16 mai 2015

Le Cuistot de la semaine, La patata n'était paela...

Par Réglisse


Il y en avait du monde sur le perron des vestiaires à notre rendez-vous hebdomadaire. Cette masse humaine ombrageait l’entrée des artistes tout en ensoleillant l’arrivée des coureurs. Cet attroupement est synonyme d’un sens du collectif hors du commun. En effet, le rugby je le rappelle est un sport d’équipe. Ce qui implique une organisation sans faille. Le terrain lui ne bouge pas, les vestiaires non plus. Les habitudes encore moins. Ce n’est point Chirac qui me contredira… pas le Chirac de l’Elysée mais celui du camping. « Chassez le naturiste, il revient toujours au bungalow ». Il suffit d’en avoir la clé. C’est cet appel intime qui nous pousse consciemment comme inconsciemment à se regrouper pour partager les mêmes joies de la balle. Le ballon est un prétexte comme les autres. Mais bon il n’est pas donné à tout le monde de se retrouver à cet appel du Mardi. Les habitudes sont prises ainsi que certaines coutumes. Le groupe a ses codes. L’entrée dans les vestiaires est un temps à part. Le salut ne se fait pas uniquement par la bise d’accueil, la poignée de main de circonstance, un regard de partage mais par cette marque d’un lien groupal comme les autres, un salut populaire en quelque sorte cette fois ci chargée d’histoire. Le bonjour les copains est devenu « Rassure moi c’est toi qui a la clé ». Nouvelle Maxime me diriez vous-même si pour cette occasion c’est notre aligot de service qui se chargea d’ouvrir la porte sans les clés de référence. En absence de clé, le castor crie le rappel cette fois-ci par la voie de l’orange, sans résultat. Cette approche ne porte pas en effet ses fruits. Mais bon, nos porte-clés officiels sont suspendus uniquement à nos appels. Leur absence alimente l’espoir du sauveur, un brin exagéré l’allusion au messie, n’est pas au Barça qui veut… Mais bon le messie est porteur d’espoir, il a la clé que chacun croit avoir, c’est un être à part et pour ce soir nos messies furent bien à part. Mais bon, nous entrâmes par l’aide d’un autre gardien celui de l’école.

Le temps de se mettre en tenue, de rattraper le temps perdu et nous voilà alignés sur le pré. Seul Dudu précautionneux d’un corps d’albâtre sans âge se chargea de révolutionner à petit pas autour du groupe. Le tour de chauffe est important tant pour l’organisme que pour observer le comportement des autres joueurs. La technique est rodée est bien connue par les autres paires. Il n’est pas discret pour ces étirements derrière le poteau le regard pointé vers le groupe en action. Nous débutâmes comme il se doit par un toucher dans l’attente du jeu en flag. Certains s’étaient accoutrés de deux nouveaux appendices latéraux pour le toucher. Il n’y a pas à dire mais gouverner c’est anticiper. Ils ne savaient comment nous dire, le toucher c’est sympa mais le flag c’est mieux. La tradition ne peut se défaire aussi facilement, le tabou est présent et par conséquent la parole est dans l’action.

D’un coté les rouges sans Sabite de l’autre les bleus sans Cruchot. Benoit expose les règles. En gros les appendices à arracher sont uniquement sur les flans. Le risque est réel pour certains car les techniques de l’agrippement et de l’arrachage peuvent être dévastatrices. La théorie des genres n’a rien inventé. Thomas, loin de ces distinctions anatomiques, est en forme au toucher comme au flag. Les règles il les respecte même si sa vitesse lui permet toujours d’être en avance sur celles-ci. Mais bon il fait partie de ces joueurs qu’il faut attraper avant qu’il ait la balle. Je sais ça se joue à la milliseconde mais bon une fois qu’il a la balle après il est trop tard. Bachelard l’avait anticipé dans sa réflexion en mouvement « La volonté nietzschéenne prend appui sur sa propre vitesse. Elle est une accélération du devenir qui n'a pas besoin de matière. Il semble que l'abîme, comme un arc toujours tendu, serve à Nietzsche à lancer ses flèches vers le haut. Près de l'abîme, le destin humain est de tomber. Près de l'abîme, le destin du surhomme est de jaillir, tel un pin vers le ciel bleu. » Sur ce coup, Thomas jouait en rouge. Hamilton trouva son rythme dans ce jeu de ruban. Peyo a son aile et garda sa zone. Même si à la fin il manquait un ruban. De couleur rouge, comme quoi certaines accélérations sont magiques et la vitesse dévastatrice.

La direction des vestiaires, et c’est la douche de saison proposant un véritable plaisir de frisson nordique. Il parait que c’est bon pour la circulation. Le plan du trou et nous sommes partis à la rencontre de notre hôte du soir. C’est la réplique du vieux4.

Devant le trou, un regroupement de circonstances préparait l’arrivée de notre Prez. Sa démarche est cavalière. Il conta sa visite du blogger. Il va mieux d’où sa démarche. Il tient la forme au grand « dame » de notre Prez. Son arrivée au trou est proche, il le travaille avec le Prez, qui met en corps son sens du devoir et du sacrifice tenant à sa fonction. A la démarche de notre président, il est vraiment rassurant de voir que notre homme vise bientôt son retour au trou…

A l’intérieur le vieux4 est au fourneau. Il est revenu de Tours. La cuisine est vide, point de patates au four… Surprise ! Notre homme est au comptoir papotant avec ses convives. Pépé, Jacquot, les vieux sont là. Ils sont tranquilles, ils refont le monde pendant que d’autres courent le monde ! Nous nous relions à eux le temps de faire descendre la pression et c’est le passage à table. Le vieux4 est comme son numéro l’indique un sacré numéro. Ce seconde ligne propose une assiette d’entrée à son image : un mélange subtil de solides grandes asperges, de tranches de jambon et d’olives noires goûtues à souhait. Le plat de sauce se faufile de mains en mains pour agrémenter ses produits bruts du terroir. Je rappelle que par nature rugbystique ce ne sont pas les secondes lignes qui transforment l’essai. Mais bon les produits sont bons avec un fameux arrière goût de « reviens-y ». Il n’en fallait pas plus pour caler notre mise en bouche. Point de patates, mais du rab !

Il a une grosse voix notre hôte qui sollicite avec vigueur l’idée de se resservir. Sa finesse est dans son parler ce que la patate est à la purée, c’est à dure indivisible ! L’homme de tablée est ainsi fait, l’art du chef pour vérifier la qualité de ses mets se transformait à un ordre pour y retourner. Le plaisir de ces matières en bouche nous empêchât de le décevoir même si l’art de l’opposition est cher à nos esprits d’hominidés castorisés. La mise en bouche fut appréciée et traina dans le temps. Il y en avait des asperges à avaler ! Le sabite en revanche était long à venir. Le vin de compagnie trouvait difficilement son chemin pour arriver au bout de tablée. Notre vigneron siégeait avec ses compagnons de la balle en revanche son labeur se cachait en vain. L’entrée fit place au plat principal. Point de patates mais bien des points marqués pour notre seconde ligne. Il s’est soucié des palais délicats pour proposer un plat deux choix ! Un risotto aux fruits de mers. L’homme d’expérience est devenu délicat. Un véritable homme de toque ! Il navigue de port en port pour nous faire partager des plaisirs méditerranéens et latins. Le risotto séparé de ses fruits de mers permis à chacun de trouver son équilibre dans son assiette. Le mélange est fin, loin du coup des asperges et de notre homme de mêlée. Nous ne pouvions imaginer un tel plaisir en bouche, le vieux4 a plus une réputation d’homme de mains que d’homme de doigts. Il réussit son œuvre. Les épices dans les fruits de mers étaient fins et piquants. Là encore nous retrouvâmes cette accroche gustative d’un « reviens-y » et celle qui rappelle à notre IMC que le mardi est un jour perdu. Notre Jiminy cricket gardien intime de notre intégrité physique et psychique prend apparemment ses RTT le Mardi, c’est Titi qui me le confia au détour d’un second service en regardant sa montre rassuré de deux heures de répit. La conscience est ainsi faite elle est comme l’homme qui la possède, elle garde ses fragilités et elle ne supporte pas la pression.

L’heure du lancer d’assiette vint. Le vieux4 connaît sa partition, s’il le faut il chantera seul, mais son lancer se fera en chanson. Il opta pour un lancer sur deux fronts c’est-à-dire à chaque bout de table. Peu de bris de matériel, le lancer était fait pour être attrapé. Entre les assiettes tournoyantes, les assiettes en chandelle, les assiettes directes, les ratrapeurs repus étaient de sorties. Point de blessés et encore points de patates. Le fromage, un délice de brebis coupé en tranche fine avec un gros pot de cerises noires qui nous rappellent que le pays Basque n’est pas loin et Itxassou non plus. Le fromage était à l’image de notre hôte du soir fort et délicat à la fois. Le dessert des oranges au sirop et de la cannelle et des plaisirs d’orients, des étouffes chrétiens de saison en somme. Le plateau est riche pour les nostalgiques d’orient, les cornes de gazelles, des makrouts roulés aux dattes. A ce moment de la soirée nous avions définitivement perdu notre IMC et Jiminy dans un fond de vodka.

L’appel du Titi pour le café, le prez dans son carnet « A moi comptes… dix euros ! »…

Les amateurs de dés au bout du comptoir. Et nous partîmes dans la nuit comme nous nous sommes retrouvés le jour.

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