08 juin 2009

Le cuistot de la semaine, ça Poussou ou ça casse

Par le Toulousain


Température extérieure proche des 30 degrés. Un soleil radieux inonde la plaine aquitaine. A Musard, les quelques derniers sportifs se présentent pour découvrir ce que nous appellerons plus tard « l'opération commando ». Mes deux genoux avaient récemment fait connaissance avec les anguleux parpaing que les services techniques de musard dissimulent sous des touffes d'herbe, mais courir sur le plateau du Larzac, je ne m'y attendais pas. Le terreau, le compost, la tourbe, la terre végétale, il faut leur dire. Il existe des solutions aujourd'hui pour ne plus sortir du pré avec une ampoule à chaque crampon. Une sorte de stage commando avant les grandes joutes. Pourquoi pas ?
Mais quand même, il est dur de chez dur le petit terrain de Musard. Titi toujours avec un léger différé – depuis Jurançon 2007, il s'échauffe – prend place au centre et nous montre qu'il est au top de sa forme. Accélérations, feintes de passe, crochets, renversements et ce toujours avec le « style ». Du gros Titi et pas du petit minet. En plus, son adorable coach viens de lui offrir une paire de crampons révolutionnaires. Ils courent plus vite et ils ne chauffent pas. Euh ? Et ils ne feraient pas douche, des fois, tes crampons ? Ah ! C'est le stage qui continu. Pas de vestiaire ouvert donc pas de douche... Alors là on passe à la phase « survie en milieu hostile ».
D'accord.
Deux théories deux pratiques.
Je ne me douche pas, je vais au trou comme je suis et je me laverais chez moi. Superbement illustré par Thomas en short, odeurs et crampons à table.
Ou bien :
Non il faut trouver une solution quand même, je pue trop, c'est pas possible.
Négociation avec les gens de la pelote. Négatif. Tu m'étonnes c'est des basques comme l'autre. La douche c'est du luxe. Ablutions dans les éviers extérieurs pour les courageux et pour les plus dégourdis, douche très confortable dans les vestiaires des tennis grand ouverts et inoccupés. À ce
regarder les palmes, qui sentent encore le caoutchouc brûlé, on se dit que c'était pas du velours cet entraînement. Mais ça y est on est propre et on va aller manger.
Qui c'est qui fait à bouffer ce soir ?
Je ne sais plus qui le premier a posé la question mais soudain je me souviens. Je le sais...
– J.C.
– Qui ?
– Miguel !
– Non ?
– Si.
Bon, il faut se faire une raison la mise à l'épreuve continue.
Bien joué Toto, toujours au top, t'as gardé la tenue sport. On passe au stage de résistance psychologique en zone de guérilla urbaine. J.C. est en cuisine. Normal, logique. Je ne sais pas qui a concocter le programme mais c'est complet. Il ne manque rien.
Au trou, l'ambiance est posée. Curieux ? Le calme qui annonce la tempête ? Le staff technique « 40 ans », en bout de table, mais néanmoins prés de la tireuse, débat sur la position des dernières virgules dans la plaquette. À l'opposé, prés de la cambuse, les anciens ont un air tout aussi sérieux mais à y regarder de près, beaucoup moins serein qu'il n'y paraît. Ben tiens !
Voilà deux heures qu'ils sont en première loge pour admirer le travail de préparation culinaire de notre J.C. et, J.C., il ne fait pas dans la dentelle. Les fioritures, Les grands apparats, les tralalas et autre grande pompe c'est pas sa tasse de thé. Il fait dans l'art brut Miguel, que du Ready Made. Tout sera fait ici et par ses petits doigts de fée.
Une assiette de boudin, malicieusement embusquée dans le frigo par notre charcutier ariégeois, nous permet de prendre la mesure de la situation lorsque nous nous installons autour du bar.
À la hache ! Il l'a coupé à la hache ! Il l'a pelé d'un coup et débité en tronçons à-la-hache.
Le melon et le jambon qui suivent ont visiblement subi la même préparation.
Heureusement les melons sont très bons, malheureusement ils n'ont pas tous survécu au traitement réservé par notre samouraï du hachoir et la quantité rescapée se montre un peu juste. C'est normal ? Il nous teste, il faut s'entraider, on est une équipe et il faut se soutenir. Miguel nous voyant refendre, en vu de partage, quelques quartiers, s'approche, une immense lame scintillante à la main et lâche en brandissant son sabre : Vous voulez que je vous les coupe ?
Non merci Monsieur (Vous avez vu ses yeux ?). Tant pis, y'en a qui n'auront pas de melon.
Et puis c'est l'attente, de la cuisine s'échappe une épaisse et âcre fumée.
Téméraire, je risque une intrusion pour prendre la photo du cuistot à l'œuvre et c'est une vision d'apocalypse qui s'offre à moi. Dans une immense poêle plus culottée que la pipe du capitaine haddock, Miguel s'évertue, muni d'une sorte de pelle, à décoller du fond de sa gamelle amoureuse un mélange plus que douteux. J'ose, intrépide, la question qui peut fâcher. C'est quoi
monsieur ?
Des œufs brouillés à l'espagnole.
Brouillés ! Doux œufs fait misme. Pulvérisés, déchiquetés, broyés c'est ça, broyés et pas brouillés. Quand enfin il se présente avec sa préparation à l'aspect inquiétant, nous pensons tous dire qu'on n'a plus faim mais, face à lui, aucun ne moufte et chacun se laisse servir. Splatch ! Tiens Voilà du rata ! Dudu du bout de sa fourchette pratique une autopsie en vu de définir l'origine du mélange et accessoirement le délai post-mortem. Quelques trognons de saucisses calcinés, des tomates en purée, des oignons déchiquetés, quelques éclats de patates et des épices, le tout amalgamé dans un conglomérat d'œufs en bouillie sur le dessus et en croûton cramoisi dessous. Faut prévenir Air France et les autorités Brésiliennes, il vient de nous retrouver les plateaux repas du vol AF 447. Lolo sur le point de plaisanter grassement sur la mixture, se ravise en constatant que Miguel le surveille toujours, son immense pelle à la main. Docile, il goûte sous
l'impressionnant regard et nous renseigne couardement : « Je vous rassure ça se mange ». On est bien avancé. Et comestible ça l'est ? Parce que, certes, on à des dents mais plus bas, nous sommes pourvu d'un système digestif complexe qui n'est pas forcement préparé à recevoir telle substance. Faut faire gaffe j'ai souvent entendu parler d'un problème d'œuf et de colon. J.C. tel Agrid, va et vient dans le réfectoire s'assurant que chacun engloutisse bien sa portion. Dudu et Garci profitant d'une diversion et de la proximité de la poubelle du bar, évacuent promptement le délicat assemblage. J'allais en faire autant quand soudain Miguel se tourne vers moi et me demande : C'est bon ?
Oh oui Monsieur, dis-je en découvrant que les tranchants de sa pelle ont été fraîchement affûtés.
T'en veux d'autre ?
Non Monsieur, je suis au régime, mais c'est très bon.
Ouf ! Il est appelé pour le fromage et se détourne.
Le fromage oui, mais avant les assiettes ! Sauve qui peut ! Pull ! Nom de Zeus !
La première lancée, tranche d'un trait deux verres, une bouteille de rouge et finie plantée dans la table. Il a aussi affûté les assiettes et ça vire à la panique générale. Il a du être lanceur de marteau en Allemagne de l'est dans une première vie. C'est Verdun...
Mais on y survit. On se rassemble, on réinstalle les tables et les chaises, on récupère et rassure les anciens tous planqués sous la table. Christian accepte de se défaire du vieux 4 dans les bras du quel il avait trouvé refuge. Hamilton et Cambot s'extirpent de sous le bar abrités par les fûts.
L'alerte est passée.
Le fromage, un basque tranché à la fendeuse pneumatique s'affiche dans la lignée de ce repas de combat. Et puis, je vois, de dos, assis à la petite table sous l'escalier, notre J.C. soudain calme et appliqué. On dirait qu'il fait sa compta. Mon sang se glace. Il est en train de choisir ceux qui
seront dévorés au dessert. Je m 'approche et rassuré, le découvre, tout délicat, affairé à trancher des tartes dorées et caramélisées (et qui ressemblent à des vraies tartes) avec un tout petit couteau à bout rond. Ça y est le stage est fini. Bravo J.C. comme tu nous l'avais annoncé tu as été à la hauteur. Sortis de là on peut tout affronter. Se fritter avec du Zélandais ou de l'irlandais sur la belle pelouse de Sainte Germaine et ensuite aller se faire un raout à la faïencerie ne sera que pur plaisir comparé à ton stage de préparation. Tu devrais envoyer un CV au RIMA d'Angoulême ils cherchent des instructeurs pour les futurs marsouins mais ne leur dit pas que tu parles anglais ils pourraient te mettre en cuisine.

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