23 janvier 2016

Le cuistot de Bouffe, un sanglier, une blanquette et une fée…

Par le Barde et Bardibulle
 
 
Il pleuvait par intermittence. Le temps était chafouin, un tantinet frisquet. Nous étions treize pourtant. Le nombre idéal pour se dégourdir les jambes et tenter un hypothétique surnombre si, d'aventure, l'on était dans le bon camp. Même si le pré se moque des mathématiques. Le nombre, parfois, ne fait rien à l'affaire. Quand on est bon, on est bon.

Walid et Croucrou se glissèrent sur leurs ailes. L'aile est le nid de nos deux oiseaux. Pas de pinson en ce mardi d'hiver. Seb se positionna au centre des siens, orphelin de Serge. Toto lui faisait face. Régis ruminait ses feintes de passe. Dudu ne daigna rejoindre les velléitaires qu'après ses sempiternels échauffements. Le toucher fut vif, altruiste. Pour le plus grand bonheur d'Hamilton qui ne cessait de dire au brésilien de la donner. Peine perdue. Stephane, il croit souvent qu'il va se faire la malle et se retrouve gros Jean comme devant, victime d'une main baladeuse. Moi, je n'en pouvais mais et je pestais contre le temps qui passe avec la complicité de Dudu. J'ignore s'il y eut un vainqueur. Et à vrai dire, je m'en tape le coquillard, je m'en vaseline le coccyx. Ou si vous préférez, je m'en branle.

Au trou, la Fée nous attendait. Sagement.
La mine satisfaite même s'il eût désiré une tablée plus fournie. La faute à l'hiver, au match de vendredi contre les ruines. Sur la table, sis dans leurs pots de verre, un pâté de sanglier fait maison attendait que nous nous mettions à table.

Pas de pot pour les absents. Mais quelle chance pour les castors présents. Dudu dans ces moments de ripailles tue l’omnivore qui est en lui pour satisfaire le carnassier en sommeil. La fée n’est pas ailier et confirme en cuisine un début d’année réservé aux gros. Chez nous, « le gros » est un joueur compris entre 1 et 8… Rien à voir avec le physique. Ce n’est pas de notre faute si nous sommes tombés dedans quand nous étions petits… Pour épater ses potes, le cuistot sort ses pots et son sanglier en pâté. Crou Crou est un gros aussi, il joue en ces heures à l’aile. Pourtant son fardeau n’a jamais dépassé le 8. Il taquine aux trois quarts le plaisir de voler dans les plumes des gazelles d’en face. A table, Il reste songeur. Piou Piou le soutient dans le labeur de la cène. Le temps n’a pas de frontières. Les rides se rapprochent des rites. Un « t » de plus pour certain, un tour de « d » pour les autres. Ainsi va le temps… Ce soir, un « t » ou pâté se répétait pour l’homme. Il est solide. Il s’imagine en pachyderme pour compenser. Le lien s’érige dans la mémoire. Ils sont plusieurs à se retrouver dans l’animal de taille. Point de poule sur le pré ! Les cornacs sont au rugby ce que les demi de mêlée sont aux éléphants et inversement. Le sanglier fait partie intégrante de ce qu’un cornac pourrait apprivoiser. Le groin dans le tas, la trompe dans le trou, sans chef d’orchestre aux commandes, ce serait pour tout dire comme donner de la confiture aux cochons. Nous pensâmes donc confiture en tous ces neufs qui le sont moins et pourtant le seront toujours. Il en faut pour que la masse fasse bon ménage. Nous commençâmes par JB en parfait cornac himalayen. La scène est sublime des sangliers en première ligne, des girafes en secondes, des éléphants en troisième et le mozart-cornac aux commandes guidant, domptant, la horde. Nous parlâmes de notre Grognard ou kiki pour les intimes, du bon Guillaume, du doigt qui pour un coup de pouce abandonna l’éléphant qui est en lui. Bien d’autres ont été et seront à cette manœuvre. Maintenant dans le trou nous distinguerons les carnassiers et les cornaciens. Crou Crou devient Barde et joue des mots. Son regard se tourne à le croire vers de nouveaux horizons moins domptés, le cul restant au sec, il imagine, se souvient et jubile. Le pâté de sanglier le ramène à la fameuse cuisse de jubilé. Dudu la jubile il la laisse aux jeunes. Pour l’instant, le sacrifice des sangliers se respecte. L’amateur savoure et jubile pour sa part dans ses tartines.



La fée a sa place du soir entre les anciens. Les vieux sortent même quand il pleut. A croire que le temps n’a pas d’effets sur eux. La rigueur est dans la constance. Piou Piou avec un genou en moins vient au trou dépassant tout chagrin. Ce n’est pas pour rien qu’il est pilier. C’était toujours mieux avant diraient certains ou pour les avants soupiraient d’autres… A en croire l’expression, même si je n’imagine pas Pépé jouer à l’aile. Le cuistot tient aussi la mêlée. Il talonne la balle comme il envoie les plats. Le gourmand ne joue pas avec les mains sur le terrain. Un jeu d’avant par excellence. La fée préserve ses tours de passe dans la cuisine. Une blanquette d’exception sera de sortie. Il ne fait pas beau d’être veau dans le trou tandis que le riz fera bonne compagnie. La fée a le coup de main, la blanquette est faite pour ceux qui ne font pas banquette. La louche est remplie et certains se risquerons à un coup double. Le reviens-y est de sortie.

Walid joue dans la conserve. Dans cette période d’hiver il stocke. Il la joue fourmi tandis que Dudu se la fait Cigale. Planquer vos stocks, l’hiver sera rude. La blanquette est excellente. Les amateurs ne pensent plus aux absents. L’hédonisme est dans le trou. Vice versa me susurre l’autre. La fée mérite sa chanson. La fée l’a fait et il le veau bien ! Le magicien avait confié son cor aux troupes absentes. La maxime se confirme, les absents ont toujours cor… Il faut bien que chacun trouve bonne compagnie.

Pour la soirée, l’attablée fut concentrée et les plaisirs dans l’intime sublimés. Toute bonne chose se profite et se jubile.

C'est peu dire que le lancer d'assiettes fut parfait. Notre plâtrier a la main sûre et précise. Son geste est relâché. Un camembert coulant à souhait se proposait à nos envies. Pépé était aux anges. Pioupiou, qui fut enfant de cœur blasphémait sous l'œil sévère de la Jacouille. Dimanche, il se repentira.

Alors la Fée me parla de Proust dont il avait lu quelques lignes. La description du paysage par-delà la fenêtre de la chambre de Combray l'avait profondément touchée. Il entendait poursuivre cette découverte. "J'ai perdu la foi, mais j'ai trouvé Marcel" me dit-il. Tcho le regardait ébahi. "Marcel a raison lorsqu'il dit qu'il y a quelque chose d'individuel dans les lieux" poursuivit-il. Pépé manqua de s'étouffer et la Jacouille fut un signe de croix. La Fée s'en moquait. Nous partagions Marcel.

Vint le temps de la galette. Une galette briochée. Point de Madeleine. Ce sera pour la prochaine bouffe de la Fée. Et pis, c'était comme un clin d'œil à Michel Tournier.

Une belote de comptoir se dressa. Walid l'emporta haut la main. Julien s'escrimait en vain et ne tenait pas ses annonces. Le jet adoucissait nos palais. Le trou de vida peu à peu. La pluie avait cessé. Il faisait froid. Pas d'étoiles. Fourbus mais heureux, nous arpentions le trottoir des Capus. La semaine prochaine, c'est Don qui s'y colle. Avis à Julien.

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