Par Réglisse et Le Barde
La pluie cessa dès que nous fûmes sur le pré. Comme si elle attendait de voir avant de faire des siennes. Nul doute qu'elle fut ravie ; pas une goutte. Nous n'étions qu'une douzaine à courir après le cuir ; en sorte que la ligne des 22 mètres s'imposa comme frontière. Un petit périmètre en somme mais qui ne fut pas avare de belles choses.
La partie fut équilibrée et vive. Le castor porte beau en automne. L'hiver n'a qu'à bien se tenir. Jeff était en forme. Il pesta contre ses quelques fautes de mains, mais il alla souvent à dam. Il y eut beaucoup de croisées, quelques surnombres bien négociés, d'autres un peu moins. Le rugby est un sport d'ailes. Ou, si l'on veut, un sport d'oiseaux. Oui, le pré est notre ciel. Léo était enfin parmi nous. Il n'a rien perdu de ses charmes rugbystiques. Le beau jeu l'emporta sans conteste. Sous l'œil expert de Dudu. Croucrou rejoignit les siens sur le tard et se fondit dans l'excellence qui régnait. Il y avait bien longtemps que les trois grâces (les trois Eric) n'avaient joué ensemble. Le pré est alerte et guilleret. Quelques soupçons de castors en plus, et tout sera parfait. Même si avec peu, on peut faire de l'or. Le rugby est une alchimie.
Au trou, Patrick (Dinclaux) s'exerçait. Pascal Apercé était des nôtres. L'Amiral était également là. Sur la table, les plats accueillaient feuilles de salade et tomates dans l'attente de samoussas, ce beignet triangulaire, originaire du nord de l'Inde, composé d'une fine pâte de blé enrobant une farce faite de légumes ou de viande, de piment et d'épices. Le samoussa était parfait. Pour le plus grand bonheur du Poulpe et de La Piballe. L'Inde est toujours la bienvenue au trou. Le trou, c'est l'universel moins les murs.
Aux bouts de table siégeaient d’un côté les piliers et de l’autre les secondes lignes. Tant d’écart entre ces hommes que le combat de la mêlée n’a su que rapprocher. Les piliers ont choisi leurs camps, prés du frigo et de la cuisine. La douche oblige, les étaies eux se rapprocheront de la télé. Le bar sera dégagé de toute assiette puisque toute la compagnie tiendra dans la tablée. C’est ainsi !
Les jeunes, stagiaires et archis sont dans une ère où l’image a son sens. Point d’action sans ralenti. Point de médaille sans caméra. Point d’histoire sans écran ! Les tours de contrôle pour la soirée sont en fait des troisièmes lignes. Les troisièmes lignes ont pour logique de seconder les secondes qui maintiennent eux la première. Pour le repas, il faudra mesurer plus d’1 mètre et 85 centimètres, gel de tension accepté pour les mèches rebelles. La sanction est de se poser au bout de la table. Les piliers n’en ont pas besoin, du gel ! Le béret fera l’affaire. Jeff et Bernachatte se prêteront à cet exercice. Le principe de taille se résigne dans la variance d’un centre de gravité plus mobile. L’équilibre est instable mais l’esprit bien en hauteur. L’ambiance malgré la hauteur était rigole et frivole. Le centre de gravité est uniquement mis à mal pour le toucher. La discussion en revanche allez bon train, et Jeff n’hésita pas une seconde pour demander plusieurs coups de « samousalade ».
La fusion est belle, l’amalgame se respecte, le palais explose. C’est une règle fondamentale des hommes de premières lignes.
La nature, nous le rappellerons jamais assez, rigole dans la diversité. Les archis sont organisés dans le trou. Les piliers sont faits pour maintenir les édifices et supportent par nature le poids des autres et dans une autre mesure le poids du temps. Les piliers méritent des étaies. Les piliers qui siègent du coté de la cuisine sont des colosses. Malgré la pluie Pépé garde la baguette pour les copains. Le Tcho lui garde sa fameuse tenue de conduite. Et Jacquot veille toujours aux bons grains. Patrick a son saint et se positionne en son sein. L’édifice est sacré. Il faudra du mental pour alimenter la soirée. L’homme à l’occasion est coach. Et ce soir il prépare ses troupes pour une envolée gustative. Mais le mental n’est rien sans sa saucisse. Si Freud m’était conté… L’homme souhaite satisfaire l’estomac de ses hommes. Le plaisir est une chose, le mental une matière à coacher. Point de stress pour le tour de bouffe puisque tout se fait sous contrôle. L’art du coaching selon saint Patrick est de circonstance. La gestion du stress dans la vie comme au trou, c’est son affaire. Les piliers sont entre de bonnes mains, rien de tels que des hommes d’expérience qui philosophent ou qui tout simplement espère aimer la vie. Jacquot en équilibre, se prêta à citer Oscar Wilde « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles. ». Le Tcho hésita à sortir sa fusée. Il conduit et pilote toujours quand l’occasion s’y prête. Le Barde est dans son élément, des bons mots, du Sabite dans le verre et de la saucisse pour épicer la Réunion. « Les bons mots coach ! C’est bien ! Mais envoie la saucisse ! » s’exclama Jeff qui a déjà la tête dans les étoiles. Bernachatte les yeux fermés, le samoussa en son troisième chakra, zen toujours. De la Réunion à Montbéliard seule la saucisse nous sépare. Le riz est à volonté. Le cuistot sait que le mental sans son estomac comblé s’éloigne par nature des illusions castoriennes. Le coach de table gère. Le rythme est approprié, point de presto mais bien de l’allegro dans l’âme.
L’ « allez gros » se prête toujours à merveille pour les hommes de mêlée !
Le lancer d'assiettes fut si paisible. Seule la Jacouille laissa échapper la précieuse offrande. La faute aux premiers froids sans doute. Pépé fut encore magistral dans sa réception. Un immense brie que Patrick avait pris soin de découper en autant de tranches fit le bonheur de l'assemblée. Avec ce qu'il convient de Sabite pour l'accompagner. Comme le trou est verbal, les conversations allaient bon train. Le monde avait enfin trouvé la paix dans ce havre de sagesse. Sous l'œil vigilant de Tcho, le chantre de l'octave. Jusqu'au plus intime de son être.
Les tartes vinrent comme une évidence. Comme chacun le sait, tarte est étymologiquement une variante de tourte, du latin torta, ellipse de torta panis(« pain rond »). Mais la tarte aussi désigné une beigne, ou une bouffe si l'on préfère. J'ignore l'origine de cette variante et peu importe.
Le bardinet, faute de What Else qui nous manque, fut, comme souvent de café. Le trou paisiblement se vida. Dehors, une pluie chafouine embrassait le pavé. Léo n'en avait cure et chanta Flying on the moon. Notre crooner est de retour. La vie est belle.
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