20 février 2022

Nico se rôtit le trou

 Par le Barde et Bardibulle

Un beau soir d’hiver, au ciel parsemé d’étoiles. Une douzaine de castors et JB au bord du pré. Une heure de beau toucher avec son lot de passes accomplies. Dom sur une aile. Jean-Phi toujours aussi hirondelle. Titi affûté. Une constellation d’essais. Léo tout à sa pièce chantant La belle vie. Régis fringant avant qu’une sotte contracture ne le retire du pré. Oui, un soir d’hiver comme on les aime. Avec une lune vive, d’argent.


Pas de Dudu. Le pré est triste sans Dudu. Le petit Paul est sans maître. On a tous besoin d’un maître, on a tous en nous quelque chose de Dudu. Même Christophe. Même le Doc. Hamilton allait ses pattes encore vives. JB appréciait.

Puis, le trou. Enfin. Après une si longue absence. Le retour au nid. Et Nicolas en premier n’officiant de l’année. Guitou, Lolo, Amélie, Jacouille, le Tcho et Pépé bien sûr. Une bonne tablée.

Endives avec noix, fromage et petits croûtons en entrée. Dudu en raffole. Il en prit, en reprit tout en papotant avec Guitou, sis à sa droite. Et de converser sur leurs joutes d’antan.

Nico se décarcasse. Point de patates pour la suite dans les idées. Son mollet cicatrise et nécessite une mise aux haricots verts. Les couleurs se prêtent au plafond. Celui de notre trou. Il assure côtés peinture culinaire. Le bleu pour le rôti de bœuf Cuisson à point pour préserver son saignant. Le rouge dans Sabite. Le blanc pour l’autre rôti. Notre damier est complet. Gloire au cuistot.

                                                 

Le lancer n’advint qu’après le fromage. Nico innovait. Son lancer fut juste et les deux assiettes qui chutent sur le sol eurent le bon goût de ne pas se briser.

Tartes en dessert. Gâteau au chocolat. L’enfance. L’enfance qui se prolonge dans l’antre de nos petits plaisirs. Pioupiou donnait du coffre et jouait la lutte des classes avec Guitou. Pas de Quand vient la fin de l’été hélas. Ce sera pour une autre fois.

La nuit nous cueillit avec douceur. La lune était lacérée par un long filament blanc. Gilbert avait pris place dans le ciel. Nous saluant de toute son élégance. Nous gagnâmes nos pénates apaisés et heureux. Oui, la belle vie enfin recouvrée.

Si le trou m'était conté

Par le Barde

Nous partîmes cinq, six ; mais par un prompt renfort/Nous nous vîmes vingt-cinq arrivant à Musard. 

Qu’importait la pluie, les vacances ou le reste. L’heureux temps lorsqu’il passe de la sorte, lorsque nous le ponctuons de nos courses vives, de nos offrandes multiples. Jamais le crachin ne nous importuna. Tout n’était que grâce. La présence de Jacouille n’y était pas étrangère ; il flamboyait. Le Tcho, à chacun de ses exploits, pépiait. Lorsque Dudu glougloutait, cancanait. Les gamins s’émerveillaient, les petits, les apprentis de la gonfle. Perdigue stridulait, Régis hululait, Christophe hennissait, Perdigue ruait, Titi pinsonnait, le Prez cavalait, Lolo virevoltait. C’était bon.
De temps à autre, des oiseaux de nuit se posaient sur le crâne du Tcho. De rares chauves-souris zébraient le ciel et regardaient Jean-Phi d’un œil complice. Le vestiaire ne fut qu’un chant. Perché sur un banc, le barde donnait le la. Alexandre s’essayait à des contre ut. Flo avait des allures de Pavaroti. Nos voix se mêlaient avec une harmonie indicible. Et JB, emporté par cette petite musique de nuit, pleurait toutes les larmes de son corps.

Alors, le trou se garnit. Nous étions innombrables. Coco nous attendait. Tout ne fut que ripailles, victuailles. Grattons, dindons aux croupions paraphés d’une plume, cochons, poulets, chevreuils étalaient leur chair. Et c’était bon. La Fée joua du cor, en bon veneur qu’il est. Nous dévorions, humectant nos palais de Hauchat. Sergio culminait au bout de la table, le vieux quatre s’époumonait, Pépé récitait ses légendes. « Quel est le con qui a dit que la chair est triste hélas » demanda Flo. « C’est Mallarmé, mes Burnes » lui répondit Croucrou.

Puis vint le temps des truites, des turbots, des homards. Et son cortège de vins blancs. Les bienfaits de la mer succédaient à ceux de la terre. Et c’était bon. Croucrou était aux anges ; il a l’âme maritime. Joël prit sa corne de brume pour dissiper les possibles étreintes de arêtes.
Et Amélie s’enchaîna au comptoir pour résister au chant des sirènes. Les assiettes fusèrent de toutes parts, s’entrechoquant, se brisant ou trouvant, quelquefois, les mains qui leur étaient destinées. Coco rouspéta un peu. Pour la forme. « On dirait du Boulez » dit Jeff. « Tu nous les brises » lui rétorqua Pioupiou. Le Tcho les réconcilia de son bec.

De multiples fromages s’invitèrent à la table. Tous fruits du savoir de Poulet. Reblochon, brebis, cancoillotte, roquefort, gouda vieux, saint-nectaire… Et c’était bon. Nous les disposions sur des tranches de pain grillées que nous croquions avec avidité. Un immense baba au rhum conclut nos agapes. Coco avait envisagé un pudding. Par égard pour Pépé, il se rabattit sur le baba. Un long silence se fit. Guitou le rompit par un « Quand vient la fin de l’été suave et délicat ».

Puis tous de lever un verre de champagne à notre cher trou. Lolo versa une petite larme que Seb effaça de son index. La soirée s’acheva en musique. La Fée et Joël croisèrent leur instrument à vent. JB grattait sa guitare. Et c’était bon. Le vieux quatre retint son organe, Lolo sifflotait, le douanier joua de son instrument préféré, le triangle. Nous eûmes toutes les peines du monde à nous séparer. Dehors, il pleuvait, à toutes petites gouttes. Kiki dansa sur le pavé mouillé, son parapluie ouvert, et disparut. Le Prez fit quelques claquettes, plus Astaire que Kelly. Morphée nous attendait, de ses bras tendres et apaisants.