20 février 2014

Le cuistot de la semaine, mon lapin, mon lapinou


Par Le Barde


Il fait beau. Depuis hier, le temps s'est mis au beau. Las, le pré de Victor-Louis est encore gorgé d'eau. Exit le toucher. Tous au trou. Tous, c'est beaucoup dire ! Une grosse douzaine, pas plus, ou si vous préférez, une petite quinzaine. Les vacances, peut-être. Ou une paresse passagère. Allez savoir.

Le Toulousain était de bouffe. Les rares castors tapaient qui une belote de comptoir, qui une bierotte, qui les deux. A la belote de comptoir, Jacqouille n'était pas en veine. Ni Jacky. La faute à Lolo qui brisait leurs espérances. 

Le toulousain avait bien fait les choses. De la mâche avec des betteraves, des pignons de pins et de petits morceaux de foies de volailles revenus à la poêle qu'il déposa dans l'assiette des vieux avant que de les disposer dans les plats des plus jeunes. Gwen en portant son premier verre de vin à ses lèvres, Gwen avec son petit col roulé à l'envers (« ton petit col roulé on dirait une capote » s'exclama Lolo) eut son premier trait d'esprit : « Il est bon le Saby ce soir », dit-il en buvant du château de Carles ;  Perdigue était le fournisseur d'un soir.

Puis, vint le lapin avec sa sauce à la moutarde, ses petits oignons et ses pommes de terre. Pour une raison inconnue Gwen chanta La petite Huguette. Le lapin l'inspirait. Pas Titi. Titi, il n'aime pas le lapin, et il a tort. Mais Titi, depuis qu'il a vu Bambi, il est fou de Panpan. Manger du lapin, cela équivaut, pour lui, à manger du Panpan. Même aux petits oignons, un panpan ça ne se mange pas. Il s'y refusa. Le bunny du toulousain valait pourtant le déplacement. Hamilton d'ailleurs en redemanda. Et de la cuisse. C'est sans doute pour ça que Gwen chanta La petite Huguette. Jacqouille bougonnait et menaçait sans cesse de quitter le trou. Ce qu'il fit. Mais l'espace d'un instant. Il revint en effet. Ce n'était qu'une affaire de prostate, de procrastination. Jacky aussi bougonnait. Il tenta quelques paillardises. En vain. Il fut à deux doigts d'un départ qu'il ne commit point. Jacky, il a que la gueule. Pendant ce temps, El Pulpo, le fils de Gwenn, et le frère de Florian, parlait à Lolo le père. Peyo somnolait. 

Le lancer d'assiettes fut approximatif. Surtout pour Jacky. On assista à un sabrage de pichet en règle. Jacky était prêt à nous quitter pour la deuxième fois. Le calme revint. « Putain, je me suis pas lancé mon assiette » dit le toulousain. Il remédia à cet oubli témoignant de sa faible propension au narcissisme. C'est alors que Perdigue évoqua la charentaise : « Une charentaise, tu es bien dedans mais tu ne sors jamais avec ». Pourquoi la charentaise ? Mystère. El Pulpo le lui demanda. Perdique eut cette étrange réponse : « Ce soir, j'ai le spectre évasé ». « Moi je suis né en 1969 » lui répondit El Pulpo tout guilleret. Gwen, dubitatif, poussa la chansonnette et évoqua la mémoire de Raymond Souplex. 

Pour dessert, de la mousse au chocolat avec une cigarette russe. Faute de combattants, il y eut deux mousses par personne. Pour le plus grand bonheur de Donatien qui rêvait d'abondance. 

Perdigue saisit le livre des repas, trempa sa plume dans la mousse et entreprit des idéogrammes. Sous l'œil circonspect de Malko qui nous avait rejoint en cours de route. What Else servit le café.  Des airs russes s'élevèrent (la faute aux cigarettes ?). Et la chanson de Lara. Frank pleurait. Solidarité médicale oblige. Le castor est un tendre. 

Dehors, une lune se refusant à être pleine dispensait une lumière parcimonieuse. Lolo, fredonnait le deuxième mouvement du 17e concerto pour piano de Mozart. Et Gwen La petite Huguette. A chacun son monde. Donatien, lui, tendait des fils de clocher en clocher. Quant à Perdigue, il  avisait son spectre  en regardant la lune.

16 février 2014

Le cuistot de la semaine, el pulpo se décarcasse…

Par Régis
 
 
Ce mardi, le champ était marqué par la présence  d’une pluie sans fin et des cicatrices de profonds labours. Ceci rappelle que derrière les pas légers et émérites du castor gravite inexorablement le professionnalisme qui reste une masse comme les autres obéissant aux lois fondamentales de la physique. Les corps en mouvement ne peuvent exister sans terrain d’entente. La nature est ainsi faite.
 
« Il faut une infinie patience pour attendre toujours ce qui n’arrive jamais. » C’est du tac au Dac, sur qui nous n’allons pas jeter la Pierre. Et pour cette soirée d’hiver, l’infini du nombre était, lui loin d’être atteint au pré des castors. La troupe en crampons se limita à 13 amateurs de la gonfle, plus un satellite nommé JB qui à son habitude visait à atteindre les sommets. JB pour se faire les poumons, a eu du nez en se lançant dans une course elliptique autour des autres forces en présence. Pour s’attaquer à mère Nature, il vaut mieux respecter ses lois fondamentales qui n’aspirent qu’à attirer les masses et à les repousser. Pour se libérer de l’attraction, les tractions sont de rigueurs, tout est en effet un rapport d’énergie et de forces en mouvement. Heureusement, il y en avait du gros pour maintenir tout cet équilibre.
 
De Gwen, à Croucrou, le jeu orbital était de la partie. Le Toulousain et notre Tarbais, étaient ravis de ce jeu de masse et de passes qui leur rappela que la fin des haricots n’est pas pour demain… Même si pour le toulousain le repas calendaire en pleine période de vacances scolaires le rapproche inexorablement sur le compte des haricots. L’équilibre s’élabore en fonction des forces en présence. Ce n’est pas le haricot qui me contredira. Quel plaisir de lutter contre cette attraction qui nous pousse à tâter la solidité et la masse des colosses !

Les limites du toucher et les règles n’avaient qu’à bien se tenir.  Il a fallu une nouvelle fois, partager une zone de jeu. Et là, la physique n’y peut rien. C’est la logique mathématique qui gouverne. Nous ne jouons pas sur la longueur, le jeu à 7 contre 6 des castors face aux lois de la physiques suscitées, mettent les forces en présence trop à distance. Par conséquent, nous jouerons le toucher sur la largeur entre la ligne d’en-but et les 22. Trop serré pour que l’énergie balistique de nos lancers aguerris, libère le fameux jeu aérien de nos castors. Ce sera entre les 40 et les 5 mètres pour un total de 35 mètres. Pourquoi pas des 50 au 22 ? La zone de calcul mobilisa tout un temps de non-jeu. JB, lui à chacun de ses pas prenait de la hauteur en courant à plat. Il pense déjà entre 4000 et 6000 mètres en vertical, alors imaginez des 40 au 22 en horizontal.

La décision fut prise de manière collégiale, jouons au ballon ! De toute façon les lignes sont bleues. La logique mathématique du castor n’a de couleur que celle de la raison qui les ignore.  Les lois comprises, le jeu débuta et les essais furent de la partie. Dominique et Peyo, adversaires d’un soir, démontrèrent que la physique ne peut lutter avec une passe à l’aile et la vitesse. Même si Dominique dans son jeu a su garder, lui, ses deux chevilles. C’est notre vieille garde qui s’enorgueillit des deux derniers essais. Le Dudu était bien là ! Son expérience laissa se fatiguer le gros des troupes pour nous montrer que les paramètres temps et durée sont les éléments clés de l’équilibre gravitationnel.

De la physique au mythe, nous nous rapprochâmes de notre trou pour profiter du cuistot d’un soir. C’est en effet le kraken quand il plaque, le poulpe quand il voyage, El pulpo le préposé au four pour sa première de « Bouffe ». 

Nous étions pour cette cène tous attablés. Seuls deux hommes maintenaient le bar en équilibre. On ne sait jamais, l’équilibre est précaire et le respect de la masse avec ses satellites est légion chez le castor. Le monde a été fait, défait et refait au bout de ce bar. « Donnez moi une Bière et je soulèverai le monde… » A table, l’équilibre de la masse répondait de même à sa logique, le poids de l’expérience à la sortie des plats, la jeunesse et les retardataires à l’autre bout.
Les hostilités gastronomiques débutèrent rapidement à l’arrivée des gonfleurs. Le poulpe dont l’étymologie ne lui permet pas d’avoir plusieurs cordes à son arc mais plusieurs pieds à son corps, lança les plats de charcuterie et de salade piémontaise. Il ne manquait de rien. Certains eurent même le privilège de déguster du poulpe, mythe ou réalité, personnellement je n’en ai pas vu la trace. Donc point de jet d’encre sur ce propos. Le seul poulpe que j’ai vu découpé remonte au dernier match contre les nounours mais bon.

Le mythe n’ébranla pas la faim de nos troupes qui exprimèrent leur impatience. La surprise est de rigueur, l’attente est présente, quel complot se dessine dans l’absence de suite de victuailles. L’organisation de la pieuvre est réfléchie. Quand il s’agit d’organiser et de surprendre la pieuvre prend son pied et à ce niveau là, elle est équipée. Le vin de Jean-Phi permit de noyer en peu plus la masse. Le piège du poulpe se referma.

Voilà l’axoa s’exclama Gwen, amateur de bons plats, et les pâtes qui vont avec ! L’esprit toulousain su rapidement reconnaître que ce n’était pas du cassoulet et se permit quelques calembours sur l’histoire du sacré de ce plat basque tout en cherchant à définir l’origine du met en question. Bien éprouvé par toutes ses courses orbitales, Gwen identifia la fameuse cuisine, par quelques reprises de pâtes et de viande en sauce pour reconnaitre enfin les Bolognaises del pulpo. Nous découvrîmes une autre loi fondamentale des castors : le plaisir partagé de Gwen et de ses compères de tablée n’a de sens qu’après plusieurs allers-retours. Le plat fit place au chant lacté, tout est calé, les lois sont respectées, l’ère du poulpe a débuté. L’entrainement a porté ses fruits et le lancer à huit pieds, distance homologuée pour que l’exercice soit apprécié, ne posa, par nature aucune difficulté. Les deux tours du bar, Yannick et Bernachat organisèrent même un exercice à 3 corps, 6 yeux, 6 bras, 12 pieds et assiettes illimitées. La casse fut minime à l’égard des forces en présence. Les lois de la physique sont ainsi faites. Le dessert (gâteau citron, meringue et salade...allez comprendre), le café et l’affaire est bouclée. La nuit est bien avancée, les castors s’en allèrent en petit groupe s’amusant à frotter encore et encore, tout le long de la nuit, les forces invisibles et physiques qui nous équilibrent.

08 février 2014

Le cuistot de la semaine, une choucroute au pays des glands

Par Le Barde
Foin de la pluie, du vent, du ciel gris ! Foin des chafoins qui prétextent les nuages pour ne pas être du pré. Le pré est l’être du rugbyman. C’est Jean-Phi qui le dit. Il a même évoqué Heidegger pour asseoir son affirmation. Une affirmation assise, ça ne tient pas debout, j’en conviens. Mais Jean-Phi, il est comme ça. Pour l’UBB aussi, le pré est son être. Et nous partageons de nouveau l’être de l’UBB. Devinez qui s’est entraîné à Victor-Louis cette semaine ? L’UBB ! Ainsi le chasseur a-t-il rejoint le chassé sur ses nouvelles terres. Singulier retour de l’histoire.

Nous étions une ribambelle  sur le pré piétiné par l’Union. La partie fut alerte, entachée de nombreux en-avant. La faute à la pluie sans doute ou à des gammes peu ou mal assimilées. Car les jeunes étaient légion. Les vieux, cela va de soi, ne laissent que rarement choir la béchigue. Les jeunes n’ont pas encore la dextérité née d’un métier sans cesse remis sur l’ouvrage. Un petit clin d’œil à Nicolas Boileau Despréaux qui fut émasculé par un jars. Cela n’a rien à voir avec le métier. Encore que. De toute manière, je m’en branle. Allez, je ne résiste pas à vous rappeler ces vers :
Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse,
Et ne vous piquez point d'une folle vitesse :
Un style si rapide, et qui court en rimant,
Marque moins trop d'esprit que peu de jugement.
J'aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène,
Dans un pré plein de fleurs lentement se promène,
Qu'un torrent débordé qui, d'un cours orageux,
Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux.
Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage

Les vieux forment un ruisseau en quelque sorte, si lente soit leur hâte, elle est plus efficace. Et la molle arène de Victor-Louis sied à leur art. Trêve de poésie. Retour au pré. Et puis non, le pré n’intéresse que le pré. Place au trou puisque comme l’écrivait Fénelon : « La patrie d'un cochon se trouve partout où il y a du gland. » Et au trou, il y a beaucoup de glands. (Le gland est un akène, c'est-à-dire un fruit sec indéhiscent ne contenant qu'une seule graine. Il est enveloppé partiellement à sa base par une cupule, qui est en fait un involucre modifié, formé de bractées soudées.)

Le chef des glands, mardi, c’était Luc. Il a tout d’un gland Luc. Ce n’est pas moi qui l’ai dit, c’est encore Jean-Phi. Jean-Phi, il sait de quoi il parle quand il parle de gland. Il n’y a qu’à voir la photo sise derrière l’étiquette de ses innombrables châteaux. Qui est sous le chêne, les bras posés sur les hanches, toisant son frère,  en attendant que les glands tombent. Jean-Phi bien sûr. En bon gland, Luc fit un pain de saumon. Luc est un adepte de Voltaire : « Si les imbéciles veulent encore du gland, laisse-les en manger ; mais trouve bon qu'on leur présente du pain. » Le pain de saumon de Luc était délicieux, la mayonnaise itou. Il y avait aussi une salade de blanchettes. Ou si vous préférez de valérianelle, de boursette, de clairette ou  de gallinette. De la mâche quoi. En bon gland, Luc accorde sa préférence à la boursette. Comme le dit un proverbe indien, les glands c’est à leur bourse qu’on les reconnaît. 

Après la mâche, la choucroute. Comme tout un chacun le sait, la choucroute est un met composé de chou coupé finement et soumis à lacto-fermentation dans une saumure. L'origine du mot est à rapporter à Sauerkraut en allemand, littéralement « chou aigre», altéré en « chou » et « croute ». En France, il dérive du dialecte alsacien. La choucroute serait originaire de Chine, où, selon la légende, elle aurait été inventé au troisième siècle avant notre ère par les constructeurs de la Grande Muraille pour résister au froid. Il est probable que ce soit Attila et les Huns qui auraient, après avoir échoué à conquérir la Chine, porté ensuite leurs conquêtes vers l'ouest, passant par la Bavière et l'Autriche avant d'atteindre l'Alsace en 451. C'est la date probable à laquelle cette préparation du chou est apparue dans ces régions.

La  choucroute de Luc avait force jarrets, et autres saucisses. Retour au cochon donc et aux glands. Il y en eut pour tous. Pourtant la chambrée était garnie. Titi avoua avec infiniment de délicatesse que le chou, c’est ce qu’il aime le moins dans la choucroute. La prochaine fois, Luc fera une choucroute sans chou mais avec beaucoup de charcuterie. En hommage à Pioupiou. De la pioupioute en somme. Reste que pour faire de la pioupioute un seul gland suffit.

Alors Jean-Phi joua de la pipette. La pipette est  un instrument constitué d’un petit entonnoir et d’un embout de trompette. Elle n’est jouée que par des pipes (d’où son nom), des pipes qui ont du souffle. Une bonne pipe, c’est toujours à son souffle qu’on la reconnaît. La pipette est à la trompette ce que l’harmonium est à l’orgue :  un marché de dupes, une piperie. « Une amoureuse cède aux plus grossières piperies » écrivait Mauriac. Le trou céda aux piperies de Jean-Phi. What Else surtout. Car What Else était de retour. Et il le fit savoir. « Je suis un membre pensant » nous asséna-t-il, et j’ai beaucoup pensé ces derniers temps. » « Avec ta gueule de roseau, cela ne m’étonne pas » tonna Léo.