30 mars 2014

Le cuistot de la semaine, roi de la saucisse

Par Le Blogueur


Dans Le rugby pour les nuls, que beaucoup d'entre nous ont eu l'occasion de feuilleter sinon il n'est jamais trop tard, le jeu sans ballon a son paragraphe :
Un vieil éducateur de rugby tenait toujours le même discours. Sa phrase favorite ? « Tu joues quand tu n'as pas le ballon, et tu fais jouer quand tu as le ballon »… Petit, ce n'est sans doute pas facile à assimiler. Pourtant, le sage a raison. En rugby, le jeu sans ballon est aussi important qu'avec. Et aussi spectaculaire. Le plaquage et les phases de nettoyage appartiennent à cette catégorie. 
« Petit, ce n'est sans doute pas facile à assimiler » qu'il dit ! Eh bé grand non plus. On était une dizaine à errer sur la pelouse de Victor-Louis sans ballon et sans rien faire de spectaculaire. Après un premier tour de terrain et un second tour avec une participation record, 100% selon les chiffres officiels, les vieux de la vieille attendaient que leur candidat favori jaillisse d'un sac format XXL ou encore d'un coffre de break ou d'un 4x4.

« C'est vrai ! me dit Rozario, tu peux m'expliquer pourquoi ils se traînent tous avec des grosses bagnoles s'ils sont pas foutus d'y mettre un ballon de rugby avec toute la place qu'ils ont !? »

Qu'est ce que tu veux répondre à ça ? Il faut admettre que les gosses ont souvent des questions justes et bien senties auxquelles, tu as beau avoir de la bouteille, tu ne peux rien répondre. Surtout quand Rozario te demande aussi : « Mais qu'est ce qu'ils foutent dans de si grands sacs ? Y a même pas un ballon ? » La vérité, rien que la vérité.

C'est chez l'intendant de Victor-Louis qu'on trouve la solution. Le ballon arrive enfin et le jeu peut commencer sous la baguette de Guitou. « A 3/0 je sors ». Même à 3/0, il est resté tellement les 3 essais ont filaient vite. On aurait cru un arrangement pour voir Guitou quitter la pelouse le plus tôt possible.

Bilan, pas mal de courses, pas mal d'essais et pas d'engueulades.

Au trou, le Zizou des troisièmes lignes était aux fourneaux. Les vieux étaient encore de bonne humeur car le repas s'annonçait pour 10 h pétantes. Un pâté faisait le tour des tartines de pain pour faire patienter avec une bière sans avoir la pression. Il est malin le Zeille, il a tout prévu.

Une salade d'une délicatesse qui fait la marque de fabrique de notre Croucrou préféré a fait son entrée. Quelques feuilles de salade verte, des tomates, du maïs et des petites asperges blanches luisent sous la fine couche de vinaigrette. A côté de moi, Le Tarbais était à l'eau. Ça sentait le régime à plein nez. « Non con, je me fais opérer demain », qu'il me répond. Rien de grave, titulaire à l'aile, il s'est pris un genou dans le pif. Sa gueule d'ange en a pris un coup. Lui qui a d'habitude le nez creux, il est allé jouer ailleurs. Ça lui apprendra.

Ensuite la suite. De magnifiques saucisses accompagnées de haricots blancs. Le Zeille a fait une petite séance barbecue avant de porter ses saucisses au trou. Quelle bonne idée ! Elles avaient un petit goût fumé délicieux. Et une, et deux, et trois saucisses... et le tour est joué. Les haricots blancs ont eu leur petit succès aussi, leur cousin Le Tarbais regrettait qu'ils ne soient pas plus salés. « C'est l'eau, je lui dis. C'est l'eau qui te change le goût de la bouffe. Prends toi un petit coup de pif… »

Le fromage enrobé d'une chapelure mystérieuse a merveilleusement clos les festivités salées avant que le sucré soit lancé avec une tourte au chocolat de derrière les fagots. La Piballe ne cache pas sa surprise de découvrir le chocolat dans ce dessert traditionnel du pays landais. Hamilton le rassure sur cette variante des temps modernes : « C'est plus ce que c'était mon bon monsieur... »

Au bar, le duo belote / Get27 a pris le relais. Bernachatte s'essayait encore au lancer de cacahuètes et Le  Pulpo à les gober la bouche ouverte sans bouger. On n'ose pas imaginer comment leur numéro s'est terminé. Cela ne nous regarde pas.

20 mars 2014

Le cusitot de la semaine, la dame de Shangaï

Par Le Barde


Une kyrielle de bambins parsemait le pré. Les pauvres vieux étaient au supplice et tiraient à hue et à dia leurs corps récalcitrants. Seul Guitou dominait ses artères et s'épargnait la course de trop qui aurait accusé le poids des ans.

Non, il n'y avait pas que Guitou. Je suis injuste. Titi aussi tirait son épingle du jeu. Il y a de l'aigle dans notre pinson. Lorsqu'il intercepte la gonfle, on dirait un aigle de Bonelli.  La partie fut équilibrée. Les bambins étaient également répartis. Des bambins dans l'esprit, sans un mot de trop. Dans le tempo en somme. Ce bain de jouvence est un signe des dieux.

Corsenac était en cuisine. Exit le pré pour ce troisième ligne de haut vol, faute de  cartilage. Toutes choses qui ne le dispensent pas de commettre ses devoirs. Et il les commet bien. Fidèle à ses us et coutumes, il fit dans l'asiatique. Exit fourchettes et couteaux, et vive la baguette.

En entrée, des nems. Et Titi d'entamer un Que je nem Que je nem de circonstance. Des nems, il y en avait à profusion. D'autant que la chambrée était modeste. Pour le plus grand bonheur des jouvençaux qui ont bel appétit. Les nems n'exigent pas de baguettes. En sorte que tout un chacun était à son aise. Sauf Alain-Charles qui ne peut s'empêcher de jouer de la baguette, même lorsqu'elle n'est pas de rigueur. La rigueur, Alain-Charles, il s'en branle. Alain-Charles dont le père créa un bureau d'assurances à Saïgon à l'enseigne de la Préservatrice. La fin des colonies le dispensa de naître au pays d'Ho Chi Minh. Quant à la Préservatrice, c'est une autre histoire. Nul doute qu'Alain-Charles sut en tirer les leçons !

Le riz, nature ou cantonais est affaire de tradition. Jean-Louis n'y dérogea pas. Mais le riz ne vaut (non, mon Perdigue, je ne pousserai pas le mot jusqu'au riz de veau) que s'il est accompagné. Et de l'accompagnement nous en eûmes. Du doux avec le porc au caramel. Du relevé avec du boeuf aux épices. Et là, les baguettes s'activèrent. A ce jeu, la prime de la délicatesse revient à Guitou. Quelle élégance ! Il est capable de saisir un seul grain de riz entre les deux petits bouts de bois méticuleusement taillés. Du grand art. Jacouille, lui, bataillait avec l'instrument sous le regard accablé de Pépé et du Général.

Le lancer d'assiettes fut corsenaquien. Rude, tendu, sans esbrouffe. Le résultat fut couçi-couça. Guitou eut droit à un petit éclat sur sa gorge glabre. L'inquiétude était à son comble. Le Général y mit un terme. Point d'intervention. Alain-Charles, goguenard s'en prit aux fragilités de Guitou. Alors celui-ci étala son pedigree rugbystique. Et Alain-Charles le sien. Un matcH dans le match. Le BEC contre le stade Bordelais. Qui pour distinguer le vrai du faux ? N'importe, deux légendes s'affrontaient devant une assemblée conquise.

Il y eut du fromage. Une entorse à l'Asie et une reconnaissance de l'identité française. D'autant que le brie était coulant à souhait. Je me garderai d'omettre la tendresse du Comté. Enfin vinrent les douceurs du nougat et d'une salade de fruits aux lychees abondants. Un petit saté bienvenu mit de l'ordre dans nos ventres repus.

Nous n'avions plus qu'à regagner nos demeures. Le cœur léger. Le ciel se dégrisait. Quelques rôts célestes s'élevèrent vers qui de droit. Je doute que Saturne soit resté taciturne.

15 mars 2014

Le cuistot de la semaine farcit le poivron

Par Le Barde


Oh ! Les beaux jours !  Et les nuits douces, si douces. Jusque sur le pré. Il y avait comme un parfum de printemps sur Victor Louis. Qui dit printemps dit bourgeons. Le bourgeon n'est que la promesse de la fleur. Le pré bourgeonnait. Il y avait, en effet, force  gazelles sur le tapis vert.


Force est de reconnaître que l'éclosion n'est pas encore de mise. Ce sont les lois de la nature. Nul ne peut s'y soustraire. Nos pousses en herbe ont encore du pain sur la planche. Les jambes seules ne  suffisent pas à l'expression de la maturité. Le rugby est, d'abord un sport de mains, de passes. Passer, c'est  s'effacer au profit d'autrui, c'est l'oubli de soi.

Un art en somme, une manière d'être. Le temps apportera à ces jouvenceaux cette philosophie de la vie. Je passe donc je suis. Une éthique de l'effacement, du don. Cela viendra, comme vient le temps des cerises.

Seb et Jacouille, c'est tout un. Je sais, cela ne saute pas aux yeux. Et pourtant, sans Jacouille, Seb n'est rien. L'inverse, allant de soi. Si vous préférez, Seb est le verso de Jacouille. Et Jacouille le recto de Seb. Une affaire de pile ou face.

Dans le petit antre de la cuisine, Seb et Jacouille s'affairaient comme s'affairent les ambulants aux étals du marché. Les fidèles étaient nombreux. Il y avait même Yannick. Et surtout Gérard. La tempe est grisonnante mais le regard est toujours aussi vert.

En entrée, des tortillas, et des tapas. Rien que de très simple et de très ordinaire. Cette petite touche espagnole devait sans doute au périple ibérique du week-end. Seb était inquiet. Il avait prévu menu et la tablée était fournie. Jacouille, lui, demeurait impassible et sûr de ses doses. Il avait raison. Sans que Seb ne soit rassuré pour autant. Une sourde anxiété le gagnait. Ce qui l'inquiétait, c'était la suite : les poivrons farcis. Surtout, coupez les en deux, il n'y en aura pas pour tout le monde disait-il d'une voix coupable. Mais Seb se trompait ; il y en eut pour tout le monde. Ce fut juste, mais ce fut assez. Itou pour le riz et la sauce tomate. La farce était de Pioupiou, les poivrons de je ne sais où. De tendres poivrons, comme on les aime. Le poivron, c'est tout un art roucoulait la Jacouille.

Le lancer d'assiettes fut propre. Seb est un être précis, vif. Comme d'ordinaire, certaines mains furent à la peine. Seb n'y était pour rien. Le fromage : camembert et saint-nectaire. Les puristes y allèrent de leur saint-nectaire.

En dessert, une tropézienne. En hommage à BB. Seb, il ne s'est jamais remis de la vision de BB, ceinte d'un peignoir jaune, sur la terrasse de Malaparte, dans Le Mépris de Godard. Et je le comprends. Titi, en jeune motard, y alla de son Harley Davidson et Léo de sa plage abandonnée. Jacouille entonna je t'aime moi non plus. Jean-Phi, la bouche pleine, se dressa face à Seb et lui dit : « Ça, c'est vraiment toi. » Au trou, on connaît la chanson.

Las de cette touche méditerranéenne, Gérard nous proposa un bon vieux Calva de derrière les fagots. Du Mépris, on passa aux Tontons flingueurs. Il y eut un long silence ponctué de quelques râclements de gorge. « Ça c'est de la pomme, s'étouffait Lolo, ton calva, c'est tout toi tu sais mon Gérard. »

Une nuit étoilée accueillit les castors au sortir du trou. Sur son scooter, Walid se prenait pour Marlon, il se dirigea vers les quais en pestant contre les trépidations souffreteuses de sa machine.

06 mars 2014

Le cuistot de la semaine, La blanquette aux trousses avec Gary Grant


Par Le Barde


Il pleut. C’est banal, mais il pleut. Sur Victor-Louis comme ailleurs. Mais peu importe. Enfin pas tout à fait. Lorsque Don pénétra sur le pré, il murmura une romance sans paroles de Verlaine : 

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits ! 
Pour un cœur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !

Perdigue n’était pas là pour réchauffer Don. Et Guitou se sentait impuissant face à tant de souffrance. Il ne restait plus à Don que de trotter, courir, pour chasser le mal qui l’étreignait, cette mélancolie sourde née de quelques gouttes de pluie. Sauf que Don ne parvenait pas à se défaire de son cœur en peine. Alors, Toto intervint et cita Quignard : « C’est de l’intérieur de soi que vient la défaite. Dans le monde extérieur il n’y a pas de défaite. La nature, le ciel, la nuit, l’au-delà du noir de la nuit, la pluie, la forêt tropicale, le désert, le volcan, les vents ne sont qu’un long triomphe aveugle. » « Profite du triomphe aveugle » poursuivit-il. Et le douanier d’ajouter, Paul Valéry à l’appui : « Pour un poète il ne s'agit jamais de dire qu'il pleut. Il s'agit de créer la pluie. » Toutes choses qui eurent le don d’apaiser Don qui s’exclama : « Que la pluie soit et merde au Pentateuque ! » Et Don trotta, trotta comme jamais.

Reste que sur le terrain de Victor-Louis, le toucher ne fut pas à la fête et la parole de mise. Un véritable comité de salut public s’était improvisé pour juger des fautes. Sauf que le salut ne venait que d’un seul camp. Ce qui confirmait son air de Salut Public. Bref, c’était assez gonflant. En prime, les ballons n’en finissaient pas de tomber. En résumé : un peu moins de gueule et davantage de rugby. Victor-Louis morne plaine. Amen.

Heureusement, il y avait JP en cuisine. JP, il avait annoncé la couleur : il y en aura pour tout le monde. Et il y avait beaucoup de monde. JP, ceint d’un tablier blanc très classe, tint parole et sans romances. Il était aux anges JP. Il débuta par un pain de poisson et sa salade de roquette.  La simplicité est la marque de l’élégance. Sans tambour ni trompette, JP taquine l’essentiel. Seules les mauvaises langues attendaient avec circonspection la suite. Les mauvaises langues ne devraient jamais tremper leur langue dans les choses simples. La suite, ce fut une blanquette de veau avec ses carottes coupées en rondelles, ses pommes de terre entières et sa sauce parfaite. 

Comme vous le savez, le terme « blanquette » vient de la sauce blanche qui nappe le ragoût. Comme vous le savez aussi, bande de saucisses sans soucis, la pièce de veau choisie pour la blanquette est généralement de la poitrine, du tendron ou de l'épaule désossée. Enfin, la viande découpée en morceaux est cuite à l'eau avec les carottes, des oignons pour former un bouillon. Sauf que JP il préfère le champignon à l’oignon. Et JP il a raison.

Pour ceux qui veulent approfondir leur science de la blanquette, je recommande le livre incontournable de Jean-Louis Flandrin, La blanquette de veau. Histoire d’un plat bourgeois, préface et annotations de Patrick Rambourg, Paris, Jean-Paul Rocher Éditeur, 2002, 78 pages. La littérature et la blanquette font d’ailleurs bon ménage. Le commissaire Maigret est, en effet, connu pour être un grand amateur de blanquette, que lui prépare son épouse. Idem pour le commissaire San-Antonio mais c’est sa mère qui lui  prépare.

Pépé se régalait. Pépé qui s'est converti au rap. Il arborait une casquette de djeune bien évidemment sise à l’envers. Ca lui va bien à Pépé ce petit côté rappeur. Reste qu’il ne faut pas pousser trop loin sa conversion. A défaut de rap, il entonna l'hymne de l'aviron. What Else, lui, chanta une vague histoire de communiante dressé sur un tabouret. Cela fit un flop. Mais jacky, il était content. Et la Jacouille aussi. Reste que JP, il était toujours aux anges. Et le trou itou. Jusqu’à Claude Sabouraud qui nous faisait l’honneur d’un retour bien agréable. 

Le lancer d’assiettes fut couci-couça (en anglais couci-couca). Ce n’était pas la faute à JP mais à quelques maladroits récipiendaires. Lolo n’était pas en veine. Mais Lolo, il est fidèle à la tradition de la main unique. Le brie était coulant à souhait. Et en bouquet final : un riz au lait de premier ordre avec sa sauce au caramel. « C'est un tableau qu'il m'a fait dans l'assiette. Il manie le caramel comme Michel-Ange maniait le pinceau. Il y avait de la Sixtine dans ce riz au lait. Et au caramel », me susurra Larroum qui était parmi nous, avec sa cheville récalcitrante. C’est vrai que l’on fait de vilains vieux !

La nuit nous attendait. JP redevenu Gary Grant (dont le vrai prénom était Archibald !) regagna ses pénates où Véro l’attendait en chantant Moon river