Nous partîmes cinq, six ; mais par un prompt renfort/Nous nous vîmes vingt-cinq arrivant à Musard.
Qu’importait la pluie, les vacances ou le reste. L’heureux temps lorsqu’il passe de la sorte, lorsque nous le ponctuons de nos courses vives, de nos offrandes multiples. Jamais le crachin ne nous importuna. Tout n’était que grâce. La présence de Jacouille n’y était pas étrangère ; il flamboyait. Le Tcho, à chacun de ses exploits, pépiait. Lorsque Dudu glougloutait, cancanait. Les gamins s’émerveillaient, les petits, les apprentis de la gonfle. Perdigue stridulait, Régis hululait, Christophe hennissait, Perdigue ruait, Titi pinsonnait, le Prez cavalait, Lolo virevoltait. C’était bon.
De temps à autre, des oiseaux de nuit se posaient sur le crâne du Tcho. De rares chauves-souris zébraient le ciel et regardaient Jean-Phi d’un œil complice.
Le vestiaire ne fut qu’un chant. Perché sur un banc, le barde donnait le la. Alexandre s’essayait à des contre ut. Flo avait des allures de Pavaroti. Nos voix se mêlaient avec une harmonie indicible. Et JB, emporté par cette petite musique de nuit, pleurait toutes les larmes de son corps.
Alors, le trou se garnit. Nous étions innombrables. Coco nous attendait. Tout ne fut que ripailles, victuailles. Grattons, dindons aux croupions paraphés d’une plume, cochons, poulets, chevreuils étalaient leur chair. Et c’était bon. La Fée joua du cor, en bon veneur qu’il est. Nous dévorions, humectant nos palais de Hauchat. Sergio culminait au bout de la table, le vieux quatre s’époumonait, Pépé récitait ses légendes. « Quel est le con qui a dit que la chair est triste hélas » demanda Flo. « C’est Mallarmé, mes
Burnes » lui répondit Croucrou.
Puis vint le temps des truites, des turbots, des homards. Et son cortège de vins blancs. Les bienfaits de la mer succédaient à ceux de la terre. Et c’était bon. Croucrou était aux anges ; il a l’âme maritime. Joël prit sa corne de brume pour dissiper les possibles étreintes de arêtes.
Et Amélie s’enchaîna au comptoir pour résister au chant des sirènes.
Les assiettes fusèrent de toutes parts, s’entrechoquant, se brisant ou trouvant, quelquefois, les mains qui leur étaient destinées. Coco rouspéta un peu. Pour la forme. « On dirait du Boulez » dit Jeff. « Tu nous les brises » lui rétorqua Pioupiou.
Le Tcho les réconcilia de son bec.
De multiples fromages s’invitèrent à la table. Tous fruits du savoir de Poulet. Reblochon, brebis, cancoillotte, roquefort, gouda vieux, saint-nectaire… Et c’était bon. Nous les disposions sur des tranches de pain grillées que nous croquions avec avidité.
Un immense baba au rhum conclut nos agapes. Coco avait envisagé un pudding. Par égard pour Pépé, il se rabattit sur le baba. Un long silence se fit. Guitou le rompit par un « Quand vient la fin de l’été suave et délicat ».
Puis tous de lever un verre de champagne à notre cher trou. Lolo versa une petite larme que Seb effaça de son index.
La soirée s’acheva en musique. La Fée et Joël croisèrent leur instrument à vent. JB grattait sa guitare. Et c’était bon. Le vieux quatre retint son organe, Lolo sifflotait, le douanier joua de son instrument préféré, le triangle.
Nous eûmes toutes les peines du monde à nous séparer. Dehors, il pleuvait, à toutes petites gouttes. Kiki dansa sur le pavé mouillé, son parapluie ouvert, et disparut. Le Prez fit quelques claquettes, plus Astaire que Kelly. Morphée nous attendait, de ses bras tendres et apaisants.
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