17 mars 2011

Le cuistot de la semaine a le chapeau claque

Par Le Barde


Il y avait comme un air de printemps à Musard hier soir. Les passes fleurissaient comme autant d'aubépines. A ce jeu, les vieux firent montre de tout leur éclat. J-B Saubusse bien sûr, mais aussi Bernard Palanques, Dudu ou moi-m'aime. Ce fut un moment de grâce. Pas un râle ou si peu, à peine un chuchotement, un murmure. Les vieux, ils ont lu René Char : « L'aubépine en fleurs fut mon premier alphabet. » Pour ceux qui ne le savent pas, c'est le printemps des poètes. Et les vieux sont des poètes. Enfin les jeunes aussi. Surtout Don qui nous gratifia d’une passe sublime. Les passes sublimes, comme sait si bien les faire Jean-Bernard, valent tous les sonnets, les pantoums, les chants royaux, les complaintes, etc.

Au trou, Garcimore, ceint dans un tablier blanc, livrait les fruits de son chapeau claque. Des fruits somme toute bien traditionnels. La magie se gausse de la modernité.

Sortirent donc de son chapeau claque : des feuilles de laitue, des tomates coupées en tranches et des morceaux de pâté. Encore que le pâté fut pour beaucoup une illusion. La faute au vieux quatre qui oublia le comptoir. Garcimore fut impuissant à combler ce manque. La magie est une illusion. Le comptoir se contenta, par la force des choses, de feuilles de laitue et de tomates. Le comptoir, il n'a jamais revendiqué d'être végétarien. N'importe, ne faisons pas les fines gueules, le pâté est factice au palais des piliers (de comptoir).

Puis, une ribambelle de boudins sortit du chapeau claque. Les grenouilles de bénitier eussent préféré un chapelet. Mais aux yeux d’un castor la ribambelle toujours supplantera le chapelet. D’aucuns espéraient un lapin. Et bien non, Garcimore, il fit dans le boudin. Grugru, il n’a rien d’une Alice et il est probable qu’il n'aime pas Lewis Caroll. Tant pis pour lui. Et tant mieux pour le toulousain qui n'aime rien tant que le boudin. Et sa purée. Après deux soirées de daube, pourquoi pas.

Au lancer d'assiettes, Grugu fut malhabile. Etonnant non ! Que de fracas sur le carreau du trou. C'est un impulsif Garcimore. Rien à dire cependant sur le fromage. Si le brie était anecdotique, le brebis était exquis, avec son inévitable confiture de cerises. Frank, de retour, était aux anges. Enfin, ce fut le temps de la frangipane après celui des cerises. Personnellement, je préfère le temps des cerises. O communard mon frère, ô Clément.

Quelques chants s'élevèrent. Un God save the queen arracha des larmes de rage à Pépé tandis que l'hymne italien rappelait les langueurs du XV de France. La soirée s'éternisa un peu. Et les castors prirent le chemin du retour sous une petite pluie salvatrice. Ils remâchèrent longtemps ces vers de Lewis Caroll (encore lui mais cette fois-ci dans La Chasse au snark : je vous rappelle que c’est le printemps des poètes !) :

Un castor qui arpentait le pont-promenade,
Ou, assis sur l’avant, faisait de la dentelle,
Les avait (disait l’Homme à la Cloche) souvent
Du naufrage sauvés – nul ne savait comment.

C’est très très bien La Chasse au snark. Il est souvent question de castor dans La Chasse au snark. C’est aussi pour ça que c’est très très bien. Mais pas seulement. Il y est aussi question du cri du Jeubjeub. Le cri du Jeubjeub fait peur au castor. Vous lirez la suite dans La Chasse au snark puisque c’est le printemps des poètes. Même si le poète, il s’en branle pas mal des saisons et que, s’il est poète, il taquine la muse aussi bien l’été que l’hiver. Mallarmé il en savait quelque chose :

Le printemps maladif a chassé tristement
L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide,
Et, dans mon être à qui le sang morne préside
L'impuissance s'étire en un long bâillement.

Allez, salut les castors.

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