10 février 2015

Si on se donnait rendez-vous à la table du Grand Thom…

Par Réglisse
 


Qu’il est bon ce lendemain de chandeleur. Les gros savent bien que ce jour dédié aux crêpes, la fameuse fête des chandelles est une dédicace divine à nos secondes lignes. La partie de crêpes est en effet une offrande au sacre du disque solaire dans les tumultes d’un hiver sans nom. Bien sûr, la chandeleur nous rappelle qu’on a fini de crécher. Que Jésus a été présenté au Temple de son Dieu. Et que surtout la crêpe reste liée aux chandelles comme les secondes lignes à leur adversaire en croix. Le rite est beau. Le sacrifice est immuable. Le talonneur dans sa posture divine entouré de ses colosses, n’ignore pas l’impact de cette tradition. Parfois sans mot, la crêpe s’annonce comme le messie. Le geste si imprévisible en devient invisible. Le son qui résonne ne sort pas de la bouche mais bien d’une main qui rencontre un nez. La frappe est souvent instantanée. Sa vitesse d’exécution et sa précision déstructure l’édifice humain si cher à la mêlée. Les prêtres qui officient ce rite, sont souvent au secret du groupe. Ils sont réservés à ceux qui sont coiffés d’un 4 ou d’un 5, souvent libérés de leur droite ou de leur gauche. Parfois, les secondes lignes choisissent leur offrande dans leurs propres lignes. Car rappelons-le, les têtes en quinconce, c’est compliqué surtout quand les oreilles se frottent aux fesses. Le rite respecte normalement le don des crêpes pour faire voir des chandelles aux premières lignes d’en face. J’ai entendu dire que certains dans leur main innocente, gardaient une pièce en or ou en argent, pour porter bonheur en envoyant leur sentence. Légende ou tradition…

Nos trois-quarts jaloux de cette fête dédiée à leurs avants chérissent aussi les crêpes et prennent facilement le bourdon, sans le cafard nécessaire aux muses qui taquinent la mélancolie. Il est vrai que derrière nos gros, nous avons des poètes. Tant dans leurs plumes que dans leurs tours de passes pour nous faire voyager dans le sublime du contre pied. Les pieds il faut en effet les compter quand la rime s’annonce. La rhétorique est une mathématique érotisée du phrasé. Nos trois-quarts ne se nomment pas ainsi par hasard. Quatre-quarts cela faisait trop gros. Puis dans la pâtisserie, les crêpes leur suffisent. Par conséquent, les trois quarts seront là pour taquiner les trous de la ligne d’en face. Ils ont en effet l’art du spectacle et le sens du beau. Leur jeu libéré, la tête toujours haute, du 9 au 15, ils endossent leurs fameuses prises de trou…badour.

Ainsi, la journée des castors ne débuta pas au pré des écoliers, mais bien aux chants des secondes lignes. C’est la grand Thom qui ouvrit le bal dans la boite aux mails. Il rappela qu’au trou du soir c’est lui qui régale. Il n'en fallait pas plus pour que la solidarité qui rapproche le vieux 4 au 5 pour alimenter les discussions. Le plaisir de retrouver le toulousain qui dans sa ville si chère compte à la fois les pieds et les rimes qui le séparent de ses castors. Des joutes poétiques se lancèrent au gré de la journée. Les lignes ne se limitèrent pas à la seconde. Le combat sans balle s’exécuta jusqu’à tard dans la journée.

Fini le lièvre et la tortue pour les culottes courtes, il n’y a pas de lieu pour glisser sa prose. Lisez, méditez, rêvez…
  

J’ai depuis quelques jours
La tripaille qui bloque
Me suis mis au yogourt
Et rêvé d’être phoque

Ne voyant rien venir
J’alerte le docteur
Il me reçoit sur l’heure
Et pour me bien guérir

Me donne des cachets
Que je prends instamment
Pour me débarrasser
De cet agacement

Comment décrire ici
Ce que fut ma journée…
Je suis resté assis
Dans les commodités

Et c’est pourquoi ce soir
Que grand Tom me pardonne
Bien que n’étant pas couard
Vous connaissez l’bonhomme

C’est avec grand regret
Taraudé par l’angoisse
Que je resterai prés
De ma zone de « chasse »

Mozart – 9 –
 

Il n'est de bonne cuisine
Que la cuisine maison ;
Elle sied au 2ème ligne
Qu'il soit quatre ou vieux con.

Je quitterai ma mie
Je rejoindrai le trou
Où le Tom est commis
Pour nous mettre à genoux

Ce soir, chantonnant
Des airs espagnols
Je braverais le temps
Je louerais la pignole

Je remplacerais Pioupiou
Et son père Abraham,
Idem pour Guitou
Et ses plages en larmes

Ah ! Dieu, je m'impatiente,
Je tremble, je n'en peux mais,
Le quotidien est fiente
À qui ne sait aimer.

À ce soir mes castors,
Mes rebelles, mes frères,
Mes loirs, mes cadors,
Tout le reste est poussière.

Le Barde – 10 –


Sur le pré des écoliers, nous étions une petite vingtaine à taquiner la gonfle. La nuit est avancée, le froid sur la peau, les poètes au chaud et Domi à l’aile. La « beuchigue » a dû en faire des aller-retours pour s’aplatir derrière la ligne. Point de mots sur le sujet la journée fut assez riche pour partir directement au trou.

C’est le grand Thom qui est de la partie. Pour ceux qui ne connaissent pas le grand Thom il faut juste savoir que pour tout rendez-vous sportif ou culinaire notre Grand Thom n’est jamais aux abonnés absents. Il navigue dans les capitales mais pour les grands rendez-vous, nous pouvons compter sur lui. Les vieux castors le savent bien et n’ont pas oublié son tour de bouffe. En entrée, nous avions une garbure, pas n’importe quelle garbure, une GARBURE… Pour les nostalgiques de la soupe aux Choux sur ce coup notre Grand Thom gagne le Louis d’or… La garbure était l’aliment quotidien des paysans gascons. La recette consiste à faire cuire longuement un assortiment de légumes et de viandes en général confites. Elle peut se servir en potage ou en plat de résistance et être adaptée aux besoins de chacun. Pour cette fois, elle servira d’entrée, chaque cuillère était une découverte gustative. Le petit plus est dans une touche subtile (le grand Thom est seconde ligne) de coriandre qui donne à cette soupe des saveurs tant du terroir béarnais que d’évasion orientale. Le béret de pépé se transformait à chaque gorgée en fez. Rassurez-vous pour le chabrot point de fez sur le chef mais bien le béret en pointe. La garbure a ses légumes mais aussi ses bouts de lards et confits, une véritable symphonie culinaire. D’ailleurs le Sabite se boira dans les assiettes creuses. La Fée si proche du fez, retrouvait dans ces plaisirs des sens ces ambiances perdues dans les vieux marchés de Sicile. Tout ça pour dire que les palais en prirent un coup. Normal pour un seconde ligne de bouffe … valent mieux qu’une. Pépé sous son fez avait des sueurs, sur sa calculette, le crayon à la main ; il réfléchit sur la note à décerner pour ce détournement des sens. Il paraitrait que le niveau cette année est relevé comme certaines mêlées. Le lauréat 2014, dans son ultime charge à la russe, avait remporté le titre sans discussion. La victoire finale semble se jouer avec 3 chiffres après la virgule pour vous dire que les vieux prennent leur rôle au sérieux. Pépé n’est pas impressionné par le physique de notre hôte. Sachant très bien, que l’entente seconde ligne et première ligne c’est comme cul et chemise. Mais le talent de chef cuistot le désarçonne. Cette année les gros sont encore de la partie.


En touche nous annonçons les secondes lignes à travers un code subtil de chiffre et de ville, parfois de prénom de fille. L’annonce pour ce soir était faite. Il y aura des lasagnes aux confits. Il n’est pas bon d’être canard chez le Grand Thom. Pour vous décrire le sublime de la création je vais utiliser pour les absents le visuel puisque le gustatif est complexe à partager sur un blog. Fermez les yeux et visualisez la chapelle Sixtine, et Michel Ange qui fait rencontrer par le bout du doigt (clin d’œil pour les Archis), l’Homme et son Dieu. Imaginez toujours cette scène dans la beauté de l’Art de la Renaissance, la représentation de la main de notre seconde ligne sur le nez d’un talonneur. Gardez les yeux fermés sinon ça ne marche pas. La puissance, la beauté… la poire ! Et bien, les lasagnes aux confits dans ses épinards, c’est ça ! Les absents ont toujours tort, les présents en prennent encore… et je garde la rime et non la ligne.

Le lancer d’assiette pour le seconde ligne qui se respecte n’est pas dans son cahier des charges. Il saute, il déblaie, il réceptionne, mais le lancer ne lui correspond pas. Il envoie des crêpes je vous l’accorde mais bon. Notre Grand Thom, lui il cuisine. Le lancer des assiettes a transformé le béret de pépé en képi de gendarme. Un final somptueux de départ et de chute de crêpe blanche. A la fois magique et sonore. A ce propos, il va falloir refaire le plein d’assiette…

Le fromage du Saint Nectaire. Une mousse au chocolat solide comme notre gaillard. Et nous voilà au comptoir.

Point de jour sans nuit, point de joie sans peine, point de blog sans blogger, point de rugby sans plaisir, point de mots sans amour…
 

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