16 novembre 2013

Le cuistot de la semaine, maître de cérémonie

Par Le Barde
(une bourde technique nous prive de la bouille du maître. Si une photo de notre éphèbe ce soir-là traine dans votre téléphone, nous sommes acheteurs. Pour se faire pardonner, petit regard sur la profession)



Longtemps nous jouâmes à Musard. Quarante années de promiscuité avec le club ceint de deux brennus et d'une coupe de France (1949). Les vicissitudes du rugby d'élite ont eu raison de cet attachement. Nous devînmes des déracinés. Alors le  terrain d'Eysines nous fit les yeux doux. Le rugby de peu, de ces clubs que l'on dit, bien à tort,  petits devint nôtre. Puis, nous trouvâmes, enfin,  pré à nos pieds, au Lycée Victor Louis, renouant avec les origines du rugby, du collège éponyme où William Webb Ellis, affirme la légende, scella notre destin. Notre histoire épouse à rebours celle de la béchigue. Comment ne pas y voir un signe ? Après la grande bourgeoisie et le peuple, nous voilà du côté de l'aristocratie. L'histoire est une sacrée drôlesse, foi de vicomte.

Il y avait du monde sur le pré. Le retour aux sources est si fécond.  Nous étions une bonne vingtaine. L'herbe était verte à souhait. Ce fut un régal. D'autant que le silence était d'or. Pas ou si peu de chamailleries. Mozart était aux Anges. Jean-Phi, pareil à un martin pêcheur, striait le pré de ses courses  volages et intempestives.  Léo s'exerçait à délivrait une passe sur un pas à la vitesse  d'un guépard. Il y parvint et ce fut un essai de toute beauté. Il y a du Burt Lancaster chez Léo. Joël fut à deux doigts de rattraper Arnaud, lancé dans une course folle. Ce duel présidentiel, ce duel entre l'avant et l'après, nous tint en haleine. Et l'avant l'emporta sans que l'après n'ait à en rougir. JP, sublime, porta l'ultime estocade. Au ciel, Audrey Hepburn était aux anges. Et Croucrou chanta Moonriver.  Oui, ce fut une belle soirée. Nous avons trouvé notre eden, là, entre les murs dessinés par le créateur du Grand-Théâtre. Il y a un jansénisme de la gonfle. « Combien de royaumes nous ignorent » écrivait Blaise. Nous, nous avons la faiblesse de ne pas ignorer le nôtre.

Au trou, le maître s'exécutait. Une soupe au chou en entrée, avec son jarret. Rien de tel pour résister aux premiers froids. « Putain c'est bon » enchaînait Lolo. « Tu l'as dit mes couilles » lui rétorquait le Tcho sous l'oeil impassible de sa majesté Gilbert. Et il avait raison Lolo, c'était bon. Ensuite, des spaghettis al dente, avec une irrésitible sauce bolognaises. Du bon, du lourd, du sûr. On a les spaghettis que l'on mérite. La Jacouille y alla de son bravo maestro. Cela fit un flop. Pépé, attendri, consola notre Jacouille qui ne cessait de geindre : « Personne ne m'aime ». Ce qui est faux ; on l'aime notre Jacouille, avec ou sans flop.

Aux assiettes, le Maître est roi. Une samba digne de Gilberto Gil accompagnait son lancer de métronome. Il y eut quelques chutes ; elles étaient comme autant de notes bienvenues. "On dirait du Messiaen" s'exclama le Tcho qui s'y connaît en musique contemporaine. « De la samba à Messiaen, il y a un pas que je ne saurais franchir » avança JB, digne. Et d'ajouter : « D'ailleurs, je ne le franchirais pas. » Sur ce fait, La Piballle entonna les Vêpres à la Vierge. Rompant cette ambiance musicale, Jacouille dit : « Mieux vaut Lanquetot que trop tard » et d'avaler  son petit bout de camembert. Gilbert haussa les épaules.

Un riz au lait d'école clôtura le dîner. Le Maître le servit à la louche. Le riz au lait, c'est le caviar des écoliers. Sauf qu'on le sert après. C'est toujours la lutte entre l'avant et l'après. Arnaud dévora le riz au lait du Maître, comme pour mettre un terme définitif à sa course folle. Repu, il lâcha un rôt salvateur et un Amen qui satisfit La Piballe.

Une nuit mi-figue, mi-raisin, attendait les castors.

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