01 décembre 2011

Le cuistot de la semaine, Jipé et les lentilles enchantées

Par Le Barde


Rituel 1. Sur le pré, nous étions si nombreux. La grappe des castors s’éparpillait sans fin sur le terrain annexe. Guitou avait, comme il se doit, sélectionné les plus véloces. En bon père ayant choisi ses pairs, il les regardait émerveillé en hurlant à la nuit  ce vers de L’Apocalypse : « ses pieds comme des colonnes de feu. » Et lorsqu’après dix-sept passes, ses petits atteignirent la terre promise, il prit à témoin Saint-Jean de la Croix : « Cette source éternelle et bien enfouie/je connais le lieu d’où elle surgit/malgré la nuit ». Et il ajouta : « Cette source, c’est moi. » La Piballe ruminait face à tant d’injustice. Car le bel essai jamais n’aurait du être accordé. Un toucher avait frappé le récipiendaire de la dernière offrande. Un toucher délicat comme de la soie, une esquisse, mais un toucher quand même. Alors La Piballe dit : « le chemin des justes est une lumière d’aurore ». (Proverbe 4-18). Non, l’esprit des lois ne soufflait pas sur Musard hier soir. Un petit mot pour Amélie qui fut à deux doigts de réaliser un hat-trick. Il était touché par la grâce Hervé. Et je ne résiste pas, grâce oblige, à mentionner cette pensée du divin Pascal : «  Les hommes s’occupent à suivre une balle et un lièvre : c’est le plaisir même des rois. ». Donc Hervé est un roi. Et nous aussi par la force des choses.

Rituel 2. Il faut savoir enchanter les lentilles. On doit à Gary Grant, dans Arsenic et vieilles dentelles du bienheureux Frank Capra, cette célèbre réplique. Elle va comme un gant à Jean-Pierre. J’écris ces lignes alors que l’on célèbre le vingt-cinquième anniversaire de la disparition de Gary Grant. Jean-Pierre, comme chacun le sait, c’est notre Gary Grant (cf. Abécédaire des quarante ans). Les lentilles enchantées étaient entremêlées de petites crevettes, de lamelles de saumon. C’est d’ailleurs pour ça qu’elles étaient enchantées. O divines lentilles de Campech le sublime. Il n’en resta pas une miette. Pas une.  Nous accueillîmes le confit de canard comme il se doit. D’autant qu’il était accompagné de petits pois carottes. Les petits pois carottes se font rares par les temps qui courent. Le goût du bonheur se perd. Pas chez Jean-Pierre qui sait en faire profiter ceux qu’il nourrit de sa grâce bienfaitrice. « Mieux vaut un plat de légumes là où il y a de l’amour » (Proverbe 15-17) roucoula Pépé. « La bouche du juste est une fontaine de vie » (Proverbe 10-11) lui répondit Jean-Pierre. Pendant ce temps-là, Pascal, après avoir pris soin de découper un morceau de nappe, écrivait sa lettre. Car il revient Pascal. Alléluia !

Rituel 3. Le lancer d’assiettes fut vigoureux. Les auréoles louvoyaient dans le ciel du trou avant d’être recueillies par des mains parfois hésitantes. Il s’en moqua Jean-Pierre et acheva sa besogne sans faillir en disant « Paume indolente appauvrit, main diligente enrichit » (Proverbe 10-4). Le sol était jonché de débris. Puis il prit le saint-nectaire, à la manière d’un joueur de freesbee et l’adressa à la tablée. Une merveille ! Pour conclure : un clafoutis que les castors repus dédaignèrent quelque peu. Les ingrats, les mufles. Jean-Pierre ne leur en voulut pas. Il est comme ça Jean-Pierre. Un vrai gentleman.

On ne dira rien des chapeaux qui ornaient la tête des tenanciers du bar. Ils faisaient les cakes pour avoir enfin vaincu les affres de la tireuse. L’humilité se branle des chapeaux. Quand la tireuse est à la peine, on ne fait pas le kéké. « Tout est vanité et poursuite de vent […], ce qui fait défaut ne peut être compté ». Qohéleth 1-15). Amen. 


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