05 décembre 2015

Le cuistot de Bouffe, un fumée sans Dudu ça n'existe pas...

Par Réglisse et Le Barde



L'hiver montre le bout de son nez ; il faisait frisquet, raisonnablement frisquet. Le pré était, humide, le ballon glissant, le rythme allègre. Le castor finit l'année sur un ton vif.
Don et Cary Grant étaient là. Nous étions seize. Seul Dudu manquait, abécédaire oblige. Serge et Seb s'affrontaient. Les passes furent malhabiles et le ballon joncha le pré plus que de coutume. Rien à voir avec Seb ou Serge. Une affaire de temps tout au plus, lorsque l'hiver et ses frimas pointe à la porte ; le castor est cigale. Les commentaires furent parcimonieux. Il y eut même ce qu'il faut de clémence pour que l'esprit du jeu et l'esprit des lois se confondent. Un parfum d'équilibre en somme au pays de Montesquieu.

Croucrou n'éleva la voix que par intermittence. Léo, lui, tout de noir vêtu, en hommage à Jonah, retrouvait ses marques et ses deux Eric. Oui, les trois grâces étaient de pré en ce premier jour de décembre. Quelques castors de plus n'eussent pas été de trop pour épouser toute l'étendue du pré. N'importe, le corps exultait. Plus le périmètre se réduit, plus le corps est à la fête. Une géométrie sensible en quelque sorte, dictée par le nombre.

Ceint d'un tablier au rouge prononcé, lacéré de vert, pigmenté en son sein par quelques piments d'Espelette, Dudu nous attendait. Ce clin d'œil d'un béarnais au pays basque avait quelque chose d'émouvant. Tom n'était pas des nôtres pour l'apprécier. On ne lui en tiendra pas rigueur. Tom est un père castor, il doit partager ses devoirs.

Dudu pestait contre les plaques électriques. En bref, il était a la bourre. Les plaques avaient bon dos. Comme ceux du pré étaient en retard, les plaques étaient, au bout du compte, opportunes. Pépé gronda un peu. En bon gardien du trou. Peu à peu, les gens du pré rejoignirent ceux qui étaient à demeure. L'assemblée était clairsemée hélas. Pourtant la chère n'est pas triste. Surtout lorsque Dudu la sert avec le talent ibérique qu'on lui connaît. Dudu fait dans l'éternité. Il prolonge sans fin ce qui fut, en sorte que passé et présent ne font qu'un. Dudu, c'est le temps retrouvé à chaque seconde.

Le Dudu a des principes. Le premier tient dans l’anisé. Point de ballon mais une chope pour le contenir et rafraîchir l’homme au travail. Le jaune est clair car il l’aime bien arrosé. La saveur est ainsi l’homme est du Sud. Pour la réception, il se tiendra à la soupe. C’est son second principe. Le Dudu est chasseur, il a pris le temps d’observer, d’étudier, les habitudes de ses castors. Le gaspacho est devenu hors saison. Mais la soupe au poisson se mélange aux fraicheurs hivernales. La mer n’a pas de frontière et connait toute les saisons. Bref le choix ne fut pas dans le pâté mais dans une bonne soupe. Certains trainaient au comptoir à conter je ne sais quoi, pendant que certains réfléchissaient déjà à la deuxième tournée. La soupe est un liquide qui par principe aussi s’évapore quand l’ambiance est chaude. Pour ralentir le processus Dudu avait prévu de la Rouille, des croutons aillés et du fromage râpé. Le tout permit aux retardataires de vite rejoindre la masse pour éviter l’angoisse de la feuille blanche pour certains et d’une assiette vide pour d’autres. Le Sabite est toujours à table. Son côté marin le rend chanteur. C’est magique. Le rouge est en attente puisque du blanc s’associe à la mer. La lune attire la mer, la marée ses cycles, le Dudu sa troupe.

La suite est logique. Le Dudu a deux maîtresses, la pelouse et la paella. Pour la paella comme pour la pelouse, le cuistot du soir a le sens du partage. Après un temps indispensable pour le connaisseur classé hors d’âge, d’apprécier les qualités de chacun. La passe courbée de l’un, la pénétration de l’autre, la technique du croisé en aveugle, bref toutes les qualités d’un jeu collectif, il choisit son camp et exploite au mieux ses connaissances. Il aime le jeu et par principe le bon jeu. Pour la paella, c’est pareil. La technique du service est par conséquent bien travaillée. Les grandes stars ne rentrent jamais sur scène sans un petit coup de fumée. Dominique l’a formé en Sicile. Les fumerolles divulguent bien les volcans. Les sens embués, les poumons à la limite de l’asphyxie, l’attente est trop forte. Nous attendîmes la soufflerie pour libérer le spectacle. Point de bons mots sans bon souffleur ! Ce que nous eûmes c’est un appel. « Un gros bras, sinon rien ! ». La consigne est claire à l’opposé de notre visibilité. Dudu s’exprime ainsi, point de nuance, le direct a cette qualité de marquer et de nourrir les hommes. Le code vient de la cuisine. Jean Phi enfila son masque sortit son bras pour suppléer à la charge l’homme de table. La sortie est magique. Le plat est grand. Les écrevisses taquinent les moules, le riz les bouts de chorizos et les petits pois sont verts. Les Eric sont en ligne. Formation qu’ils n’ont pas quittée depuis l’aire de jeu. Plus de lancer de bout de pain, la leçon est apprise. Le castor s’adapte et reste joueur. L’homme se reconnaitra même s’il se cache dans le trio. Il et ténor à ses heures. Bref à défaut de jouer à la baguette il la lance. Pépé retrouva son képi de gendarme. Et Jeff prit au sens propre comme au sens figuré un pain dans la gueule. Comme quoi les bouts de pain sont moins dévastateurs… « Un Eric, sinon rien ! » s’exclama le Tcho. Le souffle fit son effet. L’homme est de tablée présidentielle la semaine prochaine. Le Jacquot est de la partie. Les Eric sont avertis. Et les autres n’auront qu’à bien se tenir. La semaine prochaine ce sont les vieux…les anciens…les bérets…qui régalent. Les vieux ont des principes eux aussi, le rendez-vous est fixé à 22 heures pétantes. Ils nous préparent un soufflet autrement. Le trou a ses générations et cela est bon !

Dudu a la main sûre. Le lancer d'assiettes ne fut qu'une formalité. La seule fausse note vint du Tcho. Même la Jacouille fut adroite. Le Poulpe alors y alla de ses tentacules trouvant en Léo un complice parfait. Titi en rajouta un peu. La rime fut riche. Il ne manqua que la renoncule, le pédoncule, la tarentule et le bidule. Il est vrai que sans Perdigue la rime en ule perd beaucoup de son charme. jean-Phi assonance sans jamais être assommant. Tout un art. "Rimez faiblement, assonez si vous voulez, mais rimez ou assonez , pas de vers français sans cela." Ce n'est pas Jean-Phi qui le dit mais Verlaine. Il y a du Verlaine dans Jean-Phi.

Les plâtriers en remirent une couche sur leur prétention présidentielle. On eut droit au Patriball. Il y avait de la fée dans l'air. Même si la fée n'était pas là.

Côté fromage, Dudu avait poussé l'altruisme jusqu'à le découper en tranches. Du rouge, du coulant et du Cousteron peut-être.La paella avait refréné nos ardeurs. De trop nombreux morceaux ne trouvèrent pas preneurs. Ceux qui attendaient de la pâtisserie en furent pour leur frais. Des clémentines. Rien que des clémentines. Un fruit d'hiver il est vrai, la madeleine de bien des adultes.

La grappe de castors se réunit autour d'une belote de comptoir. A l'exception du barde, de son bardinet qui poussèrent la chansonnette et déclamèrent qui du Racine, qui du Corneille. Le vieux quatre en resta tout pantois.

Au sortir du trou, Amélie s'emmitoufla dans la nuit à la recherche d'un peu de fraîcheur. Il regarda les étoiles et sourit.

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