02 décembre 2009

Le cuistot de la semaine, franco de port

Par le Barde


Tout était calme, paisible, évident, hier soir, à Musard. Bien sûr, il y eut quelques ballons tombés. Mais de chamailleries point. Ou si peu. Il y eut surtout Jean-Bernard. Par lui, avec lui et en lui, la passe est une action de grâce. Les jambes, en rugby, c’est bien peu de choses. Mais les mains, ah les mains ! O Jean-Bernard ! Je n’écris pas cela pour froisser Dominique, l’homme vêtu de noir, qui fila à quatre reprises à l’essai. Car l’on ne file à l’essai que par l’entremise d’une passe juste, au cordeau. L’offrande est la cime comme le dit un proverbe malgache qui n’a de malgache que le nom.
Au trou, l’amiral officiait. Nous fûmes accueillis par Jean-Philippe, qui, la trompette à la main, rameutait les brebis égarées au comptoir. Il faut le voir Jean-Philippe jouer de la trompette : droit, digne, le profil altier. John Ford eût aimé une telle trompette attitude. La chambrée était clairsemée. Les premiers froids rebutent-ils les castors ? Mais, c’est bien connu, les absents ont toujours tort.
L’amiral nous la joua comme il se doit maritime. On n’échappe pas à sa destinée. Une soupe de poisson en entrée, sans fioritures ni chichis. Une soupe de poisson qui serait l’égale de la passe de Jean-Bernard si la comparaison n’était douteuse. Il y a bel et bien des passes à poissons mais entre une passe et une soupe, il faut vraiment être léger du bocal pour oser une telle comparaison. Bon, tout cela pour dire qu’elle était bien bonne la soupe de poissons de l’amiral à laquelle il ne manquait ni les petits croûtons, ni la rouille (l’habitude nous joue des tours), ni le râpé. C’est un peu comme une passe de Jean-Bernard, il n’y a pas que les mains qui sont de la partie, il y a la course, droite, la tête, haute, et ce léger balancement des bras qui est tout. Là, j’arrête, mais Jean-Bernard, c’est Jean-Bernard : quelle passe. Pour en revenir à la soupe, elle fut déglutie avec avidité, allégresse et réconfort.
Puis vint le temps des queues. De lottes bien sûr. Elles trempaient dans une sauce accorte depuis belle lurette tant leur chair était douce. Pour les accompagner, des pommes de terre soigneusement découpées par la main avertie de l’amiral. Il y a peut-être quelque chose de Jean-Bernard dans la manière dont l’amiral coupe les pommes de terre. Toujours est-il que les castors apprécièrent. Et ils saucèrent, et ils saucèrent comme des morts de sauce. L’amiral est un maître queux, un vrai. Et un sacré lanceur ! Pas une assiette ne joncha le sol. Pourtant, elle tremblait dans l’air les dites assiettes. Mais elles arrivèrent à bon port. Normal pour un amiral (je sais, c’est facile). Enfin, il y eut les tourtières, des tourtières flambées au cognac. L’amiral, il a le sens de la petite touche, du petit supplément d’âme. Loué soit l’amiral. Puis, la nuit avançant, les castors se séparèrent dans le crachin d’une nuit de décembre.

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