Par Le Barde et Bardatruc
Bien sûr, c'était la Saint-Valentin. À la Saint-Valentin, pas de menu fretin dixit Pioupiou qui s'y connaît en petits poissons et ne goûte rien tant que l'essentiel. Ainsi arriva-t-il sur le pré, nanti d'un ballon ceint d'un ruban rose. Il le déposa au milieu du terrain, s'agenouilla et lui confia : "Je vais te dire un grand secret, le temps c'est toi." Une déclaration d'amour qui eut le don d'émouvoir ses pairs. Jeff avait la larme à l'œil. Puis, il retira le ruban rose et dit : "Trêve de préliminaires." La partie pouvait commencer.
Elle n'atteignit jamais les sommets. Sans doute parce que les bases n'y étaient guère. Le ballon restait souvent en rade, épousant le sol plus qu'il n'est de raison. Le ballon n'aime rien tant que taquiner l'air, le ciel, de donner le la à des échappées belles. Les mots dominaient le silence si mélodieux des passes. N'importe, il y eut de rares moments de grâce ; ils n'en furent que plus hauts.
Pascal Apercé fit une apparition trop brève. Un saut, un petit saut, un claquage et puis s'en va.
Pioupiou honora la béchigue, en amant accompli. Le buste droit, le regard fier, il récitait son rugby ; il était le seul, l'unique. Non, j'exagère, le Tarbais aussi avait de l'entrain et ce je ne sais quoi qui augmente l'ordinaire. Même orphelin de Serge, il préserve l'essence de ce sport que la légende attribue à William Web Ellis.
Serge n'était pas de pré parce que Serge était en cuisine. Il nous attendait, drapé dans un tablier noir. Saint-Valentin oblige, il avait disposé des cœurs en papier sur la nappe. Et sur certains, de petites bougies. Une manière de dire notre flamme à celles qui enchantent nos vies. Serge est un être délicat.
Au trou Serge nous attendait pour son baptême du feu. Hasard coquin de l'histoire, sa première fois au trou avait lieu le jour de la saint Valentin. Difficile et délicat d'écrire sur son acolyte de bar, sa moitié. En effet, en à peine 1h chez Metro, des liens ténus se sont tissés comme dans un vieux couple. Il est évident que s'accorder sur la marque et le conditionnement des cacahuètes dont vous empiffrez tous les mardis exige de la confiance, un soin dans sa communication, de la tolérance voire une certaine tendresse. Pour illustrer le propos, je vous retrace ici un court extrait d'un dialogue de cette fameuse première après-midi chez Métro.
Moi : dis-moi mon cher Serge, ne penses-tu pas que les Castors aimeraient changer de cacahuètes ?
Serge : pourquoi pas, tu penses vraiment que ces couillons y prêtent attention.
Moi : les coureurs non mais les anciens...
Serge : prends ce dont il te plaît mon biquet, ça leur conviendra...
Bref, quel moment délicieux. Pas un castor mal luné, hargneux ou plus simplement fatigué pour dire ou gueuler mesquinement : "en avant", t'es hors-jeux ! "," Achètes toi des lunettes " comme ces derniers mardis nous y ont malheureusement habitués. Serait-ce lié à l'absence de notre magnanime Bardibule, parti chez nos cousins canadiens. Pourvu que son bateau ne soit pas pris dans les glaces afin qu'il nous revienne au plus vite.
Bref, il nous attendait le tablier à la ceinture. L'entrée se fit du Nord puisque composée de légumes du nord : betterave et endives. Relevé d'une vinaigrette goûteuse, les plats n'y passèrent qu'une fois. Puis vint la saucisse de Toulouse et ses lentilles. Certains supputèrent que la lentille soit à l'origine de flatulences cristallines tel le "la" absolu. De "la" à se mettre un diapason dans le fondement, j'ai des doutes. Le lancement d'assiette fut une formalité pour cet excellent joueur. Il ne tomba pas cette fois-ci dans le piège de sur-jouer comme il peut lui arriver parfois... Un grand camembert "Le petit" mûri sous le traversin et une délicieuse tarte aux pommes complétèrent le repas.
Sa première fois fut une réussite, nous attendons la confirmation.
Le lancer d'assiettes fut parfait. Serge est un passeur. Gonfles ou assiettes, c'est tout comme. Pas une once de déchets. Il fit des croisées, des vrillées ; toute la panoplie. Jacouille admirait. Serge, il a quelque chose en lui de Codorniou.
Le Petit nous attendait. Le Petit est un camembert, comme son nom ne l'indique pas. Le Petit est grand ; c'est un oxymore crémier. Il ne resta pas de Petit. Ou très peu, ce qui revient au même. Enfin presque. Le peu ne saurait être rien. Encore que.
La conclusion fut simple : une tarte aux pommes. Et quelle tarte ! Onctueuse, fondante. La pomme a de beaux jours devant elle. C'est étonnant comme ce fruit inspire. Celle de Serge était très inspirée.
La belote de comptoir ne fut qu'une formalité pour Hamilton. Il a de bonnes mains et du nez. Jeff un peu moins. Quant au vieux quatre ! Mais il met du cœur à l'ouvrage. On a les armes que l'on peut.
La nuit était douce, les rues désertes. Le temps d'aimer est propice aux alcôves. "Amants, heureux amants" chuchota Pioupiou sous l'œil amusé d'un pigeon.
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