uniquement qu’un écoulement de sable, pour les castors, juste des tours de passe-passe !
Mozart prit place dans ses espaces et s’autorisa même une cascade qui nous rappelle que le toucher est un plaquer comme les autres. Il est de culture pour déstabiliser l’adversaire de s’appuyer en tout bien destructeur sur le métronome d’en face. Sans tête, le jeu n’a plus de jambes. JB en ayant vu d’autres, dépoussiéra les empreintes invisibles de la boue synthétique, défroissa son short et son maillot, décolla le malheureux percuté, compta ses deux genoux et reprit sa place comme si de rien n’était. Le solide est dans son relevé, à ne pas oublier.
L’exploit du soir s’accorde sur une accélération du Tarbais à l’aile. Le jeu s’étire et peut quand le rusé affuté observe, profiter d’une absence de réaction défensive. Le trou s’articule entre deux joueurs. Y-a-t-il un trou entre le dernier défenseur et la ligne de touche ? La question mérite réflexion. Prendre le trou ne s’articule que lorsque deux paires de jambes sont en jeu. Autrement c’est un décalage. Freud sur le sujet confirme la version. Le fort clôt le débat des paires à l’aile. Le Tarbais a gardé son accélération en anaérobie. La frappe est unique et non reproductible. Elle se joue le long de la ligne. Nous rappelons que la pelouse est synthétique. Elle s’est poursuivie au grand désespoir du porteur de balle jusqu’au bout. Parfois, les chevauchées sont longues. Titi en tour de défense profita du spectacle. Nul ne sert de courir, quand on peut s’engager à point ! Le Tarbais après son aplati jeté, retourna dans son camp en rampant. C’est une question de physique je crois. A donner sans compter on remonte sans croire. Nous recherchons encore son second souffle.
Le jeu fut dans l’actuel en passe, en parole et en faux en-avant. Un mardi comme on les aime. Un vrai 7 sur 7 à l’ancienne.
La douche du réconfort et le convoi s’orienta sur une autre prise cette fois-ci du fameux trou…
Il était là, comme une évidence, lui l’ancien trois-quart aile, converti en troisième ligne, qui fit les beaux jours de Léognan, remportant un titre de champion de Côte d’Argent, en honneur, avec un certain JB à la baguette. Et de baguette, il fut question en ce 12 mars, puisque Jean-Louis Corsenac, fidèle à lui-même, ce qui est le moins que l’on puisse attendre de tout un chacun dès lors que cette fidélité n’est qu’altérité, et fidèle à la tradition, nous transporta dans une Asie culinaire pour laquelle JB, qui sait ce que baguette veut dire, a une affection toute particulière, en sorte que nos deux compères poursuivaient un lien qu’ils avaient noués sur le pré dans la proche banlieue bordelaise.
Tout commença par des nems, avec les sauces de circonstance, les feuilles de menthe et de salades, dont les uns et les autres entouraient leurs nems afin de le tremper dans lesdites sauces. C’est donc par le Vietnam que nous entreprîmes ce périple asiatique, le nem tirant son étymologie du vietnamien nem rán pâté frit, de nem, pâté, et de rán, frit.
Le nem fut apprécié comme il se doit. Pas un de rester en plan, lors que nous l’accompagnions d’un Sabit rose, tant le rouge est peu propice à ce pâté de riz nimbé de porc ou de crabe ou de crevette. J’ignore si les poules d’Amelie l’eurent apprécié, de toute manière Amélie n’était pas là, au grand dam de Jean-Louis.
Puis, nous passâmes en Chine, où le porc se caramélise afin de mieux se mêler au riz, où le bœuf est émincé, parfumé de saté, et servi avec du riz cantonais qui, contrairement à son nom, doit très peu à la région de Canton et constitue, en quelque sorte, un universel. Il est, d’ailleurs, appelé riz sauté en Chine 炒飯, et non pas cantonais. Pioupiou et le vieux quatre parlaient peu tant ils étaient en harmonie avec ces offrandes, comme si ces petits bouts d’Asie leur procuraient une certaine sagesse ; le goût du silence, étant le début de la sagesse.
La seule touche occidentale tint au fromage dont l’Asie est peu familière, en sorte que Pépé s’inquiétait, craignant de ne point pouvoir profiter de ce qui constitue la trame indéfectible d’un dîner à la Française. Comté, camembert ornaient donc la table. Foin des baguettes en bois pour saisir ces traces d’identité heureuse, et place à la baguette bien française, avec le couteau pour étaler la chair fromagère sur la mie, encore que certains peuvent y aller du couteau et de la fourchette si, d’aventure, leur éducation les profila de la sorte ; on n’échappe pas à ses racines.
En dessert, une salade de fruits, d’Asie comme il se doit. En l’occurrence, des litchis mais aussi le fruit du Jaquier(ou Bōluómì 菠萝蜜), et un autre encore, de couleur orange, dont le nom nous échappe, et peu importe, car il n’est pas besoin de nommer pour aimer. Ainsi pouvez-vous vous laisser bercer par le chant d’un oiseau sans connaître le nom du volatile qui va son trille. Au bout du compte, c’était, selon toute vraisemblance, de la papaye, le plaisir d’écrire nous fait jouer, parfois, avec la réalité ; et c’est très bien ainsi, n’est-ce pas ?
Il n’y eut pas de mahjong sur le comptoir, pas davantage de jeu de go, non la belote demeurait de rigueur, et elle vit Hamilton la dominer une fois de plus, ne laissant que de pauvres miettes aux uns et aux autres, de pauvres miettes.
En devisant avec la nuit, comme il rentrait chez lui, sous une pluie giboyeuse, pendant à Grozan, Pépé songea à ces vers de Lao-Tseu :
« Le saint ne réserve rien :
en agissant pour autrui, il possède davantage ;
en donnant à autrui, il multiplie
davantage encore sa richesse. »
Les mauvaises langue, bien à tort, diront que le bon docteur n’était pas un saint. Il l’était à sa façon, et de la plus belle des manières.
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