Par Le Barde
Cette fois-ci, c'est l'hiver. Pas encore le grand froid, mais l'hiver. Quelques foulées et le corps prend la mesure de ces vicissitudes de pacotille. Rien que de très ordinaire pour un joueur de rugby. L'hiver est rugby.
Il y avait beaucoup de jeunes. Ça galopait. Force est de constater que l'effort demandé aux plus que cinquantenaire est terrible. Ils s'en sortent techniquement. Mais la technique ne compense pas toujours le poids des ans. Surtout quand les jeunes sont en majorité dans un camp. Pas de chance, j'étais de l'autre côté et j'en ai chié. Au point de râler plus que de raison. Mea culpa. N'importe, on s'est bien amusé. Et c'est là l'essentiel. Ces petits jeunes, ils sont nickel. Du castor en herbe et du bon. Pas des cadors, des castors.
En cuisine, prenant le contrepied de Gwen, Peyo opta pour le sud. Un Gaspacho en entrée. Une soupe froide en hiver, l'idée n'est pas banale. Pépé était circonspect. Une fois la première cuillère avalée, il ne l'était plus. Son cœur, cependant, sera toujours garbure ou bouillon. Nous étions quelques uns à fermer le ban autour de lui. Cary Grant, le Tcho, JB et moi-même. Jean-phi s'était invité.
Être à côté de Pépé, c'est un privilège. Une invitation au roman. La vie de Pépé est un roman. Le roman de pépé est constitué de plusieurs chapitres où le rugby tient une place considérable. Et la bouffe. « J'ai toujours baisé pour bien bouffer », me dit-il comme notre conversation commençait. Un bel incipit. Chez Pépé, la chaire et la chère ne font qu'un. Peu de rapport avec le gaspacho étique de Peyo. La gaspacho étique de Peyo doit convenir aux mannequins modernes aux chairs rares. Une entrée n’a pas besoin d’être abondante, il est vrai. C’est une promesse, une invitation, un préliminaire.
Pépé évoqua les qualités sportives du Tcho. Il était doué mais cool. Trop cool. Ainsi, s'il perçait sur plusieurs mètres, il s'arrêtait pour quêter un soutien improbable. Tcho, c'est un altruiste. Puis de nous parler de Trompesauce de Langon. De Guitou la godasse qui ne s'échappait jamais. Y compris face aux Biterrois d'alors : Palmier and co. Oui, il s'agit bel et bien du dandy poivre et sel, au charme redoutable, qui nous gratifie de sa présence si souvent ! Ou de Dédé Carrère, l’admirable demi d’ouverture qui fit le bonheur de ce rugby que l’on dit à treize. De Braco, le talonneur qui reçut un coup de godasse destiné à un adversaire lors d'une mêlée destinée à être relevée. Le rugby d'antan en somme. Un rugby de légende, de bouffes, d'escarmouches, de poires, de carambouilles. Qui se terminait en allant voir des spectacles de catch : « Le dimanche, c'était catch ou sexshop. On préférait le catch. » Un roman vous dis-je.
Il nous confia aussi son abonnement aux girondins de Bordeaux de la grande époque. De la manière élégante avec laquelle il bouta hors de sa place l’intrus qui avait osé la lui prendre. Après quelques avertissements, le coupable fut promptement propulsé plus bas. Pépé au pays des pousseurs de citrouilles ! Jamais, je ne l’aurai imaginé.
JeanPhi buvait ses paroles portant à ses lèvres, de temps à autre, un Pic Saint-Loup, un vin du Languedoc. Il est magnanime Jean-Phi. Il n'est pas que de son terroir. Il sait l'universalité du vin. Il fait sienne la phrase célèbre de Miguel Torga : « L'universel, c'est le local moins les murs. »
Après le gaspacho, les fajitas. Les jeunes, ils aiment les ailleurs culinaires. Peyo ne déroge pas à la règle. La tradition, chez eux, ne se limite pas à nos géographies originelles. Donc, nous roulâmes dés de tomates, dés de poulets, poivrons en fines lamelles, le tout recouvert de crème fraîche et de fromage râpé, dans des tortillas de farine de blé que nous pliâmes. Si, d’ordinaire, l’on déguste les fajitas à la main, Pépé, lui, n’opère qu’avec couteau et fourchette. Va pour la cuisine latinos, mais avec la manière. Il y a un côté baron chez Pépé. C’est aussi pour ça qu’on l’aime.
Le lancer d’assiettes de Peyo fut épars et improbable. Le lancer de disque ne devait pas être sa discipline sportive préférée. Ni le freesby son loisir fétiche. L’assiette était loin de partir sous de bons auspices et n’atteignaient que très approximativement sa cible. Bref, il y eut de la casse. Mais la somptueuse tomme de Savoie qui suivit lui valut rédemption. Peyo revenait à des traditions françaises. Si alpines soient-elles pour un basque. Confirmant ainsi sa conception universelle du local. La tomme de Peyo, au lait de vache des races Tarine (Tarentaise) et Abondance, incluait-elle la race Montbéliarde et la race Prim'Holstein ? je l’ignore. Mais comme dirait Arnaud, on s’en branle. L’essentiel, chez la tomme, est de fondre dans la bouche où elle développe un goût de noisette. C’est pour cela que Perdigue il aime la tomme de Savoie.
Tartes au chocolat en dessert. Au lait ou noir. Et Patxaran. Bon basque ne saurait mentir. Nous pouvions aborder la nuit froide, la narguer. Jean-Phi, lui, il s’est glissé dans son lit, a remonté ses couvertures, mis son pouce dans sa bouche et rêvé à Trompesauce, Guitou la godasse et autres légendes de Pépé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire