23 mai 2015

Le trou à l’épreuve du poulpe. Du Belhommec en somme !

Par Le Barde et Réglisse



Il pleuviotait, le temps faisait la moue, la température n'était pas de saison. Une fin de journée qui taquinait l'hiver, comme impuissante à flirter avec l'été. Mais l'on s'en branlait à vrai dire. La petite, toute petite vingtaine d'archis qui foulait le pré avait le cœur au printemps. Il n'était qu'à compter les jeunes pousses. Des vieux, il ne restait que Dudu, Hamilton et moi-m'aime. Il y avait Gwen aussi. Plus passeur que jamais, Jeff, Maxime, le Tarbais et quelques autres. La pluie, ou plutôt le crachin, s'interrompit l'espace d'une partie, lors que Croucrou faisait des tours de pré.

De près comme de loin, les lignes se sont testées. Les trous, les faux trous, encore des petits trous. Il n’en fallait pas plus pour pousser la chansonnette. Nous avons notre Serge à nous qui a appris à jouer du côté de Lourdes. Les trous il ne les prend pas, il les crée. La feinte est connue, elle est loin de celle du blogger qui est dévastatrice à l’aile. Cependant il a aussi son style. Le haut du corps se désolidarise du bas qui feint la course de travers. Le haut du corps se colle dans une fausse agitation qui maintient la balle dans un potentiel départ qui ne se fera pas. Le regard est important puisqu’il trahit la pensée. Il ne peut se croiser avec l’adversaire puisque le bluff est secret. Bref le coup de rein fatal qui relie le bas au haut et l’adversaire est capot. Parfois la confiance aveugle d’un défenseur à l’intérieur garantie la parfaite désynchronisation défensive pour favoriser le décalage offensif. Mais bon, le truc est de regarder au départ les pieds.

D’un côté l’équipe du Barde, de l’autre les autres. De chaque côté un maillot rouge. C’est une distinction le maillot rouge pour les Archiballs, certains ont leur chat noir, d’autres leur panache blanc. Ce soir chaque ligne aura un maillot rouge. C’est ainsi, le repère est solide, mobile ne cherchant pas les petits trous. S’il y a quelque chose à prendre, ça sera sans minimiser la taille du trou.

Je n’ai pas parlé du Barde qui lui aussi feinte à ses heures. Son jeu est dans le centre de l’action. Il se fait dans un mouvement, elle ne crée pas le trou. La sienne est dans l’adaptation, son jeu se fie à l’expérience. Dans un mouvement organisé de gauche à droite, ou de droite à gauche, sa ligne d’attaque alignée en arrière, la course rentrante des défenseurs leurrés par le mouvement, c’est à ce moment que le Barde explose son art de la ligne. Ce n’est pas un contre-pied mais bien un contre temps pour les fameux Autres. Lacan l’aurait signifié par son grand A. Le structuralisme avec la linguistique se rapprochent du rugby dans l’utilisation de De Saussures, crampons pour les puristes, petit a pour nous autres. Le temps qu’ils s’en rendent compte, l’essai est inscrit et les faires-parts envoyés en recommandé. Nous poussâmes la réflexion dans la balle sans penser à pépé barré pour l’instant dans notre inconscient collectif. Le jeu était libéré de toutes censures. Jusqu’au fatal et inévitable « un dernier ».

Le pré libéré, la douche chaude, nous quittâmes la forme pour rentrer dans le fond en prenant la direction du trou.

El Poulpo, ceint d'un tablier blanc s'arrêtant à la taille officiait. Pépé bougonnait pour les quelques minutes surnuméraires que nous nous étions accordées. Walid était de retour, la barbe vive et tranchante. Fonfon Mirales nous gratifiait de sa présence. Il nous manquait, lui l'arbitre des élégances entre radis noirs et castors. Et le coordinateur sportif de notre UBB. Sur la table, comme une promesse d'été des tomates multicolores, parsemées de feta, ointes dans une huile d'olive du meilleur goût où Walid trempait, par intermittence, de petits bouts de pain. Le pâté était de rigueur pour nous rappeler que l'hiver faisait encore des siennes. La conversation tourna autour de la sélection de PSA. Un drôle de zèbre, dont chaque mot est une larme. Camou en prit pour son grade. D'aucuns prennent pour un sage, ce notable d'un autre temps aux ambitions de bâtisseur. La Jacouille ne disait mots et Amélie évoquait ses petits qui ont atteint les demi-finales où ils affronteront Clermont. Chez nous, les entraîneurs ne sont pas de la daube. El Poulpo se régalait, jetait un œil par ci, tendait une oreille par là, et fredonnait le laudate pueri de la grande messe en ut mineur de Mozart. Putain, c’est beau minaudait Pépé.

Les tomates étaient de Marmande comme notre hôte est breton. Le poulpe en breton se dit Soueenn, ils ne font pas dans l’économie de voyelles nos amis du grand Finistère, ainsi que le notre. Il n’est pas le jardinier mais bien notre cuisinier de soirée et lui aussi, il ne fait pas d’économie quand il réceptionne. Soueenn fait penser à la femme de JR dans la série amisch américaine. Mais bon sur ce coup il faut être avare de consonne. Bref, les fameuses tomates de Marmande laissèrent place à du rôti de porc. Les bretons sont des marins qui cultivent leurs tomates à Marmande leurs plats favoris à bon porc. Les haricots ne sont pas tarbais, mais bien arrangés avec des petits lardons et chorizos. Le tout est à volonté. Un délice en bouche qui nécessita un bon vin international de chez nous le Sabite. Le Sabite en Breton ne se traduit pas, il se boit jusqu’à tomber dans les pommes. A la fin de ce plat nous ne parlions plus au poulpe mais bien à Jean François Marie Belhommec. L’homme abandonna son surnom de la Mer pour renouer avec ses pieds biens sur Terre. Il débarrassa toute la tablée avec ses huit bras. L’appel du fromage commençait à se pointer surtout que l’Amiral était sur le coup. Il paraît que pour savoir prier il faut avoir été marin. Notre hôte ne se fit pas prier pour débarrasser la tablée et ainsi nous préparer à la voie du lactée. Mets ses jets étaient loin d’être encrés. Les psaumes de mains tournées vers le ciel, nous priâmes la retombée des plats. Ainsi FonFon fond les petites mignonettes pour se rappeler à ce souvenir sportif de rattrapage. L’émotion est encore palpable chez cet homme qui siffle comme il parle le tout dans le plaisir de partager ses passions. L’émotion se fond dans le don du maillot et ses signatures. Mais bon, l’émotion prit place en se dressant comme l’homme d’offrande qu’il est.


Après le lancer d'assiettes dont c'est peu dire qu'il fut approximatif, Fonfon se dressa. Il tendit à l'assemblée un maillot paraphé par les joueurs de l'UBB. Une standing ovation lui rendit un hommage mérité. Fonfon, il est dépositaire d'une certaine idée du rugby. Celui de l'académie de Musard, de l'inattendu. Celui qui fait la nique aux métronomes. Un rugby à visage humain comme on l'aime. Le fromage était bon, surtout ce saint-Nectaire, sec et doux qui portait en lui l'oxymore de la grâce.

Pour dessert, un far breton. Et un alcool portugais offert par l'amiral, plus lusitanien que jamais. Il nous réserva une ode maritime de Pessoa. Les navigateurs, toujours, reviennent vers leurs sources. Le far faisait des heureux. Far en latin signifie « froment, blé, gruau ». À l'origine, c'était une bouillie de blé dans laquelle on ajouta, plus tard, des fruits secs.

Le far est une recette de Bretagne proche du clafoutis. Il s'appelle le farz forn (prononcé [farsˈfurn] en pays léonard : coucou Eric) (far au four) en breton. Le plus connu est fourré avec des pruneaux, bien que traditionnellement le far n'en comporte pas. Je n’oserai pas le rapprochement fortuit entre le far et la mer ; Lacan me gonfle, je ne m’en remets qu’à Mallarmé. Ah !, « donner un son plus pur aux mots de la tribu. »

Le dessert en est que meilleur puisqu’il est fait par l’homme de réception. La saveur du fait maison est ancrée au plus profond de nous. Il est recherché pour tout amateur de bonne chose, ce far breton est pour notre âme d’enfant une vraie Madeleine pour Proust. Elle est le ciment d’un souvenir qui lie l’émotion d’un moment à un rappel imprévisible dans la nostalgique qui le prédestine. Une véritable cerise portugaise sur le gâteau !

Le café, la belote, les palabres, le triptyque est amicalement rôdé pour plonger dans les sublimes métaphores qu’annonce l’était.

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