30 janvier 2014

Le cuistot de la semaine et la boulette de janvier

Par Le Barde

Il n'était qu'une poignée sur le pré. Quand la pluie fait des claquettes, le castor reste au trou. Le toulousain, lui, il est sur le pré. Pluie ou pas. Le toulousain, il a la gonfle dans le sang. Et il danse. Moi, j'avais, – car il est possible, n'est-ce pas, de parler de soi –, déserté les averses, m'en tenant au trou. En sorte que je ne puis parler de ce qui se passa à Victor-Louis où ils étaient six et où, dit Sabite, ils se sont bien amusés, malgré la pluie, le froid et le vent. Grâce leur soit rendue.

Au 1, rue de Bègles, Cruchot était en cuisine. Quelques rebelles aux nuages avaient fait le déplacement. Et les vieux étaient là. Ils sont toujours là les vieux. Jacqouille se prenait pour Raimu,  cartes en main. Sauf que Jacqouille, il a plutôt des allures de Paul Préboist, et que Mon curé chez les nudistes, ça ne vaut ni Un Clair de lune à Maubeuge ni Marius. La belote de comptoir accueillait un hôte de marque en la personne de Michel Malafosse, ancien joueur de Bourgoin, Grenoble et Brive.

L'entrée est à la cuisine ce que l'ouverture est à l'opéra. Elle décide de la suite. Suite qui, soit dit en passant, ne participe pas, en musique, de l'opéra puisqu'elle est une succession de pièces instrumentales, de même tonalité, mais de caractère et de rythmes différents. Guigui, en l'occurrence composa une suite.

Donc en entrée, nous eûmes une salade mêlant aux feuilles coupées en petits morceaux force croûtons et miettes de sardines. La sardine tient lieu de sauce annonça Guigui. Il convenait dès lors de touiller. A mon grand étonnement, nul n'entama l'air d'Allons à Messine. La faute à la pluie, sans doute, qui endort les âmes et les voix. D'ailleurs, Le Vieux 4 se tut, et l'on crut entendre le silence. Ce n'est pas moi qui l'ait dit, mais le Toulousain.

Janvier, c'est le mois des boulettes. On passe son temps à dire Bonne année, alors que l'on ne sait rien de ce qui sera et que l'on se retrouve souvent gros Jean comme devant. Pour saluer janvier, Guigui fit de délicieuses boulettes de viandes recouvertes d'une délicate sauce tomate. La cuisine est l'art d'accommoder les restes. La boulette est l'incarnation de cet art puisqu'elle assemble les restes de viande, les lie, les arrondit et les propose comme autant d'offrandes. Raz el hanout et coriandre, persil frais parfumaient les rogatons. Un riz bien sous tous rapports accommodait les boulettes. Oui, vive la boulette de janvier, la vraie, la boulette à Guigui. Alors Le Vieux 4 entonna C'est la boulette à Guigui, sous l'œil désespéré de Lolo.

Le lancer d'assiettes fut nickel. Un cador notre Guigui. Il est aussi à l'aise dans la boulette que dans le jet d'assiettes. Il y a là plus qu'une rime ; c'est une manière d'être.

La fin fut prodigieuse. Un brie aux truffes. Oui, aux truffes. Guigui avait découpé le susdit brie, fourrant ses entrailles laitières du divin champignon. Jacqouille, en bon charcutier, respira la chose et chanta l'Ave Verum de Mozart. « De la truffe à Mozart, il n'y a qu'un pas, dit-il. Et si, d'aventure, Guigui, tu avais fourré ton brie avec des trompettes de la mort, il va de soi que je me serais fendu du requiem. » En bon Salieri qu'il est, le Tcho bougonnait.

Et ce fut l'apothéose. Un tiramisu de rêve. Le trou, d'un seul homme, chanta le Gloria de Vivaldi. « Putain, ça c'est pas du Karlheinz Stokhausen », murmura la Jacqouille.

Peyo se substituant à What Else taquina la cafetière. Pas de cappuccino. N'importe. La fin approchait. Et la fin fut hélas. Dehors, le ciel était chagrin, et la pluie veillait au grain

1 commentaire:

Perdigue a dit…

Je te reconnais bien là, Mon Barde, la dernière rime est une pure merveille, même avec des claquettes...