15 mars 2014

Le cuistot de la semaine farcit le poivron

Par Le Barde


Oh ! Les beaux jours !  Et les nuits douces, si douces. Jusque sur le pré. Il y avait comme un parfum de printemps sur Victor Louis. Qui dit printemps dit bourgeons. Le bourgeon n'est que la promesse de la fleur. Le pré bourgeonnait. Il y avait, en effet, force  gazelles sur le tapis vert.


Force est de reconnaître que l'éclosion n'est pas encore de mise. Ce sont les lois de la nature. Nul ne peut s'y soustraire. Nos pousses en herbe ont encore du pain sur la planche. Les jambes seules ne  suffisent pas à l'expression de la maturité. Le rugby est, d'abord un sport de mains, de passes. Passer, c'est  s'effacer au profit d'autrui, c'est l'oubli de soi.

Un art en somme, une manière d'être. Le temps apportera à ces jouvenceaux cette philosophie de la vie. Je passe donc je suis. Une éthique de l'effacement, du don. Cela viendra, comme vient le temps des cerises.

Seb et Jacouille, c'est tout un. Je sais, cela ne saute pas aux yeux. Et pourtant, sans Jacouille, Seb n'est rien. L'inverse, allant de soi. Si vous préférez, Seb est le verso de Jacouille. Et Jacouille le recto de Seb. Une affaire de pile ou face.

Dans le petit antre de la cuisine, Seb et Jacouille s'affairaient comme s'affairent les ambulants aux étals du marché. Les fidèles étaient nombreux. Il y avait même Yannick. Et surtout Gérard. La tempe est grisonnante mais le regard est toujours aussi vert.

En entrée, des tortillas, et des tapas. Rien que de très simple et de très ordinaire. Cette petite touche espagnole devait sans doute au périple ibérique du week-end. Seb était inquiet. Il avait prévu menu et la tablée était fournie. Jacouille, lui, demeurait impassible et sûr de ses doses. Il avait raison. Sans que Seb ne soit rassuré pour autant. Une sourde anxiété le gagnait. Ce qui l'inquiétait, c'était la suite : les poivrons farcis. Surtout, coupez les en deux, il n'y en aura pas pour tout le monde disait-il d'une voix coupable. Mais Seb se trompait ; il y en eut pour tout le monde. Ce fut juste, mais ce fut assez. Itou pour le riz et la sauce tomate. La farce était de Pioupiou, les poivrons de je ne sais où. De tendres poivrons, comme on les aime. Le poivron, c'est tout un art roucoulait la Jacouille.

Le lancer d'assiettes fut propre. Seb est un être précis, vif. Comme d'ordinaire, certaines mains furent à la peine. Seb n'y était pour rien. Le fromage : camembert et saint-nectaire. Les puristes y allèrent de leur saint-nectaire.

En dessert, une tropézienne. En hommage à BB. Seb, il ne s'est jamais remis de la vision de BB, ceinte d'un peignoir jaune, sur la terrasse de Malaparte, dans Le Mépris de Godard. Et je le comprends. Titi, en jeune motard, y alla de son Harley Davidson et Léo de sa plage abandonnée. Jacouille entonna je t'aime moi non plus. Jean-Phi, la bouche pleine, se dressa face à Seb et lui dit : « Ça, c'est vraiment toi. » Au trou, on connaît la chanson.

Las de cette touche méditerranéenne, Gérard nous proposa un bon vieux Calva de derrière les fagots. Du Mépris, on passa aux Tontons flingueurs. Il y eut un long silence ponctué de quelques râclements de gorge. « Ça c'est de la pomme, s'étouffait Lolo, ton calva, c'est tout toi tu sais mon Gérard. »

Une nuit étoilée accueillit les castors au sortir du trou. Sur son scooter, Walid se prenait pour Marlon, il se dirigea vers les quais en pestant contre les trépidations souffreteuses de sa machine.

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