28 janvier 2017

Le cuistot de Bouffe : Lasagne à la Ithurbide !

Par le Barde, Bardibule et Bardatruc



Il faisait froid. La bise n'y était pas étrangère. Nous fûmes dix-sept à braver les humeurs de l'hiver. Nos mains gourdes mirent quelques minutes à recouvrer un peu de chaleur. On a beau sentir le rugby, quand le temps est au froid, l'exercice est plus délicat. Et le ballon de tomber plus que de coutume. Force est de reconnaître que les langues, elles, ne restent pas au chaud dans leur glotte. On causait beaucoup. Surtout dans l'équipe qui avait la bise dans le dos. Un effet de la théorie des climats. Et c'est tout naturellement l'équipe faisant face à la bise qui prit le dessus. Nous restons dans la théorie des climats. La force naît de l'adversité. Face à la bise, la seule réponse, c'est l'attaque, le panache. Alors qu'avec la bise dans le dos, on se grise, on perd la raison et l'on demeure coi devant l'adversaire. Pour compenser, on tchatche (rime avec Bernatetchate) de dépit. Il faut relire l'hôte de La Brède. Et l'adapter aux soirs d'hiver sur le pré. Une façon juste de vérifier sa pertinence.

Un entraînement nordique !
Evelyne Dheliat était formelle et avait prévenu, ça allait cailler.
C'est donc par une température inférieure à 0 degré que les "casgouins" , à savoir un castor se transformant en pingouin, entrèrent sur la banquise balayée par un vent du nord glacial. Bon, pour Hamilton, il venait de l'ouest. Tout dépend du point de vue argumentait-il en photographe philosophe…
J’aimerais bien savoir ce qu’il pense notre shooter de l’utilisation de la caméra frontale pour photographier un paysage : est-ce un "landscape-selfie" ou tout simplement une erreur de manipulation ! Tout dépend du point de vue…

Mais reprenons, la transformation du "casgouin" commence par les extrémités. Ainsi côté membres inférieurs pas grand-chose de remarquable, la patte du castor n'est pas si éloignée de celle du pingouin mis à part le nombre de doigts. On est loin de la métamorphose de Kafka (check, la référence culturelle)!



En revanche, côtés membres supérieurs la transformation est radicale !
 


Spéciale dédicace au bout de la table, côté télé ! 

Vous me voyez venir…Déjà qu'avec des doigts, ce n'est pas toujours joli alors sans les doigts, c'est Henry Krasucki qui annonce des chiffres mais de quoi, le savait-il lui-même. Pour autant, il y eut de belles envolées de part et d'autre.
Un fait de jeu tout de même sous forme, malheureusement, d’une altercation entre Cary Grant et Bernatetchate. Difficile de se prononcer, le jeu va très vite comme disent les arbitres Laposte du Top 14. Le premier accusant le second de croche-patte, le second rétorquant une mauvaise position des jambes du second… Bref, l’intégrité moral et l'amabilité de l’un contre une interprétation assez radicale du toucher et beaucoup d’espièglerie de l’autre, comme disent les zédukateurs. Quand ça caille, il faut bien trouver un moyen de se chauffer.

Personne n’osa prendre parti. Une fois rentré, je décidais de dérouler les caméras de surveillance du stade. A mon avis l'extrait suivant est discutable car s'il y avait bien des pingouins sur le terrain, il n'y avait pas encore de glace !

21h35 sonnait, le gardien n’osant sortir le nez dehors, nous quittâmes le terrain sous la lumière des projecteurs telle Dalida dans la chapka de sa chevelure dorée.

Face à la bise, il y avait le Tarbais et Serge. L'efficace et l'esthétique. Et Jean-Phi. Il va droit avec le ballon et file ses courses latérales quand il en est dépourvu. Une cigale. Serge et Jean-Phi donne des ailes à leurs pairs. En sorte qu'il y eut des essais tout en débordement. Du grand art. Une manière de niquer la fourmi de la fable.

La bise a bon dos pour les occasions d’en avant. Les castors en pointe jouent du coup à l’odorat. Leurs sens de l’opposition n’en sont que plus affûtés. Le castor est un animal libéré de tous sapiens sapiens. Les fougues pyrénéennes s’en retrouvent engaillardies ! Il en faut du sens alerte pour le faire perdre en face. Le toucher est gelé aux bouts de certaines mimines délicates. Les oreilles éloignées de la chaleur de tout oreiller baignent dans des sanglots monotones et le nez parfois trop proche de la balle. Surtout quand le ballon s’écharpe des mains. Le goût dans une mise en bouche à chaque explosion nasale. Le tout fait un chouette équilibre et un joli spectacle. La catharsis est dans l’implosion des sens. Une entrée en matière pour Lourdes qui dans l’attente du stadoceste se chauffa le groin à grand coup de lattes. C’est une métaphore nasale proche d’une moustache sans hémistiche. Le fameux pastiche bigourdan ! Le Tarbais s’impose dans la répétition de la feinte qui marche, celle que l’on sait qu’il va faire, qu’il ne fait pas et qu’il fait quand même. Elle est redoutable dans la catégorie descente hivernale en piste noire. La défense reste bleue sur une légère pente douce. Dudu profite du tire-fesse et prépare sa descente son regard orienté vers la lune qui file. Il a froid aux mains qu’il protège sous ses aisselles tant que sa barre le fait avancer, le castor est heureux. La pentecôte n’est pas encore à l’horizon pour les calendaires en pattes. « Chacun dans son groin » renifle la Bigorre. « Ce n’est pas de notre faute s’il arrête nos en avants avec le nez » soupire le castor maladroit qui s’en remet toujours vers son intérieur qui ne reste qu’un extérieur enveloppé. « De l’enveloppé au développé ça ne tient qu’à une passe » répondit la même Bigorre en aplatissant la gonfle. Le froid et les hauteurs du plat du stade réussissent pour les montagnards. Régis face aux vents aspire dans son coin d’une poutine. Le froid se supporte mieux le ventre plein, la preuve en est au trou ! Piou Piou passe du rouge à l’orange. Son bonnet timide dans sa nuance le distingue sur les pistes ouvertes. Sa course est d’attaque, le castor résiste malgré les marées qui s’enchainent. C’est solide un castor en défense. La nuit appelle le jour, le solstice d’hiver son équinoxe du printemps, l’hibernation annonce des réveils affamés, le pré câline son trou et la bise l’habite !

Le trou était peu fréquenté mais la qualité était là. L'âme basque était de rigueur avec Christian aux fourneaux. Bien sûr, nous eûmes de la soupe. Une soupe au potiron, un velouté dont tout un chacun sait qu'il naquit dans l'arrière-pays d'une contrée au parler énigmatique. Nous nous mîmes au centre de la table. La Jacouille, en unique représentant des vieux, trônait au cœur de la tablée.

Ah les vieux ! Les bérets se font de plus en plus rares dans le trou comme ailleurs. Le moderne est à la casquette, chapeau bas et chacun chez soi. L’hiver est rude. Deux hommes resteront couverts au trou, tradition familiale oblige. Les « Escassuts », l’un son béret l’autre avec son bonnet. La famille est sacrée. Les traiteurs intraitables se protègent à table le cuir chevelu. Bardatruc n’en a cure, il s’associe à notre Bac+ 25 pour réfléchir à l’intérêt d’un con-promis algorithmétique et arithmétique voire barilmétrique dans la révolution magnétique de l’écologie humaine appliquée à nos références égocentriques modernes sans carbones. Le débat dans sa logique fut de passion. Le trou a ses raisons que la raison ignore apparemment. Les castors sont philosophes. Le Barde de son côté rebondit sur chaque mot. Son disciple l’encourage. Jean Phi est en forme. Il joue pour certains dans les deux camps. L’art de la transformation lui appartient. Chaque parole est vinifiée et n’en est que meilleur. Le Barde jubile, chante et applaudit. Le duo est infernal, chaque mot devient l’amorce d’une rime explosive, la langue se plait dans chacune de ses traductions. la syllabe navigue en cyberlabe, la flamme trouve son capitaine, le trou sa récrée. Comme quoi à deux la relève se dessine animée ! L’extase n’est-elle pas la résultante d’une raison insouciante ! Les générations se suivent, les jeux de mots restent ! Point de baril qui n’enferme la raison. Dudu écoute d’une oreille lointaine. Le castor est encore à rêvasser sur son tire fesse… pour lui la philosophie se profite et ne s’apprend pas dans la lecture unique d’une passion de l’âne, radio à l’appui ! Christian sur son bord de table retrouve son trou. Rien à changer quand le trou est vide, il reste plein. C’est le propre de la vie, un cycle qui se perpétue dans l’ovale, une différence identique, un pareil-pas pareil, un semblant certain d’un nouveau déjà-vu et tout ça rassure ! Le trou garde sa chaleur même quand il fait froid. Du coup, le cuistot nous nourrit avec un fameux pâté basque, feuilles de jamon du même pays qui est le sien et des cornichons sans territoires. Dans tous pays, résistent des cornichons. Peut-être une nostalgie bien humaine dans l’amer. Freud tire sur sa pipe, la main profitant de la chaleur de son bol, la fumée lève son rideau, l’éphémère est bien nait pour durer !

Le temps passe à table agréablement, la faim crée des accélérations que la parole ralentit. Christian n’en a cure de toutes les salades à table, il ne pense qu’à nous combler au trou malheureusement loin du pré. Du coup il sort des lasagnes. L’homme est du pays basque du coup ses lasagnes aussi. C’est Gary qui sera à la découpe sans croche pied cette fois ci. L’homme du coup est efficace. Le gratin trouve ses damiers et disparait en tranche puis en plat. L’ambiance est magique, les castors ont faim. Et Christian nous comble. La salade c’est pour les marmottes s’évertue-t-il à nous faire croire ! Les castors qui courent ont besoin de protéines. La photosynthèse fera notre printemps. Le castor diététicien de crier « Lipide hip hip hip » et la troupe de répondre « hourra ! ».

Le lancer d'assiettes fut correct. Deux d'entre elles n'atteignirent pas leur cible. La faute à des mains malhabiles. Le lancer, lui, était juste et précis. Un brie suivit, un brie de toute beauté aussi. Le brie est basque. N'en déplaise aux gens de Meaux. Alors qu'il rappelait cette ascendance, Christian eut droit à ce propos acerbe de Jean-Phi : "Beaucoup de brie pour rien !". Stéphane Baste et Stéphane Pincemail n'en avaient cure. Ils roulaient des pensées profondes sur le devenir du monde. Le ton montait un peu. Puis tout redevint calme, luxe et volupté. Jean-Phi guettait les hémistiches et jouait de la césure.

En dessert, une tarte à la pistache et à la cerise basque, la grosse, de couleur orange, et qui ressemble à s'y méprendre à l'abricot. D'aucuns de tomber dans le panneau. Mais la vérité est bel et bien là. JP n'aimant pas la pistache, il dédaigna ce met typique si apprécié du côté de la corniche. D'ailleurs, il n'en resta rien. Rien étant synonyme de très peu. À peine une part. Une part, ce n'est rien. Et le Bardatruc de s'en emparer pour son petit déjeuner.

Une belote de comptoir fournie occupa le coin de comptoir où elle a établi ses us. Toujours pas de Walid. Le Prez à toujours de la main. Jeff un peu moins. Et la Jacouille un chouïa. Hamilton domina son sujet et sortit le premier du jeu avec moi-même qui n'avait pas de mains mais se nourrissait des ambitions excessives de l'adversaire. En quoi une petite main peut être gagnante. La belote respecte l'esprit des Evangiles. Le Très Haut n'est jamais loin du trou qui ressemble à s'y méprendre à un possible paradis dont on oublie trop souvent qu'il est aussi sur terre. Et notre terre, c'est le trou et le pré mêlés.

Sous le ciel des Capus, nous regagnâmes nos véhicules. Et le Bardatruc son cycle. Jean-Phi cherchait des hémistiches pour nourrir ses alexandrins. Il se trouva fort dépourvu. La bise le poursuivait de son souffle glacial. Il se ressaisit et jetant un œil vers la grande ourse aux allures de castor, il déclama.

Comme il est loin le temps des premières gambades,
Où j'allais de guingois chercher dans mes balades,
Ce peu qui est de l'or et ennoblit nos vies,
Mais je l'ai retrouvé à Musard Le mardi."

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