01 juin 2007

Balade en Ecosse

La veille de l’ascension, nous partîmes pour Selkirk fêter un centenaire. La troupe n’avait pas fait le plein. De notre chairman aux petits derniers, le panel était représentatif. Jérôme avait eu le bon goût de refaire ses papiers ; sa balade irlandaise avortée n’était plus qu’un mauvais souvenir.

Le maître des cérémonies, Gwen, avait concocté un périple aller via la compagnie Easy Jet dont on mesura, sur le retour, qu’elle n’était pas easy du tout. Pour le jet, il s’agit d’un anglicisme de jetplanejet : jaillissement d’un gaz (on en reparlera plus loin), et plane : avion (on en reparlera aussi plus loin).
Notre première halte fut anglaise : Bristol où nous patientâmes de longues, longues heures, cartes et pintes en mains avant de rejoindre Edimbourg où un car nous conduisit interminablement, dans la nuit battue par la pluie, à un hôtel, le Buccleuch arms, situé à plusieurs miles de Selkirk. On se serait cru sur le chemin de Poudlard pour devenir tous des Harry Potter en puissance. Mais le lieu valait ces lieues superflues. Une charmante bâtisse aux chambres délicates aptes à recevoir nos corps superbes, nos ronflements et nos ardeurs. Le tout imprégné de kitsherie bien british, un assortiment de dentelles en tout genre et de bonbonnières de grand-mère. Un petit buffet bien négocié composé de soupe de tomate, de tartinettes et... des frites au kutchup nous attendait pour calmer notre faim de loup, et pour éponger notre soif, des pintes, et des pintes, et des pintes. C'était ça ou bouffer la moquette qui tapissait sol, murs et plafond.
Des couples improbables de gaillards s'enfilèrent par deux dans des lits 140 (x 140 !) ; le Bosniaque et Grognard, le Douanier et Garcimore, le Blogger et le Toulousain... On a cru entendre dans la nuit froide des gémissements et des râles, interrompus à coup de hé-pousse-toi-un-peu-merde.


Le lendemain, les arpenteurs de green arpentèrent les greens, le Douanier et Garcimore (élus meilleur couple du déplacement) s’essayèrent au ball trap, et une belle poignée de curieux s’en allèrent faire un tour.

Direction Melrose. Pèlerinage au stade, cela va de soi, ou Campese fit des siennes lors d’une édition du fameux tournoi à sept. Un sacré petit stade, humble, ouvert à tous vents, à la pelouse, bien sûr, impeccable. Puis pèlerinage à la sublime abbaye où les moines lancèrent l'ancestral look que notre Barde arbore en hommage. L’archiball est parfois mystique et c’est peu de dire que les visiteurs du jour furent remués. Leur foi vacillante repris de sa superbe et, au sortir des pierres, l’on eût dit une procession. Poulet en tête de cortège psalmodiait les reliques d’un chapelet lointain, le Bosniaque, rompu, brisé, par la grâce retrouvée s’imbibait d’eau bénite, AVA récitait les avés et implorait la vierge en chantant un stabat mater de circonstance, délaissant pour l’occasion sa voix grave pour une voix de fausset qui lui allait comme un gant. Puis nous pénétrâmes au cœur des Borders. Au bord d’une rivière saumoneuse en diable, surmontée d’un magnifique aqueduc, le Toulousain et Malco improvisèrent un concours de galets ; l’enfance est un don du ciel. Thom et le Blogger longeaient le cours de l’eau, silencieux, recueillis, encore à leurs pensées chrétiennes et regrettant au passage qu'une sieste ne soit pas prévue sur l'herbe si verte qui encadrait le cours d'eau.

Quelques miles plus loin, après avoir emprunté un petit sentier bordés d’un drôle de muguet aux senteurs d’ail, ce fut la rencontre avec Wallace. Une statue imposante, dressée vers un ciel tourmenté, rappelait la mémoire du rebelle, héros de Braveheart, qui empoisonna l’existence de l’envahisseur anglais et y laissa sa peau. C’est de ce promontoire que ses troupes dévalèrent vers l’usurpateur, franchissant la rivière et entamèrent leur long combat. Et puis, il y eut ce magnifique point de vue sur la vallée, à flan de collines où paissent des moutons. Assis sur des bancs bienvenus, les archiballs en balade s’attardaient sur la beauté volcanique des reliefs.
En fin de journée, tous les castors se retrouvèrent à Selkirk pour un médiocre match de rugby entre l’équipe 2 du cru et une équipe belge dépassée par la furia écossaise. Repas, chant, et retour à l’hôtel pour ceux qui, sachant le poids de l’âge, entendaient épargner leur corps. Les autres, de pub en pub, buvant maints bières et whiskies, dormirent sur le chemin du retour, ivres au point de rater aussi bien les marches du bus que les marches de l'hôtel, le quatre-pattes était le salut.

Le lendemain, tournoi. Les archiballs tombent dans une poule relevée : une équipe anglaise, Heathfield et deux écossaises, Llb Police et Dumbar. Pour leur premier match, sous la conduite de Thom le magnifique, ils affrontent des policiers écossais qui visiblement ne le sont pas par hasard. Entre le récalcitrant malmené sur le gris du pavé et le rugbyman à l’ancienne : point de différence. De quoi alimenter les vieilles antiennes sur les gardiens d’une paix trop souvent belliqueuse. Trois bavures et trois blessés dès la première mi-temps : un genou, une cuisse, une cheville. Il paraît que l’on est à un tournoi d’anciens. De jeunes trentenaires au quintal éprouvé pètent bêtement sur le premier venu. Il faudra au plus vite cesser ces tristes cérémonies réfractaires à l’esprit qui nous mène encore sur le pré pour le seul plaisir de poursuivre une passion. Bref, les castors furent battus 4 essais à zéro sans jamais se décourager.

Au second match, ils firent jeu égal avec les anglais de Heathfield qui jouèrent le jeu : deux essais partout. Mais quels essais ! Une relance de 80 mètres conclue par une course, déjà légendaire, de notre petit basque bondissant et rugissant, ainsi qu'une mise sur orbite du Toulousain après un jeu de passe où Titi nous fit admirer sa vista manuelle. Il faut dire que JBS, l’inusable JBS, le merveilleux Jean-Bernard, l’indépassable carrossier, opérait à l’ouverture après le retrait du Barde, genou oblige.

Le troisième match, brisés, éprouvés, mais fiers, ils cédèrent en seconde mi-temps face à une équipe de Dumbar, joueuse et plus fraîche. En somme, on ne gardera pas un souvenir inoubliable de cette après-midi. La finale opposa Selkirk à des policiers totalement dépassés. La morale était sauve.
La soirée, sous la tente, fut réussie. La bouffe ne pouvait être que ce qu’elle fût. Et peu importe. Tout se joua en dehors des tables. Parlottes, danses, et à l’ombre des tribunes, la grande réconciliation franco-belge (rien ne vaut un bon nœud pour ressouder les liens). Les Ecossais, quand ils ne sont pas policiers, sont de merveilleux compagnons, simples, causant sans apprêts, buvant comme des trous. Au bout de quelques heures, nous voilà tous transformés en barils en pleine macération, pas un coin sans se faire gazer. On ne se parle plus, on se renifle. Blonde, rousse ou brune sans bulles ne sent pas la prune quand tu claques une bulle.

John Rutherford était là, sans apprêts, en tous points semblables aux autres. Loulou en ambassadeur de nos élégances excellait. En soutien linguistique, Malco lança le Doigt pour clore un discours présidentiel. Grognard excellait à la valse en défroqué et culotte courte. Garcimore accumulait les pintes et ne parvenait plus à faire ses tours de passe-passe, le galurin, posé sur sa tête, ne laissait plus échapper les lapins escomptés. Nous rentrâmes à l’hôtel pour une nuit brève et une journée d’anthologie.

Et ce fut le troisième jour. Départ très matinal pour Glasgow, dans un bus où l'impensable eut lieu : le vieux quatre, pressé par une taupe au guichet, décida de marquer de son empreinte l'armoire à cabécou qui servait de WC tout juste conçu pour l'ondine légère d'une Ladie. La pauvre VMC 24 volts se retrouve en totale dépression où chaque molécule d'air valait dix boules puantes. Merci Alain-Charles, tu es aux archiballs ce que Bérurier est aux San Antonio. Dans le respect des accords de Kyoto, il faudrait te couler sous cinquante tonnes de béton. Le capitaine Haddock version hard core. Merci Papa. Inoubliable.
Prise d’avion sans prise de becs. Arrivée à Londres où après avoir attendu sans fin nos bagages, nous ratâmes la correspondance pour Bordeaux. L’écart était trop court entre les deux avions. Rien d’easy vous disais-je à Easy Jet. Si le libéralisme baisse les prix et offre au plus grand nombre la possibilité de voyager, aucune valeur ajoutée si vous rencontrez le moindre problème : circulez, Y a rien à voir… En quoi le libéralisme n’est pas policé. Ah ! cette petite touche qui change tout.
Malco prît les choses en mains et nous décidâmes de prendre l'Eurostar. Train, Métro et arrivée à Waterloo (connaîs pas) station. Deux groupes se forment : celui de 16 heures et celui de dix-sept heures. D’aucuns rejoindront Bordeaux par train, avion ou voiture mais tous seront à bon port lundi. Les castors firent contre mauvaise fortune bon cœur, belote et fatigue aidant, ils prirent leur mal en patience. Mention particulière à ceux qui affrontèrent le bitume. C’est à leur capacité à affronter les difficultés que l’on reconnaît les grandes équipes.
Un drôle de périple… Mais tournons-nous vers l’avenir. L’année prochaine, l’Italie sera nôtre. On pourrait y aller à la rame pour être sûr, non !?

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