23 juin 2010

Le cuistot de la semaine, l'Amélie melo

Par Le Barde


Orphelins du pré, il n'est rien de tel que le vélo (pourquoi ne dit-on plus bicyclette, c'est tellement plus joli !) pour se rendre au trou. Surtout lorsque l'on pratique la petite reine avec Miguel et Walid. Il faut le voir Miguel sur le vélo de sa fille longeait les quais, le cigare à la bouche, le vent dans ses cheveux blonds et le soleil à l'horizon. Comme il faut voir Walid sur sa bicyclette d'un autre siècle, large et généreuse, le coup de pédale lent et altier, arpenter les beautés de la ville avec une majesté rare. Walid, il a un petit faible pour le miroir d'eau dont nous fîmes vingt fois le tour, Miguel ahanant de fatigue, le cigare au bout de la langue comme un vulgaire mégot de cigarette roulée au gros gris.

Lorsque nous parvînmes au trou, il n'y avait personne. Pas d'Amélie et pas de pression (les deux font la paire car Amélie ne donne jamais le sentiment d’avoir la pression, j’y reviendrai). Aussi, nous nous réfugiâmes, faute de grives, au bien nommé l'Avant-scène. Peu à peu, nous fûmes plus nombreux. Et nous vîmes le spectacle délicieux de Jacky tailler une bavette sur le quartier de sa jeunesse avec une dame d'un certain âge qui conversait, au préalable, avec un jeune couple enlacé sur le balcon. Il n’y a que les cons qui ne savent pas goûter les charmes du « populaire ». Moi, je les préfère à ceux de la haute ; ils sont plus nature et d’une indiscutable poésie. Prévert en savait quelque chose et Prévert, il est grand. Pas d’Ormesson.

Nous regagnâmes le trou. Toujours pas d'Amélie. L’inquiétude gagnait ceux qui ne le connaissent pas. Hervé, c’est un placide, un flegmatique imperturbable qui n’a que faire du qu’en dira-t-on et qui va son chemin en parvenant à ses fins. Un petit coup d’œil sur les résultats des jeunes pousses béglaises convaincra les plus chichiteux. Et donc il arriva juste quand il faut, à la seconde près et étala toutes ses grâces dans un trou garni.

Les pâtés d’Amélie sont au pâté ce que le cantique des cantiques est à la Bible, Shakespeare au sonnet et la cigale à la fourmi ! Comme l’écrivait cette andouille de Vigny : « Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse ». Ainsi, il y eut un long silence avant que de multiples mains ne se jettent sur les crudités de saison assaisonnées avec ce qu’il faut de justesse pour donner à l’ordinaire, aux choses les plus simples, cette petite touche qui fait la différence. Mais Amélie ne s’attarde pas aux saisons, il répugne à céder à l’air du temps et propose de l’éternel tous les jours de l’année. Nous eûmes donc droit à un gigot de derrière les fagots avec ses flageolets. Les castors se goinfrèrent, se goinfrèrent, se goinfrèrent. Les vieux étaient aux anges ; Amélie, c’est leur Gabriel.

Le lancer d’assiette fut parfait, les réceptions un peu moins. Amélie variait le lancer comme un Saubusse (coucou Jean-Bernard) varie sa passe : il y eut le lancer à plat, le lancer en vrilles, le lancer missile, le lancer roudoudou, mais tous parfaitement exécutés. Il y a de l’éducateur dans le lancer d’Amélie ; il devrait écrire un traité du lancer d’assiettes (et Pioupiou celui du lancer de cruches). Rien à dire sur le fromage où le Roquefort siégeait aux côtés d’un camembert d’école et d’un petit chèvre accorte. Retour à l’été avec les fraises que les vieux, ce n’était pas original mais tellement plus savoureux, dégustèrent dans leur verre avec un soupçon de vin rouge (Franck ayant le soupçon particulièrement généreux). Avant que chacun ne prît soin du fruit du fraisier, Amélie bénit l’assemblée de Chantilly. (A propos de Chantilly, vous ne trouvez pas que le général, il ressemble à Eric Woerth ?). Enfin, What Else servit le café. Il régnait une douce atmosphère au trou en ce second jour d’été. Oui, Amélie, il a quelque chose d’un ange. Même si, même si…

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