11 avril 2014

Le cuistot de la semaine, l'homme qui chuchote à l'oreille des frigos

Par Le Barde


« Ce soir on a comme un air de printemps » écrivait Jean Ristat dans son Ode pour hâter la venue du printemps. Vous me direz qu’il n’est pas difficile d’avoir un air de printemps lorsque l’on est au printemps. Les choses ne sont pas si simples. Parfois, le printemps a des relents d’hiver. Mardi soir, le printemps avait un air de printemps malgré un vent un peu frisquet. Le printemps, pour ceux qui sont à l’automne de leur carrière a beaucoup de charmes. Non, « l’hiver saison de l’art lucide » comme le versifiait Mallarmé n’a pas encore fait sa besogne. Et c’est tant mieux pour les vieux cons dont je suis avec JP, Dudu, Hamilton et Guitou. Les vieux cons ont encore les dents longues même si les cannes sont moins alertes. Un peu de technique, un regard, une sautée, et l’affaire est dans le sac. Les vieux, ils donnent la becquée à leurs petits, becquée sous forme de passes, de transmission en somme. Comme un don avant le retrait. 


La partie fut bougonne, brouillonne, mais bon enfant. La Piballe y fut pour beaucoup. Il est vrai qu’il navigue encore entre deux âges. Pas Jean-Phi. Jean-Phi, il fait sans arrêt des allers et retours. En sorte que l’on ne sait plus trop où il est. A force d’être partout, il est nulle part. Du grand art. Il crée une variété de rugby, le rugby nomade. Alors que Régis, il reste à sa place. Walid, lui, il est éternellement jeune. Il fit un cadrage débordement d’école sur un loupiot. Du très grand art. Quant à Léo, ses passes dans la course sont un modèle du genre. Du très, très grand art. 

Benoît était de bouffe. Pas de chichis. Une salade de pâtes en entrée avec des lamelles de saucisse de Strasbourg ou d’ailleurs d’une extrême finesse, des tomates et bien d’autres choses. Un clin d’œil sicilien bien que très lointain. N’importe. Après, un ton plus exotique avec du porc au curry et son incontournable riz. L’épice était riche. « Putain tu n’y es pas allé avec le dos de la cuillère lui asséna Lolo. » « On a le curry qu’on peut » lui répondit Benoît en bon bénédictin du trou dont tout un chacun sait qu’il s'attache à une famille monastique et s'engage à incarner dans leur vie l'esprit de la Règle. Le bénédictin est un cénobite : il vit en commun. Le trou rassemble des personnes qui partagent le même idéal et les habiletés de chacun y sont mises au service de tous pour construire une communauté. « Que viennent foutre les bénédictins dans ta prose  au curry me rétorquerait certainement Perdigue ». Rien, et d’ailleurs, c’est d’ailleurs à cela qu’on les reconnaît comme le Très Haut reconnaît les brebis égarées qu’il accueille dans son infinie mansuétude. Je suis sûr que notre conseiller municipal d’Apercé partage mon point de vue. 

« Et il y eut des éclairs, des voix et des tonnerres, et il y eut un grand tremblement de terre, tel qu'il n'y en avait jamais eu de pareil depuis que les hommes sont sur la terre; il n'y avait pas eu un pareil tremblement de terre, aussi grand » est-il écrit dans l’Apocalypse. Comment ne pas puiser dans ce texte admirable dont la Jacouille est si familier pour évoquer le lancer d’assiettes. J’aurai pu, il est vrai m’en tenir au déluge. Mais c’est l’Apocalypse qui traduit le mieux ce que nous vécûmes. « Qui est semblable à la bête et qui pourra combattre contre elle? » dit Pépé. « Pas moi lui répondit What Else sous la table. En ajoutant, mon Dieu prenez pitié de moi. » Alors Lolo dit : « Ne soyez pas faible! N'ayez pas peur! Bien que beaucoup d'événements redoutables arrivent, sachez que Dieu a le contrôle et je suis votre Dieu. » « Tu n’exagères pas un peu » lui dit Amélie. 

Le fromage dissipa l’enfer que nous venions de subir. Le Pyrénées était exquis. Et la confiture bienvenue. La paix recouvrait le trou. De tendres tartes à la fraise s’épanouirent sur la nappe. Benoît arborait une mine satisfaite ; ce n’était que justice. What Else, comme d’ordinaire, s’affaira au café. 
Une nuit printanière nous attendait. Me vint alors cette phrase de Flaubert : « La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. » 

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