19 septembre 2013

Le cuistot de la semaine tortilla du cul (du verbe tortiller)

Par Le Barde


Oui, « le bonheur est dans le pré » comme l'écrivait ce bon vieux Paul Fort, prince des poètes, que Brassens chantait. Et d'ajouter : « Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite./Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer. » Il ne file pas le bonheur si on sait le saisir. Hier, en taquinant la béchigue, à Moulerens, sur le terrain des coqs rouges, j'ai saisi le bonheur.  Sur le pré. Quand on a la gonfle dans les mains, la vie n’est plus la même.

Nous n'étions guère nombreux à avoir répondu à l'invitation des Radis. Le castor n'a pas l'âme nomade. Mais nous étions assez nombreux pour nous répartir sur les deux moitiés de terrain et livrer un toucher à sept contre sept. Une bonne idée que de se répartir de la sorte. A bon entendeur salut lorsque nous aurons un pré bien à nous.

Au trou, Miguel avait promis de suppléer à nos humeurs vagabondes. Il nous avait annoncé la couleur par mail : « Ce soir les gars c'est TORTILLA de Miguel pour réchauffer les cœurs, les estomacs et les entrailles, suite à la stupeur et l'effroi lié à l'absence de terrain d'entrainement. Je vais vous remonter le moral. » La tortilla s'annonçait relevée ; elle le fut. Non sans avoir été précédée d'un melon agrémenté de tranches de jambon de Parme (en fait de Parme, il était sans doute bel et bien français ou espagnol, mais Parme ça pose son Miguel) enroulées autour d'un grain de raisin. Et de petits boudins. C'est ça la touche Miguel : mettre l'inattendu au cœur de l'ordinaire. L’inattendu, hier, avait des allures de boudin. De boudin doux.

Mais venons en à la tortilla. Et précisons illico qu’il s’agit en fait de la tortilla espagnole. Pas de la mexicaine ! (Le mot espagnol « tortilla » est un diminutif du mot espagnol « torta », lui-même dérivé de l'expression latine « torta panis » (« pain rond ») et désignant, comme le mot « tarte » français, une préparation circulaire et plate à base de pâte. Les Amérindiens, quant à eux, l'appellent toujours, dans leur langue indigène, « tlaxcalli » (en nahuatl), « waaj » (en maya), « ndíta » (en mixtèque), « gueta » (en zapotèque), « hme » (en otomi) ou encore « remeke » (en raramuri).) Mais restons en Espagne. Foin de la galette, et vive l’omelette. Il s’agit plutôt d’œufs brouillés en l’occurrence. Mais bon, on ne tiendra pas à Rigueur à Miguel de brouiller les cartes sinon Miguel ne serait plus Miguel.

Si les radis découpent le terrain en deux parties inégales, Miguel propose deux types de tortillas : avec ou sans épice. Malheur à ceux qui connurent la tortilla épicée de Miguel. Ce fut un attentat en règle. Comme l’axoa du vieux quatre d’il y a quelques années. Ni le pain, ni l’eau, ni le Saint-Georges de Jeanfi ne purent atténuer l’offense faite à nos palais. Seb était rouge, écarlate ; les yeux de Peyo sortaient de leur orbite livrant une expression terrible à Hamilton qui frisait l’apoplexie ; Lolo demandait l’extrême onction, criant « Je me meurs Caro, je me meurs ô mon éternelle Sarah, ma muse de chaque instant , la tortilla de Miguel a eu raison de moi, je rejoins le Très-Haut »  ; le général s’interrogeait sur les effets de la tortilla de Miguel sur un anesthésié et s’inquiétait de l’état de Lolo, « je ne suis pas prêtre mon pauvre Lolo, juste anesthésiste. Pour certains, c’est un peu la même chose, il est vrai ». Seul Bernatchat paraissait impassible sous l’œil éberlué de Seb. Le vieux quatre, lui, faisait comme si de rien n’était ; ses joues trahissaient pourtant l’excès d’épice dont certains étaient victimes ; c’est à peine s’il pouvait parler. Ithurbide ne disait rien ; et pourtant, on trahissait ceux de son sang.

Amélie s’inquiétait. Le lancer d’assiettes approchait. Pour une raison qui m’échappe, il n’intervint qu’après le fromage : brie et gruyère. Miguel, à la surprise générale commença en douceur. Presque en dilettante. Comme si de rien n’était. Comme si les assiettes n’importaient pas. Au point qu’on lui demanda de mettre un peu plus d’ardeur. Et là, ce fut le déluge, le tsunami ! Un autre Miguel ! Il y eut un long silence. Le calme revint. Des tortillas aux pommes sur lesquelles Miguel avaient planté deux grains de raisins – ce qui fit beaucoup rire Seb, saluant cette touche si délicate-, conclurent la prestation de JC. What Else était là. Et quand il y a What Else, il y a du café. On déboucha le champagne. Miguel le vaut bien. Même s’il s’agissait surtout de rafraîchir l’intérieur de nos gueules encore meurtries.

A la semaine prochaine. Et que les valides viennent sur le pré. Quel qu’il soit.

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