28 février 2017

Le cuistot de bouffe, la philosophie de la patate selon Pascal

Par Le Barde, Bardibulle et Bardatruc


Toujours cette douceur, cette manière qu'a le printemps de frapper aux portes de l'hiver. Un chuchotement. Le terrain était ceint de barrières métalliques. Musard est en travaux. Les rangs étaient dégarnis ; nous étions une douzaine. Un léger crachin s'invita à la partie.

Alban nous avait rejoint et Serge retrouvait le pré après ses apprêts culinaires. Perdigue était parmi nous, plus Haddock que jamais. Ce fut une partie de feu. Et j'étais du bon côté. Face aux miens, l'équipe de Jeff, Serge, Haddock et compagnie. C'est peu dire qu'elle subit un affront. La faute à la Pibale ! Royale. Quel festival. Il récita un rugby d'école, juste, élégant. Avec quatre essais de grande classe au comptoir. L'ombre de JB planait sur l'équipe de la Piballe, une ombre bienfaisante dispensant ses grâces efficaces. Jeff avait beau ahaner, alpaguer les siens, rien n'y fit. Et la Piballe avait des airs de Bonaparte ; le pré était son Arcole.

Le Bardatruc n'en pouvait plus devant tant de magnificence ; ses courses connurent un holà inhabituel. Il ne savait plus où donner du cuir. Haddock y allait de ses Sapristi, Bachi Bouzouk, et se retrouvait souvent les quatre fers en l'air. Souverain, la Piballe entraînait ses soldats de l'An II vers la terre promise. Alban l'éprouvant par deux fois, Peyo par trois. Une avalanche d'essais, lors que la bande à Haddock ruminait son désespoir.

Dieu que c'était beau. Comme un film d'Eisenstein. Un soir de gala. La mine dépitée, abattue, la bande à Haddock rentra au paddock. Une douche bienfaitrice lui mit de baume au cœur. Il y a des soirs comme ça.

Quel entraînement mes amis,

Assurément, il y a ceux qui y étaient et ceux qui n'y étaient pas. Si en 2017, tu avais prévu d'approcher LE rugby, c'était le moment ou jamais. Une opportunité comme celle-là, certains ne l'ont jamais rencontré et ne la rencontrerons jamais. C'est bien simple, on se serait cru dans un match de super 12. Tout le monde y est allé de sa feinte de passe, de sa chistera, de sa passe à hauteur, de son plongeon salvateur. Dans le rouge au bout de 15 minutes, personne ne lâcha. Une équipe brilla relativement plus que l'autre malgré son infériorité numérique. Et n'en déplaise à notre Barde qui semble avoir rédigé avec le logiciel "j'écris comme je rêve", ce ne fut pas son équipe qui scintilla le plus.

Alors oui bien sûr, il y eut quelques petits écarts comportementaux. Alban, dans un jour taquin, n'hésita pas à accuser Perdigue d'un touché totalement imaginaire tel un article du Canard Enchainé accusant un homme politique en course pour les présidentielles de verser un revenu universelle sans condition à sa compagne alors même que cette dernière fait le ménage, habille ses enfants de jolies chemises Vichy et occasionnellement fume le cigare à moustache ! Cet homme est en avance sur son temps tout simplement...D'un autre côté avec ce nom, mieux vaut en avoir...

Bref, outré de ce traitement, l'humilié humilia ! Et l'opération ne se fit pas attendre longtemps puisque le ballon suivant notre habile Barbu déposa l'indélicat d'un cadrage, feinte de passe de l'espace. Notre Barde, dans une soirée sans et probablement faisant suite à une journée avec...emmerdes, reprocha vertement à ce même Perdigue de commenter le score d'une manière trop printanière à son goût. Mais tout ceci ne fut qu'une goutte d'eau au milieu d'un torrent tumultueux d'attaques brillantes et de défenses pleines d'intelligences et de communications. Quel régal !

A ce rythme, l'entrainement s'arrêta à 21h24 et sur un choc dont la victime fut la cheville de Serge. Rassurez-vous, le bonhomme gambadait le lendemain dans les allées de Métro avec les olives tant demandées par Jacouille.

Au trou, nous attendait Pascal, le cuistot pas le philosophe.

Une piémontaise maison agrémentée de germe de blé mais je n'en suis plus très sûr. Notre cuistot, plein d'éducation et d'amour pour les castors s'imposa de nous servir à l'assiette un mixe patatophile inédit : Tartiflette / Hachis Parmentier de canard. Peyo était aux anges...
Perdigue, incontestablement, homme du match, partageât sa joie en nous offrant un Haut Carles de haute volée. Toutes ces bonnes choses glissèrent avec aisance et plaisir dans les gosiers finalement rassasiés.

Le lancer de Pascal fut minutieux. À l'exception notoire de ce geste imprévisible qui vit l'obole se fracasser contre une poutre en ciment et essaimer ses éclats sur la table en désordre. Un coup de folie. Il est ainsi Pascal, "la vie ordinaire le blesse" comme l'écrivait son lointain aïeul Blaise en sorte qu'il l'augmente d'un peu de déraison. La chanson du bon fromage s'éleva. JB fila un air des Platters en hommage au Cabicou :

"Cabicou,
Can make all this world seem right
Cabicou
Can make the darkness bright
Cabicou you and you alone
Can thrill me like you do
And fill my heart with love"

Ce serait injuste de ne pas faire sa part au saint-Nectaire. JB n'entendait pas y glisser une rengaine. Seul le cabicou l'inspirait. Pioupiou, peut-être, aurait pu apporter sa petite touche. Mais Pioupiou, il n'était pas là.

Le Haut-Carles ajoutait ses charmes aux offrandes crémières. Avec sa dominante merlot, sa pincée de cabernet franc et son doigt de Malbec.

Comme mardi dernier, la tarte aux pommes fut consacrée. Quand on est pomme on est tarte souffla Alban. Perdigue y alla de son Nougaro :

"Un jour. Un jour c'est sûr,
Reviendra le jour pur,
L'immense jour d'avant le temps,
Alors la femme et l'homme
Retrouverons la pomme
Sans la morsure dedans."

Quant à Jacouille, il rendit hommage à Maurice Chevalier, et se tournant vers Pascal, il lui minauda : "Ma pomme, c'est toi."

Il ne manquait plus qu'une belote de comptoir pour clore nos agapes. Bien sûr la Piballe l'emporta, dans le prolongement du pré. Tapis de cartes ou pré, c'est tout comme pour lui. Jeff fit contre mauvaise fortune par cœur ; il ne parvient décidément pas à vaincre le signe indien.

La nuit était pluvieuse. Une pluie parcimonieuse. Perdigue manqua de glisser sur le trottoir mouillé. Puis, il fit des claquettes. Comme de bien entendu.La

20 février 2017

Le cuistot de bouffe, Serge le bourreau des coeurs

Par Le Barde et Bardatruc
 

Bien sûr, c'était la Saint-Valentin. À la Saint-Valentin, pas de menu fretin dixit Pioupiou qui s'y connaît en petits poissons et ne goûte rien tant que l'essentiel. Ainsi arriva-t-il sur le pré, nanti d'un ballon ceint d'un ruban rose. Il le déposa au milieu du terrain, s'agenouilla et lui confia : "Je vais te dire un grand secret, le temps c'est toi." Une déclaration d'amour qui eut le don d'émouvoir ses pairs. Jeff avait la larme à l'œil. Puis, il retira le ruban rose et dit : "Trêve de préliminaires." La partie pouvait commencer.

Elle n'atteignit jamais les sommets. Sans doute parce que les bases n'y étaient guère. Le ballon restait souvent en rade, épousant le sol plus qu'il n'est de raison. Le ballon n'aime rien tant que taquiner l'air, le ciel, de donner le la à des échappées belles. Les mots dominaient le silence si mélodieux des passes. N'importe, il y eut de rares moments de grâce ; ils n'en furent que plus hauts.
Pascal Apercé fit une apparition trop brève. Un saut, un petit saut, un claquage et puis s'en va.

Pioupiou honora la béchigue, en amant accompli. Le buste droit, le regard fier, il récitait son rugby ; il était le seul, l'unique. Non, j'exagère, le Tarbais aussi avait de l'entrain et ce je ne sais quoi qui augmente l'ordinaire. Même orphelin de Serge, il préserve l'essence de ce sport que la légende attribue à William Web Ellis.

Serge n'était pas de pré parce que Serge était en cuisine. Il nous attendait, drapé dans un tablier noir. Saint-Valentin oblige, il avait disposé des cœurs en papier sur la nappe. Et sur certains, de petites bougies. Une manière de dire notre flamme à celles qui enchantent nos vies. Serge est un être délicat.
 

Au trou Serge nous attendait pour son baptême du feu. Hasard coquin de l'histoire, sa première fois au trou avait lieu le jour de la saint Valentin. Difficile et délicat d'écrire sur son acolyte de bar, sa moitié. En effet, en à peine 1h chez Metro, des liens ténus se sont tissés comme dans un vieux couple. Il est évident que s'accorder sur la marque et le conditionnement des cacahuètes dont vous empiffrez tous les mardis exige de la confiance, un soin dans sa communication, de la tolérance voire une certaine tendresse. Pour illustrer le propos, je vous retrace ici un court extrait d'un dialogue de cette fameuse première après-midi chez Métro.
Moi : dis-moi mon cher Serge, ne penses-tu pas que les Castors aimeraient changer de cacahuètes ?
Serge : pourquoi pas, tu penses vraiment que ces couillons y prêtent attention.
Moi : les coureurs non mais les anciens...
Serge : prends ce dont il te plaît mon biquet, ça leur conviendra...

Bref, quel moment délicieux. Pas un castor mal luné, hargneux ou plus simplement fatigué pour dire ou gueuler mesquinement : "en avant", t'es hors-jeux ! "," Achètes toi des lunettes " comme ces derniers mardis nous y ont malheureusement habitués. Serait-ce lié à l'absence de notre magnanime Bardibule, parti chez nos cousins canadiens. Pourvu que son bateau ne soit pas pris dans les glaces afin qu'il nous revienne au plus vite.

Bref, il nous attendait le tablier à la ceinture. L'entrée se fit du Nord puisque composée de légumes du nord : betterave et endives. Relevé d'une vinaigrette goûteuse, les plats n'y passèrent qu'une fois. Puis vint la saucisse de Toulouse et ses lentilles. Certains supputèrent que la lentille soit à l'origine de flatulences cristallines tel le "la" absolu. De "la" à se mettre un diapason dans le fondement, j'ai des doutes. Le lancement d'assiette fut une formalité pour cet excellent joueur. Il ne tomba pas cette fois-ci dans le piège de sur-jouer comme il peut lui arriver parfois... Un grand camembert "Le petit" mûri sous le traversin et une délicieuse tarte aux pommes complétèrent le repas.
Sa première fois fut une réussite, nous attendons la confirmation.

Le lancer d'assiettes fut parfait. Serge est un passeur. Gonfles ou assiettes, c'est tout comme. Pas une once de déchets. Il fit des croisées, des vrillées ; toute la panoplie. Jacouille admirait. Serge, il a quelque chose en lui de Codorniou.

Le Petit nous attendait. Le Petit est un camembert, comme son nom ne l'indique pas. Le Petit est grand ; c'est un oxymore crémier. Il ne resta pas de Petit. Ou très peu, ce qui revient au même. Enfin presque. Le peu ne saurait être rien. Encore que.

La conclusion fut simple : une tarte aux pommes. Et quelle tarte ! Onctueuse, fondante. La pomme a de beaux jours devant elle. C'est étonnant comme ce fruit inspire. Celle de Serge était très inspirée.

La belote de comptoir ne fut qu'une formalité pour Hamilton. Il a de bonnes mains et du nez. Jeff un peu moins. Quant au vieux quatre ! Mais il met du cœur à l'ouvrage. On a les armes que l'on peut.

La nuit était douce, les rues désertes. Le temps d'aimer est propice aux alcôves. "Amants, heureux amants" chuchota Pioupiou sous l'œil amusé d'un pigeon.

10 février 2017

LeS cuistotS de bouffe : le duo de l'oeil et de la plume

 Par Le Barde, Bardibulle et Bardatruc
 

Nous étions deux en cuisine parce qu'il n'y avait personne. Quand il n'y a personne, on peut être deux. Une manière comme une autre de faire la nique aux mathématiques. Au trou : 0=2. Ou, si vous préférez, le théorème du trou.

Nous étions donc deux, Hamilton et moi. C'est notre côté Montaigne et La Boétie, Verlaine et Rimbaud, bien décidés à ne laisser aucune place a personne. (Sur le calendrier, Stephane devait s'y coller. Mais Stephane, il s'y était déjà collé. En sorte qu'il fallait combler ce vide.) Ainsi, de bon matin, Hamilton fit ses emplettes aux Capus, lors que je faisais les miennes en fin d'après-midi dans la proche banlieue. Point de vide au trou en ce premier matin de février.

Hamilton nous gratifia d'une salade prolixe. Céleri, endives, champignons des près, et autres babioles vertes, recouvertes de petits lardons craquants à souhait. Le tout arrosé d'une vinaigrette aux relents balsamiques au grand dam de Pépé. Le trou se régala de tant de fraîcheur. La table était parfaitement garnie. Enfin presque. Il y avait une ou deux places vides, autant dire personne.

JB était là avec sa petite musique de nuit incomparable. Léo itou. Tout comme Stéphane dont la fidélité recouvrée nous comble. Et Guitou. Un jeune homme. Pépé refaisait l'histoire du rugby pour Bardatruc. Il découvrait des légendes, légendes que Le Miroir du rugby, alors, consignait dans ses pages hebdomadaires : Mias, de Gregorio, Cester... Il nous conta son match où, exclusif de son pays, il subit les foudres de ses adversaires, comme ils découvraient ses origines. Pépé, c'est un monde. Et le meilleur.

Ce mardi, au trou nous attendait le duo d'artistes : l'œil et la plume, entendez Hamilton et le Barde. Leur credo papillaire pourrait paraître "old fashion", Maïténesque à savoir simple et bon. A y goûter de plus près, leur proposition gastronomique est radicale ! Radicale comme le céleri coupé finement dans une jolie salade. Radical comme la cuisson "aldente" des "pasta". A la première bouchée, tu comprends que la cuisson des pâtes ne s'improvise pas en lisant les instructions au dos du paquet. C'est un truc qu'il faut sentir et le Barde il la sent. Garnies d'une sauce Bolognaise faite avec amour, parsemé de parmesan aux parfums balsamiques, le tout présenté avec sa feuille de basilic, il ne restait plus qu'à savourer. JB, l'espace d'un moment, les yeux dans le vide se retrouva au volant d'une superbe Alfa Roméo décapotable, rouge mais est-il besoin de le préciser, par une après-midi douce et ensoleillée de Toscane. Chaussé de ces mitaines sports en peau d'ânesse et sapé comme jamais, il descendit un rapport d'un subtil talon-pointe pour entrer avec vigueur dans une courbe qui lui faisait déjà penser à la femme qu'il allait rejoindre, sa Gina Lolobridgida, sa Sophia Loren, sa Monica Bellucci…

Putain, c'est vrai que ces ritals ont de belles actrices, les nôtres paraissent si froides, un peu à l'image du puy de dôme face à l'Etna. Avec les unes, tu sais que la grotte est déjà chaude et que la lave jaillira tel un feu d'artifice, alors qu'avec les autres, il faudra s'employer pour mettre la caverne au mieux à température ambiante et prier pour faire bouillir le geyser !

Comme de bien entendu, le lancer se fit à deux, de part et d'autre de la table. Le carrelage ne connut pas une miette. De la belle ouvrage. Hamilton avait quelque chose de Federer dans son geste, précis et relâché.

Hamilton avait glané deux fromages au Capus le matin. C'est peu dire qu'ils étaient à souhait. Chacun de joindre à un petit bout de pain l'offrande d'un crémier de premier ordre. Le Sabite délivrait ses arômes mêlés à ceux des dits fromages. Et le mélange avait de la gueule. Le parfum de nos palais en témoignait.

Avant le fromage, WikiRugbyPépé, le Barde et Hamilton se lancèrent dans leurs souvenirs mais peut-on réellement parler de souvenirs tant les noms de grands joueurs des années 60 et 70 cités semblaient frais à leurs esprits. Quel régal, pour un bitos inculte, d'assister à cet enchainement d'anecdotes telle la bechigue passant de mains en mains. J'y ai appris ce soir-là que Jean Prat avait été porté en triomphe par ses adversaires gallois à la toute fin de sa carrière internationale, et surnommé Mister Rugby par les journalistes britanniques. Imagine t'on aujourd'hui tel comportement ? Samedi dernier, les anglais auraient-ils porté Atonio pour son magnifique en avant à 3 mètres du but !

Puis vint la divine salade de fruit d'Hamilton. Le végétal c'est son dada alors quand il s'agit de faire une composition, notre homme s'exprime avec talent. Finesse dans la découpe des fruits, finesse dans les proportions oranges, pommes, poires, le tout arrosé finement de vin blanc, la messe était dite, ce repas fût excellent.

Une belote de comptoir, comme il se doit, se dressa. Julien en fit les frais et sortit en dernier. Son duel final contre le Tarbais le laissa gros Jean comme devant. Sous le regard du Prez qui s'était extrait de la meute depuis belle lurette. Ainsi qu'Hamilton, la Jacouille, Serge, Perdigue et moi-même. Toujours pas de Walid hélas. La carte est triste hélas quand Walid n'est pas là.

Le Prez proposa de faire un tournoi de belote traditionnelle un de ces mardis si, d'aventure, le temps était au gros. Tous de saluer le désir présidentiel. Et de lui donner chair le jour où.

La nuit était douce. Un peu de pluie. À peine. Quelques gouttes éparses. Une musique que l'on aime. La ville est un son. Hamilton remontait le cours de la marne vers son antre sur son vélo aux charmes désuets et superbes. Pépé refaisait ses matchs. Et Pioupiou tendait ses bras éplorés vers Morphée.

02 février 2017

Le cuistot de bouffe : un nœud + deux œufs = l'omelette de Miguel

Par Le Barde et Bardatruc



Un dernier jour de janvier aux relents de printemps. Le temps qu'il fait se moque des saisons et invite au rugby. Pas une goutte de pluie et tant de douceur. Le pré pouvait accueillir ses petits. Ils furent au diapason du temps, printaniers. À l'exception de Jean-Phi, sans doute en manque de pentes enneigées et qui, dédaignant les crampons, se retrouva souvent les quatre fers en l'air. Alors qu'Hamilton était plus alerte que jamais et mystifia par deux fois et deux feintes la ligne adverse. Hamilton revit au printemps.

Perdigue et le Prez nous rejoignirent sur le tard. Sur son premier ballon, juste avant de le recevoir, Perdigue fit un saut, prit la balle et, baissant la tête, alla droit. Un cabri. Il n'aime guère les chemins de traverse Perdigue ; c'est l'anti-Jean-Phi. En quoi les hommes de vignes ne se ressemblent pas. Serge, lui, assurait. Comme toujours. Et Jeff se rapprochait de la passe qu'il quête depuis si longtemps.

La partie fut équilibrée. La Pibale avait rangée son injuste arithmétique au magasin des accessoires. Le Bardibule montrait sa science de l'interception. Un art qu'il maîtrise à la perfection. Et qui laisse l'adversaire bouche bée et bras ballants. Lors que le Bardatruc tentait des percées dont l'issue ne tint souvent qu'à un fil. Le rideau déchiré est son acmé.

Bref, ça gambadait, virevoltait, transmettait. Un beau soir d'hiver comme on les aime.

Je me joins rapidement au Barde pour confirmer que cet entrainement fut un régal pour le cœur comme pour les yeux.
Le cœur car le temps de jeux effectif a dû dépasser le record tant les castors en redemandaient. Les yeux, puisque tout le monde joua soit très bien, soit bien, soit avec la meilleure volonté. Cependant, Jeff ayant oublié de se rincer les mains après avoir épongé la vaseline d'un pot de démonstration XXL, éclaté dans sa voiture de visiteur médical, fit tomber un nombre de ballons incalculable.
Ce détail mis à part, ce fut un entrainement très, très agréable.

Au trou, un indicible parfum d'omelette. Miguel était là et bien là. Sur la table, de la charcutaille à profusion avec un long et un splendide boudin. Un préliminaire à l'omelette. Guitou craignait les ardeurs et les débordements de Miguel. Il en fut pour ses frais. Enfin presque.

En effet, l'animal nous fit part d'une anecdote concernant Gandhi. Sa réflexion tombait comme un énième ballon échappé des mains de notre Jeff du soir. Pourquoi le bougre nous relatait-il que Gandhi pratiquait l'amaroli. D'autant plus qu'il y a des grandes chances pour que l'érudition de notre Zozo sembla avoir été trompée. En effet, selon wikipédia, qui est l'un des plus beaux outils de mise en commun de nos petites intelligences individuelles, Gandhi a abordé le sujet mais ne l'a jamais pratiqué.
Bref, comme une envie de vomir dans un bureau de vote, notre Miguel nous fit son petit "happening trash" tel un artiste serbo-croate qui sortirait en plein hall de gare son sexe pour uriner dans un poivron…rouge ! Ce récit cruellement flou est probablement frustrant pour ceux qui n'étaient pas là mais si vous savez lire entre les lignes et que vous connaissez bien Miguel...

JB était apaisé, affichait une mine sereine, le sourire aux lèvres. Plus mozartien que jamais.

C'est peu dire que les visages étaient blêmes et inquiets lorsque vint le lancer d'assiettes. Pépé enfonça son béret. Et Miguel se mit à l'ouvrage. Une chanson monotone dressait son antienne répétitive. Une manière comme une autre de célébrer Phil Glass à défaut du fromage. À la surprise de tout un chacun, Miguel fut sage, mesuré et précis. Jacouille parla de miracle et se tourna vers le Très Haut en filant un aria de Bach. Sauf que la Jacouille laissa échapper son assiette, en sorte que de miracle il n'y eut point.

Le fromage était disposé sur un lit de salade. Chèvre et camenbert. Un camembert aux normes européennes. Moi je préfère la biquette dit Jean-Phi inspiré alors que Pépé pestait contre les us aseptisés de ce bas-monde.

Bien sûr il y eut une belote de comptoir. Bien sûr Jeff l'emporta. Les mardis ont un goût de redite ; c'est comme ça. Le Prez agrémentait la belote de l'air immortel de Rio Bravo : "The sun is sinking in the west/The cattle go down to the stream..." Puis, il se prit pour Gene Kelly et y alla de son Chantons sous la pluie. Un hommage à Debbie Reynolds bienvenu. Et à sa fille. Il flottait comme un parfum d'Hollywood aux Capus. Et c'était bon.