Je n'y étais pas. Ni sur le pré, ni au trou. La faute à Mozart. Pas JB, mais le salzbourgeois. Et à sa grande messe en ut mineur. Je laisse donc la baguette à Réglisse, le gendre de notre Mozart. On reste donc en famille.
Ce n'est pas bien, je l'avoue, de faire faux bond à Hamilton. Le temps est une garce. Mais étais-je si loin d'Hamilton. S'il possède la grâce en photographie, comme Wolfi pour la musique, c'est aussi un mélomane averti. Comment ne pas voir, en outre, dans les herbes folles auxquelles il donne une présence d'art, une correspondance avec le plus humain et le plus délicat des musiciens ? Il y a une musique de la photographie, une mesure, qui enchante. Hamilton est un enchanteur. Je ne doute pas que sa cuisine fut aussi à la hauteur de ce qu'il est, sobre et juste.
En fait, j'étais donc un peu là. Même si l'auditorium n'est ni un pré, ni un trou, il n'en est pas moins une scène où bien des émotions circulent. Et Wolfi n'aimait rien tant que rire et faire des bons mots. Ce qui ne l'épargnait pas de mettre de la grâce dans chacune de ses compositions. Comme JB avec la passe ou Hamilton avec ses objectifs.
L’herbe pousse
sur le pré. Le tapis de chlorophylle commence à perdre de sa splendeur aux
brûlures estivales. Maintenant nous sommes bien loin de l’automne et si proche
de l’été. Les jours passent, les saisons se suivent et l’appel du ballon reste.
Il y a toujours des absents et toujours des présents. Des départs, des retours,
des permanents sont les principes d’une vie en mouvement. Sans entrée et sans
sortie le système est fragile, principes d’entropie obligent. La nature est
ainsi faite à l’image de l’homme, elle ne supporte pas le vide et s’arrange
pour que chaque chose est une place. Nous, le vide nous le prenons à notre
compte. Pour nous, le vide c’est le trou. Prendre le trou est une base du jeu
du Mardi soir. Sans trou, pas de vide et le mouvement n’a pas de sens.
L’équilibre est dans le trou. On croirait entendre Pépé dans une préparation
d’avant match. Le jeu est rôdé. Les hommes miment une danse immuable
d’ouvertures et de fermetures qui ne laissent que prières à la volonté divine. Même
si tout mouvement se rapproche par essence de la création. Vu d’en haut, les
lignes sont faites pour se croiser. L’une perpendiculaire aux côtés ou
parallèle à la ligne de marque, l’autre est en pointe, parfois en triangle.
C’est le ballon qui décide de la bonne configuration. Son absence rend la ligne
droite, sa possession crée la bascule. Pour en revenir au trou, nous le
retrouvons dans la ligne qui géométriquement parlant est la plus identifiable. Celle
qui se segmente quand le jeu s’étire. Pourtant le toucher est ingrat car un
effleuré, voire un souffle au collet interrompt la prise qu’il faut alors
recommencer. Le mouvement reprend et se perpétue jusqu’à ce que trou se fasse.
Serge a pris
ses repères de filou. Le tarbais n’est pas le dernier à animer la prise du
trou. Dudu reste dans le jeu, se contentant à chaque rencontre d’aplatir le
ballon derrière la ligne. Maxime, Jeff, la Piballe brillèrent dans leur jeu de ligne. Walid
est de retour sur le pré ! Pour sa reprise il n’épargna pas ses
adversaires de sa nouvelle feinte. Ce n’est pas celle à l’aile où son cadrage
retourné triple axel crée le trou. Il s’est fait cette fois-ci au centre, Walid
joue au centre, c’est bien connu. Pas besoin de créer un trou au centre lorsque
tu sais le faire à l’aile. Mais bon Walid est comme ça. Le trou, il le prend un
point c’est trou !
Il n’y a pas
de trou dans le tennis, sinon les balles traverseraient les raquettes. C’est
logique, la prise de trou par la balle ne serait alors pour ainsi dire qu’un
basket à deux joueurs. D’où l’intérêt du filet et des règles qui ne respectent
pas le trou. Mais bon, Roland Garros oblige ! Nous arrêtâmes le score à un
parfait début de jeu de set. 15 à 15 fut notre exploit. A ce propos, ils ont
une drôle façon de compter les tennismen. Chez nous, c’est le tarbais qui
compte. Les essais comptent 1 point après il faut compter sur ses doigts, d’où
l’intérêt d’être nombreux pour marquer les essais. Plus il y a de mains, mieux
c’est ! Sinon nous sommes limités aux appendices pyrénéens.
L’appel du
dernier, la direction des vestiaires, les douches toujours chaudes,
l’habillage, le coiffage et la direction du trou.
Ce soir c’est
Alain qui est de bouffe. Alain a l’habitude d’être de bouffe quand il n’est pas
sur le terrain. Il y a cette constance en lui qui le rend indispensable et
permanent sur le pré. Les mathématiciens utiliseraient une équation à entrées
multiples pour réfléchir sur la probabilité des raisons de son absentéisme et
le résultat en serait limité à celui de son tour de bouffe. C’est un artiste dégagé
notre cuistot du soir pour reprendre du Desproges en herbe. Pourquoi se lancer
dans le superflu quand l’assiette d’entrée peut trouver son âme d’accueil dans
la simplicité. Le vert sied à nos plaisirs de coureurs des prés. Par conséquent
l’ouverture se fera en salade. Une assiette blanche et de la salade verte.
L’art trouve sa sève dans le sublime de la transformation. La sauce vinaigrée sera
un plus qui se passe de mains en mains pour arriver au bout de table. Nous
étions pour ainsi dire mis au vers du poète et mal dans nos ascètes. Il a fallu
garder foi en notre Hamilton, et il nous en servit avec un « e ». L’art
s’enrichit de l’extase qu’il procure. Ce n’est pas Boudha qui me contredira. Il
lui a fallut un temps de diète et de salade pour découvrir le noyau des choses.
L’attente pour nous fut moins longue, entrainement du castor oblige pour trouver
les foies. « Le foie transforme la salade ! » comme « la
foi transporte les montagnes ! ». Nous nous rapprochâmes des saints
et en particulier de Matthieu dans cette entrée en matière.
Le vin était
du Sabite. Pour éveiller la foi le vin est bon ! Mais bon l’attente
mobilisa les saintes paroles, n’est-ce pas lorsque l’estomac est vide que l’âme
se grandit. Jean-Phi en transe libéra des paroles mystiques dignes de la Pythie. Nous savons tous que « La
pythie vient en mangeant ! ». Le parler est compréhensible, point
nécessaire de prêtres traducteurs. « Le prix s’oublie la qualité
reste » s’écria le prêtre de la vigne. Le silence se fit. L’oracle avait
parlé et lâcha l’entrée pour se replonger dans son ascète.
La suite se
fit attendre. Le poète cuistot est sage. Le temps il a déjà pensé et donc
apprivoisé. Point d’accélération, c’est le cuistot qui tient les rênes. La
surprise fut dans le choix des légumes. Le castor joueur est carnassier à ses
heures et patatophile par excellence. La patate, le riz, les pâtes dans le
style féculent pour le sportif c’est du garanti satisfait. Notre hôte nous
surpris dans sa mise à plat de son œuvre du soir. Le tableau tient dans la
cocotte, « petits farcis aux asperges ». La sentence est tombée.
L’illumination se poursuivra avec le plat. La quête spirituelle ne trouve dans
la chair que frustration. Le silence se fit, les castors jésuites évitèrent de
justesse la tonsure. Seul Tcho et Pépé brillent par nature de cette coupe. La
mise en bouche permit en effet de renouer avec le monde des repentants du
jardin d’Eden. La recette est du coin. Alain a la qualité de nous faire
découvrir les plaisirs du monde qui sont paradoxalement si proche de nous et si
loin à la fois. N’est-ce pas là, la substance originale de l’artiste. Son style
nous donna à sa manière la fameuse patate.
C’est bien
beau la quête spirituelle, il est venu le temps de lancer les assiettes. Le
fromage ne fut pas du « chaussés aux moines », cette appellation
d’origine contrôlée qui fait naître systématiquement une larme à l’œil chez nos
anciens piliers de table. Il parait que certaines douleurs élèvent l’âme. Nous
eûmes du Brie. Les hommes dans leur quête retrouvèrent leur âme d’enfant. Les
fraises en dessert armèrent certains d’une crème chantilly projetable à
souhait. Les pénitents se libérèrent de leurs chemises. La quête du paradis
n’est pas une tâche comme les autres. Elle ne laisse normalement pas de trace comme
la crème. Le cérémonial terminé, Titi l’âme libéré de tous pêchés, le cœur
purifié prononça la prière du café.
Maxime s’occupa de la quête.
Point de bonheur qui se paie.
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