Par Le Barde et Réglisse
Le temps était couci couça. Quelques nuages jouaient au chat et à la souris avec le ciel. Encore une poignée de mardis et les castors prendront leurs quartiers d'été. Pour l'heure, la gonfle est toujours de saison ; nous étions une petite vingtaine. Les jeunes l'emportaient en nombre. Titi, Hamilton, Dudu, Cary Grant rappelaient ce que nous devons au temps qui passe. Croucrou itou. Mais avec plus de vigueur. Il balance entre deux âges, si l'on veut. Lorsqu'il saisit avec hargne le ballon, qu'il dresse ses ergots, baisse légèrement ses épaules et affronte sans détours la ligne adverse, il demeure ce qu'il fut : un taureau de la plus belle race, un miura.
Nous nous installâmes sur une bonne moitié de terrain avant que des gouttes d'eau inopportunes ne nous en chassent. La faute à l'arrosage. Pas à la pluie. Nous occupâmes donc l'autre moitié. Les jambes étaient lourdes et les bras peu amènes. Les passes trouvaient trop rarement preneurs. La béchigue tutoyait le pré plus que de raison. Oui, la saison touche à sa fin. Et le toucher devient approximatif. Qu'importe, il ne s'agit que d'un jeu, un lien, un trait d'union. Et cela suffit à nous rendre heureux.
Las, fourbus, nous rejoignîmes les vestiaires.
Au trou, Luc, appuyé par la Jacouille, était commis d'office par notre abécédaire.
Il y a du skywalker dans notre luc à nous. Il a du bionique dans cet homme en un seul mot. L’homme comme dans la saga a su user quelques ménisques et rotules pour se décider à s’occuper uniquement des fourneaux pour satisfaire ses castors. Lorsque il joue, Luc il compose, son domaine n’est pas la dentelle, même si sa précision dans l’arraché du ruban est dévastatrice pour l’audacieux qui s’oppose à lui. La force est présente mais les genoux ne suivent plus. C’est ainsi, la sagesse supplée à la Force pour se mettre en cuisine. Il est ainsi de tradition dans cette quête de devenir rugbystique de s’affilier à un père du côté os dur pour guider l’art de la gonfle à la sagesse de la tablée. Imaginez le père Escassut dans sa cape noire et son masque à oxygène répliquant : « Luc, Luc, je rajoute du sel ! ». La réponse se fera en goutant la salade piémontaise. Jeunesse ingrate et insouciante ! Le lien est complexe mais nous savons tous que nous jouons le mardi et pour le retour du jedi c’est un peu trop tôt. Donc Luc lança les hostilités offrant à ses padawans, le plaisir d’une salade sans verdure. La tablée est remplie. Point d’homme au comptoir. Le trou est ainsi, les hommes se font rares en cette fin de saison. Heureusement CrouCrou et Lolo sont de la partie pour représenter et encadrer les ultimes liens de la force. Les Sages aussi sont présents, omniprésents. La force tu chériras et à 22 heures tu mangeras. Pépé quand il parle a les oreilles qui bougent, un vrai maître Mardaïe !
Lorsque la gamelle vint et que nous la scrutâmes, nous crûmes reconnaître une sauce bolognaise. Le riz qui la prolongeait fit dire à Lolo que nous allions goûter du riz bolognaise. Une variante aux relents asiatiques de la botte. La réalité était tout autre. Luc avait concocté une axoa, plat typique du pays basque, que l’on sert les jours de foire et que l'on réalise à sa façon, bien qu’il contienne toujours les mêmes produits de base comme la viande de bœuf -ou de veau- émincée, les épices, les piments et les oignons. Luc avait pris ses aises avec la tradition. Il marquait son territoire. Rien à voir avec l'axoa du vieux quatre. Pas d'attentat, pas de piments. Beaucoup de douceur. Et chacun d'apprécier a sa juste valeur ces libertés prises avec les règles culinaires d'un pays où la fusion est toujours improbable.
La discussion tourna longtemps autour du départ de Vincent Etcheto de l'UBB. On restait en Pays Basque. Cary Grant nous donna les explications du divorce. La folie ne se prête pas toujours aux nécessités du résultat. La messe était dite depuis quelques mois. La vie continue. Sans Vincent. On ignore qui le remplacera. Prions pour que la flamme du beau jeu ne s'efface pas, et que l'efficace ne l'emporte pas sur la beauté. Un juste équilibre sera le bienvenu.
Amélie avait les traits tirés. Il est fatigué Amélie. Pépé était en pleine forme. Et Pioupiou toujours aussi monotone dans ses chants. La jeune garde suivait ses rengaines répétitives. On ne lui en tiendra pas rigueur.
Luc rompit le jeune pour se prier aux rites du trou. Le Dark Escassut abandonna son fils spirituel pour retrouver un autre plus spiritueux. Même si pour le lancer d’assiette sa concentration nous laissa imaginer que la force reste bienveillante pour la survie de ses satellites immaculés. A chaque lancer de Luc, l’homme de l’Os Dur clignait des yeux. Son vrai fils fredonnait. Lolo a confiance dans la force. Il lui tourne même le dos pendant que pioupiou lui donne le La. Quelques assiettes ne purent être sauvées. Il en va ainsi des forces démesurées en présence. Le Bien et le Mal, la Force et l’Obscure, ont brisées bien des envols pour trouver un semblant d’équilibre. Le poulpe lui, est au dessus de tout ça, il a ses huit bras. Mais bon, le fromage prit la suite, le plaisir lacté est ainsi fait. Une régression du trou aux instincts oubliés d’un monde sans féminin. Nous n’habitons pas la voie lactée pour vivre un dessert sans fromage.
Le dessert sans café. C’est ainsi, les habitudes sont rudes et tous ses combats mythiques ne pourront rien changer. Le titi par la pensée réclama le café. La porte du frigo s’ouvrit mais point de café, point de get non plus. Point de remarques ce soir Luc est avec nous. Nous profitâmes des présents et nous prîmes rassasiés la direction de nos planètes respectives.
La nuit nous attendait. Les étoiles au ciel faisaient un doux froufrou. Le trou se vidait. Un à un les castors regagnèrent leurs pénates. Lolo chantait la Norma en pensant à sa Sarah Bernhardt.
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