11 mai 2015

Le cuistit de la semaine, Maxime en bouche, c’est l’hallali de l’aligot !

Par Le Barde et Régis,

 

 
Pendant qu'ils s'escrimaient sur le terrain de Victor Louis, j'attendais Lolo afin qu'il m'amenât au trou. La faute à une cuisse récalcitrante, à l'âge, aux excès. Toutes choses ignorées par Dudu qui pousse la jeunesse jusqu'à utiliser un smartphone et à répondre aux mails, désormais, en tapotant de ses petits doigts sur le clavier étroit de son appareil. Dudu a toujours été un digital. Comme Yannick.  Il n'y a guère que côté boutique que Dudu a du mal avec la modernité. 
Donc ils étaient à Victor Louis, lorsque Musard se préparait à sa dernière rencontre, Musard, où des années durant, nous éprouvâmes nos corps jamais repus. Et moi, j'attendais Lolo, mais Lolo ne vint pas. EDD Suez l'empêchait. Ou plutôt Engie. Une affaire d'énarque nostalgique de la grande époque des Stones. Sauf que le e s'est substitué au A, énergie oblige, à défaut d'amour. L'amour certes requiert de l'énergie, mais aussi infiniment de douceur, c'est son côté Angie. 
L’école a repris, le portail est donc ouvert. Les vestiaires ont leur clé. Le pré est taillé à bonne taille pour recevoir nos foulées printanières. Les troupes arrivent en ordre dispersé. Pour les premiers il est de tradition de compenser leur ponctualité par un décrassage épuisant dans un trois contre trois qui n’en finit pas. L’attente est de saison. Le jeu à trois est un véritable pari sur les organismes. Ce n’est pas Hélène qui me contredira. Il y a deux intervalles et deux espaces dans les ailes. Les courses sont bien rentrantes, les croisés détournées et nous arrivons à trouver les failles de chaque côté. Le trou pris, l’accélération est de rigueur même si c’est pour nous chauffer. Il est donc agréable de voir les troupes se renforcer jusqu’à retourner l’aire de jeu pour satisfaire nos joutes rugbystiques.
Au trou, c’est un stagiaire qui régale mais sur le terrain son compère de lettre est en cannes. Surtout lorsque les passes lui autorisent ses enjambées lyriques derrière la ligne. Jeff trouva à son désespoir le doux privilège de longues traversées presque en solitaire pour atteindre la marque et se dire qu’une fois le ballon aplati le jeu n’est pas fini. Dudu est de même en canne, il retrouva son parlé de meneur d’hommes. Il sait placer ses troupes, attendre, observer et feinter. Le Dudu est un joueur qui a un jour, lui aussi été stagiaire, certains parchemins l’attestent. La course il la respecte, il ne peut concevoir en effet qu’un mouvement puisse se conclure sans le fameux ballon aplati. Ce n’est pas Titi qui le contredira. Mais bon, lorsque la ligne est franchie, il faut conclure ! La pelouse est accueillante et ce soir les coureurs sont de sortie. Le binome Jean-Phi et son stagiaire est bien bronzé. Surtout le Sabite qui se livre corps et âmes au partage de ses années d’expériences. Le bronzage agricole se prépare par des séances d’U.V avant la saison. Le port du tee-shirt dans la cabine est primordial autrement on ne peut reconnaitre le maître. Jean Phi, fait du vin, du rugby, des marathons, du sanglier et maintenant du vélo. Son bronzage l’a trahi ! Le pulpo, le Bernachat, le tarbais il y en avait des lettrés pour la soirée.
Les lumières du pré s’effacent pour donner place à la nuit. La douche, l’habillage, le coiffage et c’est la direction du trou.
Maxime suppléait Pascal. Il nous avait informés de ses désirs aveyronais par voie digitale, lui aussi. Nous en fûmes pour notre compte. Le petit Maxime a ses racines entre Aubrac et Rodez. Il  les honora au mieux bien qu'il nous entreprit, en apéritif, par un ratafia. Le ratafia n'est pas commun au trou. C'est une liqueur composée d'eau de vie, de sucre et du jus de certains fruits. Maxime s'en tint à la treille, Gironde oblige. Guigui nous recommanda de n'en boire qu'avec une extrême parcimonie. Le trou peu à peu se garnissait.
La première leçon d'aveyronnais s'exprima  par une salade de farçou, des beignets de blettes qui rehaussaient les feuilles disséminées dans nos assurées assiettes parsemées de petits bouts de noix.
Elle était belle la tablée. Un tapis de couleurs chatoyantes donnait en relief une réception culinaire à la densité de l’accent de notre hôte. L’Aveyron donne à ses hommes des nuances phonétiques qui rappellent que leur pays est fait de rocs et de plaisirs de vivre. La table est par conséquent une ouverture à une véritable symphonie en bouche. Notre Jacquot sait que tout dieu a son dit vin et que son divin tient dans une bouteille de Sabite. Il donna en offrande un vin en mal de devenir. Un Vinaigre de rigueur pour accompagner toutes les salades de notre hôte. Pépé est tout ouïe et heureux de découvrir les maximes de Maxime. Il tâte la balle comme il maîtrise les contes de son pays. Peut être que Maxime est un Pépé chevelu… Allez donc savoir, mais bon les deux traversèrent les contrées du langage pour se refaire une tournée de salade. Les anciens se sentaient un brin isolés sur leur aile. Le bar est plein, le fond de la tablée bien rempli, le rappel de Peyo avait fait son œuvre. Mais une brèche empêchait nos anciens de se coller à la masse. L’appel du Jacquot fut entendu. Les troupes se resserrèrent sans en faire tout un fromage. Le fromage dans l’Aveyron trouve de même une place bien confortable au milieu du repas. Se faire traiter de saligauds pour se mettre au régime de l’aligot, il n’en fallait pas plus pour durcir le manche de notre hôte. Il malaxa comme il se doit ses têtes à fromages.
Vint l'aligot et ses saucisses de Toulouse servies avec un Marcillac, vin ruthénois dont le cépage exclusif est le fer servadou. D'aucuns le comparèrent à un Beaujolais. Sottise ! L'aligot est de l'Aubrac, comme Queneau était du Havre. Il est confectionné à partir de pommes de terre et de tome fraîche ou tome d'aligot, de crème et d'ail. Ce plat s'est répandu dans le dernier quart du xxe siècle à d’autres régions du Massif central et, plus largement, en France, notamment à la suite de l'exode rural des bougnats à Paris, où des ruthénois à Bordeaux. 
Le respect se fit dans le silence. Nous rappelons que parler la bouche pleine quand le plat est bon ça ne se fait pas. C’est pour cela qu’il y eut un silence. Loin de la bronca, loin des oreilles et la queue des corridas culinaires dont la plus haute distinction se fait au trou par le silence. Le silence n’est pas une punition ou une frustration publique mais bien une clameur sublimée d’un plaisir en bouche. Le silence est beau mais le plaisir de chanter en cœur la réussite reprit le dessus. Normal pour la chanson dont les instances religieuses m’interdisent de répéter les paroles. A tout bien, tout honneur !
Lolo avait envie de s'amuser. Je fus ceint  d'une chevelure de verdure mais ne lui en tint pas rigueur. D'autant que la salade était sans vinaigrette. 
Vint le lancer. Apocalyptique. Nous craignîmes le pire mais le pire ne vint pas. Tout au plus quelques éclats sur le sol jonché de pétales de salade. Vinrent ensuite les fromages. Un Cantal à damner tous les saints, un bleu superbe et un camembert plus ordinaire. 
Le laguiole est en fromage qui se mange au couteau, un laguiole laguiolé en quelques sortes. Pline parlait déjà en son temps du Laguiole pour vous dire et Pépé, lui en parle toujours. Il n’est pas homme de bout de table pour rien. Le plateau est de fraicheur, nous étions bien heureux d’avoir survécu au lancer fratricide pour pouvoir déguster toutes ses saveurs fromagères. A chaque bouchée nous ouvrîmes de nouveaux tomes…
En dessert de la fouace avec sa crème anglaise. La fouace ou fouasse est une pâtisserie ayant la forme d'une couronne élaborée dans le Rouergue et la Haute Auvergne. À l'origine, il s'agissait d'une galette de fleur de froment non levée qui était cuite dans la cendre de bois chaude.

Pour conclure ce repas, nous eûmes droit au don de Julien. Il nous offrait, en effet, des K Way qui rouges, qui bleus avec un numéro dans le dos. Les castors étaient ravis. Dudu prit un exemplaire moulant et Fayou un spécimen plus large. Une affaire de style. 
La nuit était légère, les nuages épars et la lune cachottière. Titi enfourcha sa moto et Claude sa bicyclette. Moi, je rejoignais ma voiture. A la semaine prochaine. 

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