Par Le Barde, Bardibule et Bardatruc
La neige jouait au chat et à la souris. Mais de neige il n'y eut point. Est-ce la température frisquette qui retint tant des nôtres ? Sans doute. Nous n'étions qu'une toute petite douzaine. On fit un peu n'importe quoi ; on se prenait pour des gosses. Surtout Perdigue. Il a un petit air de Chavancy Perdigue. Le Bardibule était plein de grâce ; l'ivresse a ses superbes. Surtout en bonnet orange.
Pas un mot de trop. Le pinson était à son aise. D'autres un peu moins. C'est la vie comme le dit cette expression un peu idiote. Le Bardatruc filait le pré comme un martin-pêcheur. Ses crampons roses paraphaient superbement l'herbe en trompe-l'œil. Le barde, lui, était un peu à la ramasse. D'un ton shakespearien, il clamait les beautés d'une geste hivernale. On se rattrape comme l'on peut.
Joss-Paul Belomondo y alla de sa roulade croquignolesque pour déstabiliser la défense. Le Poulpe fut incontestablement le meilleur joueur de la soirée : toujours le bon choix, venant attaquer la ligne sans aller trop loin, donnant dans le bon tempo. C’est bien simple, on aurait dit le Barde.
Un petit moment de panique nous étreignit lorsque sortit du chapeau le nom de l'officiant du trou : Miguel. Une vieille affaire d'omelette.
Le cuistot en a gros sur la patate. La table est divine et se limite aux disciples. Tiens si Poussou se laissait pousser la barbe avant de se mettre en croix pour le salut de ses copains. Co-pains qui partagent le pain, rien à voir avec copine… Le castor de bouffe est au centre 6 à sa gauche et 6 à sa droite. Pépé est là. Son pain est une manne. La cène est belle mais nous ne sommes pas assez pour remplir la table. Le cuistot dans sa bouffe pourtant annonce le miracle. Il est le seul à cueillir les cerises avec la queue. L’homme est souple et sa couverture d’esprit majestueuse. Bref la bouffe promet du miracle. Heureux les présents avertis et divertis pour l’occase. L’ordre est ainsi. Il y a du saint graal dans le castor au tablier. Son omelette il la promet sans casser Iseult. Tristan reste minot de son sublime. La quête se bégaie pour assouvir la pointe en son sein. L’amour a ses secrets, l’omelette aussi. Tout ça c’était après. Notre hôte est un messie loin d’une transformation banale de l’eau en vin mais si proche d’un essai sur la transformation de la salade en jambon. Une feuille de jambon qui l’eût cru. Le miracle fait croyance et mérite prière. Le masculin sacré pour Freud. Le vin, il le transforme en Sabite. Un ange passe. Le silence se fait. Le piment agit. Surtout sur la deuxième lancée. Tiens la salade n’est jamais pareil. Les apôtres discutent sur le changement. A chaque apparition Poussou mérite un sacre. Il est le seul à se donner corps et âmes. Si sa magie pouvait multiplier les castors. Saint Coco priez pour nous !
Après la salade, la conversation roula des pensées étranges.
Le bon côté des tables clairsemées, c'est le calme, la sérénité dans le dialogue et surtout un rayon d'audition largement plus grand sauf à se trouver à côté d'Alain Charles ou Pioupiou bien sûr ! On prend alors conscience de la densité de bons mots diffusés au trou tous les mardis. Quelle rigolade ! A l'heure de la transaction financière à la nanoseconde, uchronique et donc inutile socialement, le Castor préfère les mots d'esprits à une fréquence aléatoire certes mais qui soudent l'amitié et le bon vivre. La perle revient incontestablement au Prof qui parlant d'un sujet quelconque, l'équipe de France de rugby peut-être, eut cette saillie : "cela ne peut pas être de la faute du responsable !". Évidemment, dans son esprit cartésien, il ne pouvait y avoir confusion. Mais pour l'auditoire plus littéraire, la tirade fût savoureuse.
Nous eûmes également droit à un échange entre le Bardatruc et le prof. Une histoire de bio et de circuit court. Mais à rebrousse-poil. Ainsi le Bardatruc avançait que 160 kiwis néo-zélandais vendus à Bordeaux étaient davantage respectueux des codes écologiques que 160 kiwis bio en provenance du Béarn. Le Prof lui répondit par une démonstration mathématique que ses dires étaient fallacieux. Il mit en exergue un coefficient 10. La tablée resta de marbre. Surtout Pépé qui, de toute manière, n'aime pas les kiwis. Il leur préfère l'omelette, l'omelette de Miguel. Il faut admettre que l'omelette de Miguel a du charme, qu'elle se branle des circuits courts et des kiwis. Elle est onctueuse, pimentée, délicate, savoureuse. Pépé se régalait avec, de surcroît, un Rozier 2014 gouleyant.
Du coup nous eûmes l’omelette. Le contenu secret et apparemment vegan. Une alternance de végétale et d’animal sans devenir. Pépé réclama le silence ! L’homme sait parler aux plantes ou les plantes savent l’écouter… Pour lui l’esprit vegan est un esprit frappeur limite une légende urbaine. Les histoires de pépé sont universelles et s’ancrent dans notre mémoire collective. Le trou a aussi son origine. L’œuf n’est ni poule ni coq. Il est œuf. L’œuf est un éloge à la vie. Une enveloppe solide qui protège le dedans du dehors. Tiens un moi-peau qui fait mal Anzieu. Freud croustille sur le sujet mais le débat sur le trou est tout autre. « Le kiwi est un œuf qui ne s’est pas rasé. » clôture Pintxecouille. Le kiwi est un légume qui n’a pas évolué. La preuve il ne se rase pas. Gloire aux barbes ! Le vivant est ce que l’homme met dedans et garde en soi. Le dehors reste toujours étranger. Tout le monde ne le sait que trop. Le trou est pareil. Et l’esprit à la mode de se penser sans sacrifice animal quel désespoir. L’amiral vénère la bête et se plait à chanter la vache au taureau et non la mâche au roseau. Le Barde prie l’éloge. Il aime l’œuf et la bonne bouffe. Le végétal est un animal comme les autres s’exclame le béotien qui sommeille en lui. Preuve dans ses canines. La taille de celle-ci nous distingue du carnivore. Et dans omnivore, il y a omni ! Et Omni soit qui mal y pense ! Vive la poule et suce à l’omelette.
Miguel servit le fromage dans les assiettes à omelette. Il en fut pour ses frais et dut respecter nos us. Il prit donc les objets adéquats et lança. Sagement. Puis ses vieux démons le reprirent. La faute à la Jacouille. Pour innover, il proposa un deuxième lancer pour le dessert. Pépé opina du chef. Un peu de fracas encore. Et si le Prof avait voulu établir un ratio entre les assiettes cassées et le nombre de convives, Miguel aurait gagné son bonnet d'âne (hiver et bonnets font bon ménage à la différence de la cigale et la fourmi).
En humaniste, Miguel proposa deux galettes briochées et deux parisiennes. Un équilibre mathématique mis à mal par le Prof qui l'assigna à respecter l'identité locale. Pourtant nos identités sont mêlées ; il y a du Montaigne chez Miguel.
Une belote. Un Titi en veine, Perdigue à la peine et le Barde entre deux eaux. Hamilton, victime des normes mathématiques de la Jacouille ne put se retirer après une super baraque contestée pour quatre points imaginaires.
Une nuit d'hiver. Schubert en bouche, le Bardatruc prit la rue de Bègles en sens interdit. Amélie pensait à l'équipe de France en répétant : "Je suis sûr qu'ils ont besoin de moi." Miguel embarqua avec le Barde et lui dit :
· "Tu sais, mon. barde, l'omelette, pour moi, c'est beaucoup plus qu'une omelette, c'est une manière d'être au monde. Je crois dans l'œuf, je crois dans l'œuf parce qu'il faut savoir sortir de sa coquille. L'être naît de cette brisure originelle."
· "Oui, lui répondit le Barde en reprenant les mots de Perdigue : on ne fait pas d'Hamlet sans casser les noeuds." .
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