Par Le Barde
Il pleut. C’est banal, mais il pleut. Sur Victor-Louis comme ailleurs. Mais peu importe. Enfin pas tout à fait. Lorsque Don pénétra sur le pré, il murmura une romance sans paroles de Verlaine :
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !
Perdigue n’était pas là pour réchauffer Don. Et Guitou se sentait impuissant face à tant de souffrance. Il ne restait plus à Don que de trotter, courir, pour chasser le mal qui l’étreignait, cette mélancolie sourde née de quelques gouttes de pluie. Sauf que Don ne parvenait pas à se défaire de son cœur en peine. Alors, Toto intervint et cita Quignard : « C’est de l’intérieur de soi que vient la défaite. Dans le monde extérieur il n’y a pas de défaite. La nature, le ciel, la nuit, l’au-delà du noir de la nuit, la pluie, la forêt tropicale, le désert, le volcan, les vents ne sont qu’un long triomphe aveugle. » « Profite du triomphe aveugle » poursuivit-il. Et le douanier d’ajouter, Paul Valéry à l’appui : « Pour un poète il ne s'agit jamais de dire qu'il pleut. Il s'agit de créer la pluie. » Toutes choses qui eurent le don d’apaiser Don qui s’exclama : « Que la pluie soit et merde au Pentateuque ! » Et Don trotta, trotta comme jamais.
Reste que sur le terrain de Victor-Louis, le toucher ne fut pas à la fête et la parole de mise. Un véritable comité de salut public s’était improvisé pour juger des fautes. Sauf que le salut ne venait que d’un seul camp. Ce qui confirmait son air de Salut Public. Bref, c’était assez gonflant. En prime, les ballons n’en finissaient pas de tomber. En résumé : un peu moins de gueule et davantage de rugby. Victor-Louis morne plaine. Amen.
Heureusement, il y avait JP en cuisine. JP, il avait annoncé la couleur : il y en aura pour tout le monde. Et il y avait beaucoup de monde. JP, ceint d’un tablier blanc très classe, tint parole et sans romances. Il était aux anges JP. Il débuta par un pain de poisson et sa salade de roquette. La simplicité est la marque de l’élégance. Sans tambour ni trompette, JP taquine l’essentiel. Seules les mauvaises langues attendaient avec circonspection la suite. Les mauvaises langues ne devraient jamais tremper leur langue dans les choses simples. La suite, ce fut une blanquette de veau avec ses carottes coupées en rondelles, ses pommes de terre entières et sa sauce parfaite.
Comme vous le savez, le terme « blanquette » vient de la sauce blanche qui nappe le ragoût. Comme vous le savez aussi, bande de saucisses sans soucis, la pièce de veau choisie pour la blanquette est généralement de la poitrine, du tendron ou de l'épaule désossée. Enfin, la viande découpée en morceaux est cuite à l'eau avec les carottes, des oignons pour former un bouillon. Sauf que JP il préfère le champignon à l’oignon. Et JP il a raison.
Pour ceux qui veulent approfondir leur science de la blanquette, je recommande le livre incontournable de Jean-Louis Flandrin, La blanquette de veau. Histoire d’un plat bourgeois, préface et annotations de Patrick Rambourg, Paris, Jean-Paul Rocher Éditeur, 2002, 78 pages. La littérature et la blanquette font d’ailleurs bon ménage. Le commissaire Maigret est, en effet, connu pour être un grand amateur de blanquette, que lui prépare son épouse. Idem pour le commissaire San-Antonio mais c’est sa mère qui lui prépare.
Pépé se régalait. Pépé qui s'est converti au rap. Il arborait une casquette de djeune bien évidemment sise à l’envers. Ca lui va bien à Pépé ce petit côté rappeur. Reste qu’il ne faut pas pousser trop loin sa conversion. A défaut de rap, il entonna l'hymne de l'aviron. What Else, lui, chanta une vague histoire de communiante dressé sur un tabouret. Cela fit un flop. Mais jacky, il était content. Et la Jacouille aussi. Reste que JP, il était toujours aux anges. Et le trou itou. Jusqu’à Claude Sabouraud qui nous faisait l’honneur d’un retour bien agréable.
Le lancer d’assiettes fut couci-couça (en anglais couci-couca). Ce n’était pas la faute à JP mais à quelques maladroits récipiendaires. Lolo n’était pas en veine. Mais Lolo, il est fidèle à la tradition de la main unique. Le brie était coulant à souhait. Et en bouquet final : un riz au lait de premier ordre avec sa sauce au caramel. « C'est un tableau qu'il m'a fait dans l'assiette. Il manie le caramel comme Michel-Ange maniait le pinceau. Il y avait de la Sixtine dans ce riz au lait. Et au caramel », me susurra Larroum qui était parmi nous, avec sa cheville récalcitrante. C’est vrai que l’on fait de vilains vieux !
La nuit nous attendait. JP redevenu Gary Grant (dont le vrai prénom était Archibald !) regagna ses pénates où Véro l’attendait en chantant Moon river.
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