Par Le Barde
- Tu es amoureux ?
- Non, je suis pragmatique, me répondit Kiki.
C'était au comptoir. Nous n'étions plus qu'une poignée. La bouteille d'eau de vie aux baies de houx était vide. Kiki arborait un cigare, le cheveu ras et l'oeil vif. Miguel le titilla sur son pragmatisme. Mais Kiki le laissa mariner dans ses conjectures et s'enfuit avec un petit air de Gémini le criquet. Kiki un criquet ? Pourquoi pas si on pratique Robert le Petit : « Insecte volant et sauteur, herbivore (orthoptères acridiens), de couleur grise ou brune, très vorace, appelé fréquemment et abusivement sauterelle. » Pas de doute, il y a du criquet dans Kiki. Comment ne pas l’imaginer stridulant auprès de créatures éplorées.
Ce dialogue me rappela un passage de L'homme qui tua Liberty Valance lorsque James Stewart, soumis aux premiers feux de l'amour s'adresse au barman :
- Vous avez déjà été amoureux ?
- Oh ! Moi vous savez, j'ai toujours été serveur.
Tout cela n'a pas grand chose à voir avec Lolo me souffle le Toulousain. J'en conviens mon Bonnet, sauf que tout cela s'est passé au crépuscule de la soirée de bouffe de Lolo. Donc Lolo y est pour quelque chose. Et puis Lolo, il a un petit air de John Wayne, l'homme qui tua vraiment Liberty Valance. Et Caro, elle a un je ne sais quoi de Maureen O'Hara, inoubliable dans les bras de John dans L'homme tranquille lorsque la pluie tombe et rapproche leurs deux corps sublimes dans un coin du cimetière irlandais. John Ford reconnaîtra les siens.
Donc Lolo était de bouffe. Se gaussant des premières chaleurs, il avait opté pour la charcutaille : pâté, jambon serrano et rillettes. L’influence de notre Jacques (Escassut) imprègne toujours plus le moindre castor. Lolo n’étant pas le moindre, j’en conviens. N’entendant pas être confiné dans les rets du porc, Lolo y alla de son canard qu’il nous servit confit. Avec pour seule complice une salade abondante et appréciée. Hélas, le canard menaçait d’être chiche. Lolo sua à grosses gouttes, dévoré par le remord, la larme à l’œil. La réalité démentit ses craintes. Mais le mal était fait. Il errait comme une âme en peine, psalmodiant un acte de contrition incompréhensible. Alors Loulou se leva, le prit dans ses bras et le réconforta. Il saisit un peu d’eau fraîche qu’il répandit sur le visage de son petit dont les pleurs n’étaient plus que d’imperceptibles geignements. Et Lolo sourit. Il put enfin procéder au lancer d’assiettes avec une précision de lanceur de cruche. C’est à ce moment très précis que Pioupiou entonna un père Abraham d’anthologie au grand dam de Guitou qui n’en pouvait mais. Sobre le fromage et de goût. Le tout s’acheva par une tarte aux pommes. La tarte aux pommes, c’est un classique indémodable. Comme Lolo. Dans la bouche d’un vicomte, c’est un compliment.
Puis, le trou se vida. Sauf au comptoir où Kiki trônait évoquant ses amours inaccomplies mais courtoises.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire