27 mai 2015

Tournoi de Flag au coqs rouges, Le Cocorico des Castors

Par Le Barde

Pourquoi les coqs sont rouges ? Est-ce une affaire de crête ? Si tel est le cas, pourquoi jeter l'exclusive sur la couleur d'un appendice ? Comme si l'appendice devait l'emporter sur le reste ! Une affaire de curés peut-être ? Allez savoir. Toujours est-il que nous étions à Moulerens, sur le terrain des coqs rouges.

L'occasion nous en était donnée par un tournoi de flag. Quatre équipes étaient conviées : les radis noirs, l'ASPTT, Orange et les Archis. Le flag se joue à huit. Comme les Archis et les radis noirs étaient vingt, l'on fit six équipes. Il y avait donc deux équipes de radis et deux équipes de castors. Et ce sont les deux équipes des Archis qui terminèrent aux deux premières places. Le flag nous va bien.

Le temps était beau. Pas un souffle de vent. Le pré était champêtre. Chaque partie n'excédait pas dix minutes. S'il y avait quelques vieux, il y avait surtout beaucoup de jeunes. Le flag est un compromis entre le toucher et le plaqué. Il taquine le XIII et autorise le raffut. Gwen eut été à son aise s'il avait été là. Mais Gwen n'était pas là. A la différence de Dudu, d'Hamilton, du beau Serge et d'une kyrielle de stagiaires. Si le ballon tomba un peu, les cannes étaient de sortie. Et ce qui devait arriver arriva. La terre promise s'ouvrait sans cesse sous l'œil de notre Moïse, Arnaud, qui, muni des tables de la loi, regardait ses petits à défaut de jouer du sifflet puisqu'il était vaguement commis à l'arbitrage. Jusqu'au terrible affrontement entre ses petits qui vit logiquement la une l'emporter sur la deux bien que la logique fut à deux doigts d'être renversée. La logique tient à peu de choses.

Perdigue fut prolixe en essais pour l'équipe dite une des castors. Don lui donna le change pour l'équipe dite deux. Un festival. Cannes oblige. Nous y reviendrons.

Les joutes achevées, les adversaires d'un soir gagnèrent la cahute où ils allaient festoyer. Tout commença, comme d'ordinaire, par quelques bierotes sans qui les après du rugby ne seraient rien. La conversation roula son cours sur le pied imprécis de Beauxis, les mystères de la fusion BO/Aviron qui n'aboutira, au bout du compte, qu'à l'addition de deux dettes. Le barbecue frémissait avec son cortège de ventrèche et de saucisses. Le président des radis noirs était à la baguette. Un vigneron des Côtes de Bourg, à la particule juste.

Trois longues tables. Peu de mélanges. A celle du préside, il fut beaucoup question de la palme du meilleur acteur décernée à Vincent Lindon au dernier festival de Cannes. Elle occupa d'interminables minutes. Seul Dudu ne semblait pas ému par cette récompense. Il est comme ça Dudu, il aime bien ronchonner. Il fut aussi question de François Valéry (pourquoi ?) et de Jean-Pierre François et les autres (pourquoi pas). Pauline Carton fut aussi évoquée par Titi (pourquoi Pauline Carton ?), et il y eut un long conciliabule sur Voltaire dont je maintiens qu'il ne casse pas trois pattes à un canard face à Rousseau.

Vinrent les récompenses. Dudu, en aîné, statut qu'il a, parfois, du mal à assumer, sauf lorsque les honneurs sont de sortie, donc, Dudu, reçut le trophée du gagnant : un jéroboam. Les autres n'eurent droit à rien. C'est ainsi, seuls les premiers sont récompensés. Il y a loin d'un tournoi de flag à la morale chrétienne. Ce qui, sur un terrain appartenant au clergé, la foutrait mal, si nous n'avions cure de ces autres appendices que sont les trophées et qui, s'ils illustrent la crête d'une compétition, ne sont que la trace matérielle d'une scène désormais effacée.

La soirée s'éternisa un peu. On se promit de remettre ça la saison prochaine. C'est le Préside qui l'a dit lors de son discours. A Victor Louis ou ailleurs.

En regagnant sa voiture, sous la voûte céleste et étoilée, Titi chantonnait Je te survivrai.

23 mai 2015

Le trou à l’épreuve du poulpe. Du Belhommec en somme !

Par Le Barde et Réglisse



Il pleuviotait, le temps faisait la moue, la température n'était pas de saison. Une fin de journée qui taquinait l'hiver, comme impuissante à flirter avec l'été. Mais l'on s'en branlait à vrai dire. La petite, toute petite vingtaine d'archis qui foulait le pré avait le cœur au printemps. Il n'était qu'à compter les jeunes pousses. Des vieux, il ne restait que Dudu, Hamilton et moi-m'aime. Il y avait Gwen aussi. Plus passeur que jamais, Jeff, Maxime, le Tarbais et quelques autres. La pluie, ou plutôt le crachin, s'interrompit l'espace d'une partie, lors que Croucrou faisait des tours de pré.

De près comme de loin, les lignes se sont testées. Les trous, les faux trous, encore des petits trous. Il n’en fallait pas plus pour pousser la chansonnette. Nous avons notre Serge à nous qui a appris à jouer du côté de Lourdes. Les trous il ne les prend pas, il les crée. La feinte est connue, elle est loin de celle du blogger qui est dévastatrice à l’aile. Cependant il a aussi son style. Le haut du corps se désolidarise du bas qui feint la course de travers. Le haut du corps se colle dans une fausse agitation qui maintient la balle dans un potentiel départ qui ne se fera pas. Le regard est important puisqu’il trahit la pensée. Il ne peut se croiser avec l’adversaire puisque le bluff est secret. Bref le coup de rein fatal qui relie le bas au haut et l’adversaire est capot. Parfois la confiance aveugle d’un défenseur à l’intérieur garantie la parfaite désynchronisation défensive pour favoriser le décalage offensif. Mais bon, le truc est de regarder au départ les pieds.

D’un côté l’équipe du Barde, de l’autre les autres. De chaque côté un maillot rouge. C’est une distinction le maillot rouge pour les Archiballs, certains ont leur chat noir, d’autres leur panache blanc. Ce soir chaque ligne aura un maillot rouge. C’est ainsi, le repère est solide, mobile ne cherchant pas les petits trous. S’il y a quelque chose à prendre, ça sera sans minimiser la taille du trou.

Je n’ai pas parlé du Barde qui lui aussi feinte à ses heures. Son jeu est dans le centre de l’action. Il se fait dans un mouvement, elle ne crée pas le trou. La sienne est dans l’adaptation, son jeu se fie à l’expérience. Dans un mouvement organisé de gauche à droite, ou de droite à gauche, sa ligne d’attaque alignée en arrière, la course rentrante des défenseurs leurrés par le mouvement, c’est à ce moment que le Barde explose son art de la ligne. Ce n’est pas un contre-pied mais bien un contre temps pour les fameux Autres. Lacan l’aurait signifié par son grand A. Le structuralisme avec la linguistique se rapprochent du rugby dans l’utilisation de De Saussures, crampons pour les puristes, petit a pour nous autres. Le temps qu’ils s’en rendent compte, l’essai est inscrit et les faires-parts envoyés en recommandé. Nous poussâmes la réflexion dans la balle sans penser à pépé barré pour l’instant dans notre inconscient collectif. Le jeu était libéré de toutes censures. Jusqu’au fatal et inévitable « un dernier ».

Le pré libéré, la douche chaude, nous quittâmes la forme pour rentrer dans le fond en prenant la direction du trou.

El Poulpo, ceint d'un tablier blanc s'arrêtant à la taille officiait. Pépé bougonnait pour les quelques minutes surnuméraires que nous nous étions accordées. Walid était de retour, la barbe vive et tranchante. Fonfon Mirales nous gratifiait de sa présence. Il nous manquait, lui l'arbitre des élégances entre radis noirs et castors. Et le coordinateur sportif de notre UBB. Sur la table, comme une promesse d'été des tomates multicolores, parsemées de feta, ointes dans une huile d'olive du meilleur goût où Walid trempait, par intermittence, de petits bouts de pain. Le pâté était de rigueur pour nous rappeler que l'hiver faisait encore des siennes. La conversation tourna autour de la sélection de PSA. Un drôle de zèbre, dont chaque mot est une larme. Camou en prit pour son grade. D'aucuns prennent pour un sage, ce notable d'un autre temps aux ambitions de bâtisseur. La Jacouille ne disait mots et Amélie évoquait ses petits qui ont atteint les demi-finales où ils affronteront Clermont. Chez nous, les entraîneurs ne sont pas de la daube. El Poulpo se régalait, jetait un œil par ci, tendait une oreille par là, et fredonnait le laudate pueri de la grande messe en ut mineur de Mozart. Putain, c’est beau minaudait Pépé.

Les tomates étaient de Marmande comme notre hôte est breton. Le poulpe en breton se dit Soueenn, ils ne font pas dans l’économie de voyelles nos amis du grand Finistère, ainsi que le notre. Il n’est pas le jardinier mais bien notre cuisinier de soirée et lui aussi, il ne fait pas d’économie quand il réceptionne. Soueenn fait penser à la femme de JR dans la série amisch américaine. Mais bon sur ce coup il faut être avare de consonne. Bref, les fameuses tomates de Marmande laissèrent place à du rôti de porc. Les bretons sont des marins qui cultivent leurs tomates à Marmande leurs plats favoris à bon porc. Les haricots ne sont pas tarbais, mais bien arrangés avec des petits lardons et chorizos. Le tout est à volonté. Un délice en bouche qui nécessita un bon vin international de chez nous le Sabite. Le Sabite en Breton ne se traduit pas, il se boit jusqu’à tomber dans les pommes. A la fin de ce plat nous ne parlions plus au poulpe mais bien à Jean François Marie Belhommec. L’homme abandonna son surnom de la Mer pour renouer avec ses pieds biens sur Terre. Il débarrassa toute la tablée avec ses huit bras. L’appel du fromage commençait à se pointer surtout que l’Amiral était sur le coup. Il paraît que pour savoir prier il faut avoir été marin. Notre hôte ne se fit pas prier pour débarrasser la tablée et ainsi nous préparer à la voie du lactée. Mets ses jets étaient loin d’être encrés. Les psaumes de mains tournées vers le ciel, nous priâmes la retombée des plats. Ainsi FonFon fond les petites mignonettes pour se rappeler à ce souvenir sportif de rattrapage. L’émotion est encore palpable chez cet homme qui siffle comme il parle le tout dans le plaisir de partager ses passions. L’émotion se fond dans le don du maillot et ses signatures. Mais bon, l’émotion prit place en se dressant comme l’homme d’offrande qu’il est.


Après le lancer d'assiettes dont c'est peu dire qu'il fut approximatif, Fonfon se dressa. Il tendit à l'assemblée un maillot paraphé par les joueurs de l'UBB. Une standing ovation lui rendit un hommage mérité. Fonfon, il est dépositaire d'une certaine idée du rugby. Celui de l'académie de Musard, de l'inattendu. Celui qui fait la nique aux métronomes. Un rugby à visage humain comme on l'aime. Le fromage était bon, surtout ce saint-Nectaire, sec et doux qui portait en lui l'oxymore de la grâce.

Pour dessert, un far breton. Et un alcool portugais offert par l'amiral, plus lusitanien que jamais. Il nous réserva une ode maritime de Pessoa. Les navigateurs, toujours, reviennent vers leurs sources. Le far faisait des heureux. Far en latin signifie « froment, blé, gruau ». À l'origine, c'était une bouillie de blé dans laquelle on ajouta, plus tard, des fruits secs.

Le far est une recette de Bretagne proche du clafoutis. Il s'appelle le farz forn (prononcé [farsˈfurn] en pays léonard : coucou Eric) (far au four) en breton. Le plus connu est fourré avec des pruneaux, bien que traditionnellement le far n'en comporte pas. Je n’oserai pas le rapprochement fortuit entre le far et la mer ; Lacan me gonfle, je ne m’en remets qu’à Mallarmé. Ah !, « donner un son plus pur aux mots de la tribu. »

Le dessert en est que meilleur puisqu’il est fait par l’homme de réception. La saveur du fait maison est ancrée au plus profond de nous. Il est recherché pour tout amateur de bonne chose, ce far breton est pour notre âme d’enfant une vraie Madeleine pour Proust. Elle est le ciment d’un souvenir qui lie l’émotion d’un moment à un rappel imprévisible dans la nostalgique qui le prédestine. Une véritable cerise portugaise sur le gâteau !

Le café, la belote, les palabres, le triptyque est amicalement rôdé pour plonger dans les sublimes métaphores qu’annonce l’était.

16 mai 2015

Le Cuistot de la semaine, La patata n'était paela...

Par Réglisse


Il y en avait du monde sur le perron des vestiaires à notre rendez-vous hebdomadaire. Cette masse humaine ombrageait l’entrée des artistes tout en ensoleillant l’arrivée des coureurs. Cet attroupement est synonyme d’un sens du collectif hors du commun. En effet, le rugby je le rappelle est un sport d’équipe. Ce qui implique une organisation sans faille. Le terrain lui ne bouge pas, les vestiaires non plus. Les habitudes encore moins. Ce n’est point Chirac qui me contredira… pas le Chirac de l’Elysée mais celui du camping. « Chassez le naturiste, il revient toujours au bungalow ». Il suffit d’en avoir la clé. C’est cet appel intime qui nous pousse consciemment comme inconsciemment à se regrouper pour partager les mêmes joies de la balle. Le ballon est un prétexte comme les autres. Mais bon il n’est pas donné à tout le monde de se retrouver à cet appel du Mardi. Les habitudes sont prises ainsi que certaines coutumes. Le groupe a ses codes. L’entrée dans les vestiaires est un temps à part. Le salut ne se fait pas uniquement par la bise d’accueil, la poignée de main de circonstance, un regard de partage mais par cette marque d’un lien groupal comme les autres, un salut populaire en quelque sorte cette fois ci chargée d’histoire. Le bonjour les copains est devenu « Rassure moi c’est toi qui a la clé ». Nouvelle Maxime me diriez vous-même si pour cette occasion c’est notre aligot de service qui se chargea d’ouvrir la porte sans les clés de référence. En absence de clé, le castor crie le rappel cette fois-ci par la voie de l’orange, sans résultat. Cette approche ne porte pas en effet ses fruits. Mais bon, nos porte-clés officiels sont suspendus uniquement à nos appels. Leur absence alimente l’espoir du sauveur, un brin exagéré l’allusion au messie, n’est pas au Barça qui veut… Mais bon le messie est porteur d’espoir, il a la clé que chacun croit avoir, c’est un être à part et pour ce soir nos messies furent bien à part. Mais bon, nous entrâmes par l’aide d’un autre gardien celui de l’école.

Le temps de se mettre en tenue, de rattraper le temps perdu et nous voilà alignés sur le pré. Seul Dudu précautionneux d’un corps d’albâtre sans âge se chargea de révolutionner à petit pas autour du groupe. Le tour de chauffe est important tant pour l’organisme que pour observer le comportement des autres joueurs. La technique est rodée est bien connue par les autres paires. Il n’est pas discret pour ces étirements derrière le poteau le regard pointé vers le groupe en action. Nous débutâmes comme il se doit par un toucher dans l’attente du jeu en flag. Certains s’étaient accoutrés de deux nouveaux appendices latéraux pour le toucher. Il n’y a pas à dire mais gouverner c’est anticiper. Ils ne savaient comment nous dire, le toucher c’est sympa mais le flag c’est mieux. La tradition ne peut se défaire aussi facilement, le tabou est présent et par conséquent la parole est dans l’action.

D’un coté les rouges sans Sabite de l’autre les bleus sans Cruchot. Benoit expose les règles. En gros les appendices à arracher sont uniquement sur les flans. Le risque est réel pour certains car les techniques de l’agrippement et de l’arrachage peuvent être dévastatrices. La théorie des genres n’a rien inventé. Thomas, loin de ces distinctions anatomiques, est en forme au toucher comme au flag. Les règles il les respecte même si sa vitesse lui permet toujours d’être en avance sur celles-ci. Mais bon il fait partie de ces joueurs qu’il faut attraper avant qu’il ait la balle. Je sais ça se joue à la milliseconde mais bon une fois qu’il a la balle après il est trop tard. Bachelard l’avait anticipé dans sa réflexion en mouvement « La volonté nietzschéenne prend appui sur sa propre vitesse. Elle est une accélération du devenir qui n'a pas besoin de matière. Il semble que l'abîme, comme un arc toujours tendu, serve à Nietzsche à lancer ses flèches vers le haut. Près de l'abîme, le destin humain est de tomber. Près de l'abîme, le destin du surhomme est de jaillir, tel un pin vers le ciel bleu. » Sur ce coup, Thomas jouait en rouge. Hamilton trouva son rythme dans ce jeu de ruban. Peyo a son aile et garda sa zone. Même si à la fin il manquait un ruban. De couleur rouge, comme quoi certaines accélérations sont magiques et la vitesse dévastatrice.

La direction des vestiaires, et c’est la douche de saison proposant un véritable plaisir de frisson nordique. Il parait que c’est bon pour la circulation. Le plan du trou et nous sommes partis à la rencontre de notre hôte du soir. C’est la réplique du vieux4.

Devant le trou, un regroupement de circonstances préparait l’arrivée de notre Prez. Sa démarche est cavalière. Il conta sa visite du blogger. Il va mieux d’où sa démarche. Il tient la forme au grand « dame » de notre Prez. Son arrivée au trou est proche, il le travaille avec le Prez, qui met en corps son sens du devoir et du sacrifice tenant à sa fonction. A la démarche de notre président, il est vraiment rassurant de voir que notre homme vise bientôt son retour au trou…

A l’intérieur le vieux4 est au fourneau. Il est revenu de Tours. La cuisine est vide, point de patates au four… Surprise ! Notre homme est au comptoir papotant avec ses convives. Pépé, Jacquot, les vieux sont là. Ils sont tranquilles, ils refont le monde pendant que d’autres courent le monde ! Nous nous relions à eux le temps de faire descendre la pression et c’est le passage à table. Le vieux4 est comme son numéro l’indique un sacré numéro. Ce seconde ligne propose une assiette d’entrée à son image : un mélange subtil de solides grandes asperges, de tranches de jambon et d’olives noires goûtues à souhait. Le plat de sauce se faufile de mains en mains pour agrémenter ses produits bruts du terroir. Je rappelle que par nature rugbystique ce ne sont pas les secondes lignes qui transforment l’essai. Mais bon les produits sont bons avec un fameux arrière goût de « reviens-y ». Il n’en fallait pas plus pour caler notre mise en bouche. Point de patates, mais du rab !

Il a une grosse voix notre hôte qui sollicite avec vigueur l’idée de se resservir. Sa finesse est dans son parler ce que la patate est à la purée, c’est à dure indivisible ! L’homme de tablée est ainsi fait, l’art du chef pour vérifier la qualité de ses mets se transformait à un ordre pour y retourner. Le plaisir de ces matières en bouche nous empêchât de le décevoir même si l’art de l’opposition est cher à nos esprits d’hominidés castorisés. La mise en bouche fut appréciée et traina dans le temps. Il y en avait des asperges à avaler ! Le sabite en revanche était long à venir. Le vin de compagnie trouvait difficilement son chemin pour arriver au bout de tablée. Notre vigneron siégeait avec ses compagnons de la balle en revanche son labeur se cachait en vain. L’entrée fit place au plat principal. Point de patates mais bien des points marqués pour notre seconde ligne. Il s’est soucié des palais délicats pour proposer un plat deux choix ! Un risotto aux fruits de mers. L’homme d’expérience est devenu délicat. Un véritable homme de toque ! Il navigue de port en port pour nous faire partager des plaisirs méditerranéens et latins. Le risotto séparé de ses fruits de mers permis à chacun de trouver son équilibre dans son assiette. Le mélange est fin, loin du coup des asperges et de notre homme de mêlée. Nous ne pouvions imaginer un tel plaisir en bouche, le vieux4 a plus une réputation d’homme de mains que d’homme de doigts. Il réussit son œuvre. Les épices dans les fruits de mers étaient fins et piquants. Là encore nous retrouvâmes cette accroche gustative d’un « reviens-y » et celle qui rappelle à notre IMC que le mardi est un jour perdu. Notre Jiminy cricket gardien intime de notre intégrité physique et psychique prend apparemment ses RTT le Mardi, c’est Titi qui me le confia au détour d’un second service en regardant sa montre rassuré de deux heures de répit. La conscience est ainsi faite elle est comme l’homme qui la possède, elle garde ses fragilités et elle ne supporte pas la pression.

L’heure du lancer d’assiette vint. Le vieux4 connaît sa partition, s’il le faut il chantera seul, mais son lancer se fera en chanson. Il opta pour un lancer sur deux fronts c’est-à-dire à chaque bout de table. Peu de bris de matériel, le lancer était fait pour être attrapé. Entre les assiettes tournoyantes, les assiettes en chandelle, les assiettes directes, les ratrapeurs repus étaient de sorties. Point de blessés et encore points de patates. Le fromage, un délice de brebis coupé en tranche fine avec un gros pot de cerises noires qui nous rappellent que le pays Basque n’est pas loin et Itxassou non plus. Le fromage était à l’image de notre hôte du soir fort et délicat à la fois. Le dessert des oranges au sirop et de la cannelle et des plaisirs d’orients, des étouffes chrétiens de saison en somme. Le plateau est riche pour les nostalgiques d’orient, les cornes de gazelles, des makrouts roulés aux dattes. A ce moment de la soirée nous avions définitivement perdu notre IMC et Jiminy dans un fond de vodka.

L’appel du Titi pour le café, le prez dans son carnet « A moi comptes… dix euros ! »…

Les amateurs de dés au bout du comptoir. Et nous partîmes dans la nuit comme nous nous sommes retrouvés le jour.

11 mai 2015

Le cuistit de la semaine, Maxime en bouche, c’est l’hallali de l’aligot !

Par Le Barde et Régis,

 

 
Pendant qu'ils s'escrimaient sur le terrain de Victor Louis, j'attendais Lolo afin qu'il m'amenât au trou. La faute à une cuisse récalcitrante, à l'âge, aux excès. Toutes choses ignorées par Dudu qui pousse la jeunesse jusqu'à utiliser un smartphone et à répondre aux mails, désormais, en tapotant de ses petits doigts sur le clavier étroit de son appareil. Dudu a toujours été un digital. Comme Yannick.  Il n'y a guère que côté boutique que Dudu a du mal avec la modernité. 
Donc ils étaient à Victor Louis, lorsque Musard se préparait à sa dernière rencontre, Musard, où des années durant, nous éprouvâmes nos corps jamais repus. Et moi, j'attendais Lolo, mais Lolo ne vint pas. EDD Suez l'empêchait. Ou plutôt Engie. Une affaire d'énarque nostalgique de la grande époque des Stones. Sauf que le e s'est substitué au A, énergie oblige, à défaut d'amour. L'amour certes requiert de l'énergie, mais aussi infiniment de douceur, c'est son côté Angie. 
L’école a repris, le portail est donc ouvert. Les vestiaires ont leur clé. Le pré est taillé à bonne taille pour recevoir nos foulées printanières. Les troupes arrivent en ordre dispersé. Pour les premiers il est de tradition de compenser leur ponctualité par un décrassage épuisant dans un trois contre trois qui n’en finit pas. L’attente est de saison. Le jeu à trois est un véritable pari sur les organismes. Ce n’est pas Hélène qui me contredira. Il y a deux intervalles et deux espaces dans les ailes. Les courses sont bien rentrantes, les croisés détournées et nous arrivons à trouver les failles de chaque côté. Le trou pris, l’accélération est de rigueur même si c’est pour nous chauffer. Il est donc agréable de voir les troupes se renforcer jusqu’à retourner l’aire de jeu pour satisfaire nos joutes rugbystiques.
Au trou, c’est un stagiaire qui régale mais sur le terrain son compère de lettre est en cannes. Surtout lorsque les passes lui autorisent ses enjambées lyriques derrière la ligne. Jeff trouva à son désespoir le doux privilège de longues traversées presque en solitaire pour atteindre la marque et se dire qu’une fois le ballon aplati le jeu n’est pas fini. Dudu est de même en canne, il retrouva son parlé de meneur d’hommes. Il sait placer ses troupes, attendre, observer et feinter. Le Dudu est un joueur qui a un jour, lui aussi été stagiaire, certains parchemins l’attestent. La course il la respecte, il ne peut concevoir en effet qu’un mouvement puisse se conclure sans le fameux ballon aplati. Ce n’est pas Titi qui le contredira. Mais bon, lorsque la ligne est franchie, il faut conclure ! La pelouse est accueillante et ce soir les coureurs sont de sortie. Le binome Jean-Phi et son stagiaire est bien bronzé. Surtout le Sabite qui se livre corps et âmes au partage de ses années d’expériences. Le bronzage agricole se prépare par des séances d’U.V avant la saison. Le port du tee-shirt dans la cabine est primordial autrement on ne peut reconnaitre le maître. Jean Phi, fait du vin, du rugby, des marathons, du sanglier et maintenant du vélo. Son bronzage l’a trahi ! Le pulpo, le Bernachat, le tarbais il y en avait des lettrés pour la soirée.
Les lumières du pré s’effacent pour donner place à la nuit. La douche, l’habillage, le coiffage et c’est la direction du trou.
Maxime suppléait Pascal. Il nous avait informés de ses désirs aveyronais par voie digitale, lui aussi. Nous en fûmes pour notre compte. Le petit Maxime a ses racines entre Aubrac et Rodez. Il  les honora au mieux bien qu'il nous entreprit, en apéritif, par un ratafia. Le ratafia n'est pas commun au trou. C'est une liqueur composée d'eau de vie, de sucre et du jus de certains fruits. Maxime s'en tint à la treille, Gironde oblige. Guigui nous recommanda de n'en boire qu'avec une extrême parcimonie. Le trou peu à peu se garnissait.
La première leçon d'aveyronnais s'exprima  par une salade de farçou, des beignets de blettes qui rehaussaient les feuilles disséminées dans nos assurées assiettes parsemées de petits bouts de noix.
Elle était belle la tablée. Un tapis de couleurs chatoyantes donnait en relief une réception culinaire à la densité de l’accent de notre hôte. L’Aveyron donne à ses hommes des nuances phonétiques qui rappellent que leur pays est fait de rocs et de plaisirs de vivre. La table est par conséquent une ouverture à une véritable symphonie en bouche. Notre Jacquot sait que tout dieu a son dit vin et que son divin tient dans une bouteille de Sabite. Il donna en offrande un vin en mal de devenir. Un Vinaigre de rigueur pour accompagner toutes les salades de notre hôte. Pépé est tout ouïe et heureux de découvrir les maximes de Maxime. Il tâte la balle comme il maîtrise les contes de son pays. Peut être que Maxime est un Pépé chevelu… Allez donc savoir, mais bon les deux traversèrent les contrées du langage pour se refaire une tournée de salade. Les anciens se sentaient un brin isolés sur leur aile. Le bar est plein, le fond de la tablée bien rempli, le rappel de Peyo avait fait son œuvre. Mais une brèche empêchait nos anciens de se coller à la masse. L’appel du Jacquot fut entendu. Les troupes se resserrèrent sans en faire tout un fromage. Le fromage dans l’Aveyron trouve de même une place bien confortable au milieu du repas. Se faire traiter de saligauds pour se mettre au régime de l’aligot, il n’en fallait pas plus pour durcir le manche de notre hôte. Il malaxa comme il se doit ses têtes à fromages.
Vint l'aligot et ses saucisses de Toulouse servies avec un Marcillac, vin ruthénois dont le cépage exclusif est le fer servadou. D'aucuns le comparèrent à un Beaujolais. Sottise ! L'aligot est de l'Aubrac, comme Queneau était du Havre. Il est confectionné à partir de pommes de terre et de tome fraîche ou tome d'aligot, de crème et d'ail. Ce plat s'est répandu dans le dernier quart du xxe siècle à d’autres régions du Massif central et, plus largement, en France, notamment à la suite de l'exode rural des bougnats à Paris, où des ruthénois à Bordeaux. 
Le respect se fit dans le silence. Nous rappelons que parler la bouche pleine quand le plat est bon ça ne se fait pas. C’est pour cela qu’il y eut un silence. Loin de la bronca, loin des oreilles et la queue des corridas culinaires dont la plus haute distinction se fait au trou par le silence. Le silence n’est pas une punition ou une frustration publique mais bien une clameur sublimée d’un plaisir en bouche. Le silence est beau mais le plaisir de chanter en cœur la réussite reprit le dessus. Normal pour la chanson dont les instances religieuses m’interdisent de répéter les paroles. A tout bien, tout honneur !
Lolo avait envie de s'amuser. Je fus ceint  d'une chevelure de verdure mais ne lui en tint pas rigueur. D'autant que la salade était sans vinaigrette. 
Vint le lancer. Apocalyptique. Nous craignîmes le pire mais le pire ne vint pas. Tout au plus quelques éclats sur le sol jonché de pétales de salade. Vinrent ensuite les fromages. Un Cantal à damner tous les saints, un bleu superbe et un camembert plus ordinaire. 
Le laguiole est en fromage qui se mange au couteau, un laguiole laguiolé en quelques sortes. Pline parlait déjà en son temps du Laguiole pour vous dire et Pépé, lui en parle toujours. Il n’est pas homme de bout de table pour rien. Le plateau est de fraicheur, nous étions bien heureux d’avoir survécu au lancer fratricide pour pouvoir déguster toutes ses saveurs fromagères. A chaque bouchée nous ouvrîmes de nouveaux tomes…
En dessert de la fouace avec sa crème anglaise. La fouace ou fouasse est une pâtisserie ayant la forme d'une couronne élaborée dans le Rouergue et la Haute Auvergne. À l'origine, il s'agissait d'une galette de fleur de froment non levée qui était cuite dans la cendre de bois chaude.

Pour conclure ce repas, nous eûmes droit au don de Julien. Il nous offrait, en effet, des K Way qui rouges, qui bleus avec un numéro dans le dos. Les castors étaient ravis. Dudu prit un exemplaire moulant et Fayou un spécimen plus large. Une affaire de style. 
La nuit était légère, les nuages épars et la lune cachottière. Titi enfourcha sa moto et Claude sa bicyclette. Moi, je rejoignais ma voiture. A la semaine prochaine.