09 juin 2012

Le cuistot de la semaine, du latin Cucumis

Par Le Barde


Ainsi ne fûmes-nous qu'une petite poignée sur la plaine des sports à tâter de la gaule, sans doute par la faute à un  week-end basque épuisant où nos corps furent mis à l'épreuve sur la pelouse d'Aguiléra, retentissante encore de la chevauchée de Titi. Le poids des ans pèsent inéxorablement sur nos constitutions mais nous nous en moquons, cherchant sans fin des joies enfantines dans la compagnie d'un ballon dont on ne chantera jamais assez les louanges. Car le rugby est un chant, une épopée sans cesse réécrite, une odyssée sans fin et sans Pénélope, sans Ithaque, car le pré ne saurait être une Ithaque puisque sa terre promise n'est, au bout du compte, que l'accomplissement d'une destinée provisoire tant que la clepsydre n'a pas décidé de la fin des hostilités.

Pascal avait en mains les destinées du trou. D'un large sourire, il accueillit la petite meute aux traits marqués. Les vieux avaient accompli leur besogne. Et Pascal offrit en préalable une soupe d'un vert pâle qui devait l'essentiel de son teint à des concombres dont on ne dira jamais assez l'onctuosité pour peu qu'elles soient préparées avec ce qu'il faut de savoir-faire pour leur procurer ce zest de goût dont une nature injuste les a privées. Et c'était en quelque sorte la chanson de Brel, « et ça fait de grands slurps, et ça fait de grands slurps... »

Après cette entrée en matière, toute de délicatesse, Pascal qui connut de grandes traversées et de lointains pays, se défaussa de sa culture occidentale, nous conviant à un tajine dont la grâce inépuisable se gaussait de nos ventres repus, et c'était miracle de voir nos bras se tendre sans fin vers le couscous et le poulet parsemé de courgettes, d'aubergines, baignant dans le frais cresson bleu. Cresson bleu, cresson bleu me dit la jacouille, une pinte à la main, mon barde ton cresson a des allures de tomates. Certes lui répondis-je mais il y a quelque chose de rimbaldien dans ce tajine, et tu conviendras qu'avec Pascal, nous sommes au pays de la vraie vie, celle dont Arthur écrivait qu'elle est ailleurs.

Pascal, c'est notre ailleurs, une part de la vraie vie.  Et puis, ma Jacouille, comment ne pas citer, à cet instant de notre échange si fécond, cette pensée de l'autre Pascal : « Il n'y a rien de si conforme à la raison que ce désaccord de la raison. » D'un pincement de lèvres où subsistaient, ça et là, des traces de mousse, la Jacouille opina, ajoutant une autre pensée de Blaise, sous l'œil stupéfait de Lolo,  pour clore le débat : « Combien de royaumes nous ignorent ? »

Le lancer d'assiettes fut parfait. Elles paraphaient l'air de leur trajectoire précise, et sinueuse pourtant, trouvant sans peine les mains qui les attendait avec impatience. Pas la moindre marque d'inquiétude sur les visages. Le fromage fut une formalité, une évidence, un retour à nos traditions françaises après cette incursion orientale et la soupe baignant dans le frais cresson bleu.

Et ce fut le dessert. Des fraises dans leur ramequin de verre, suspendues à un fromage blanc ferme et tendre. Mettre un terme de la sorte à sa besogne traduit l'essence-même de Pascal. En quoi Blaise avait raison dans sa foi envers le jansénisme. Certains êtres sont prédestinés. Et il en est Pascal. Oui Dieu reconnaîtra les siens, et Pascal est un dieu parce que toujours, il sait rester humain. « La vertu d'un homme ne se mesure pas par ses efforts mais par son ordinaire. » L'ordinaire, chez Pascal, est touché par la grâce.

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