Hier soir à Musard, une bonne quinzaine de Castors avec deux bras et deux jambes gambadaient sur le pré, insouciants voire inconscients que leurs cœurs et leurs muscles répondissent à la moindre sollicitation. Quelque part dans Bordeaux, deux Castors bataillent à cause d'un corps qui leur joue de mauvais tours. Aussi, nous, je ne pense pas trahir le collectif, avons une pensée pour vous et nous continuerons de courir le mardi soir jusqu'à votre retour car on ne sait jamais, le bonheur des uns pourrait faire le bonheur des autres. Un prompt rétablissement, c'est tout ce que l'on vous souhaite.
Bon, quand je dis "répondissent à la moindre sollicitation", il faut tout de même nuancer car avec un ballon humide comme la culotte de Jessica Lange face à King Kong, la passe se fit parfois aléatoire voire réduite à une densité de probabilité d'arriver dans les mains tel un électron de Schrödinger sur son orbite. Bon, ce ne fut pas non plus un désastre et les deux équipes firent bonne figure. Le taux d'erreur d'arbitrage ou plutôt le taux de malveillance arbitrale fut relativement faible ce qui nous permis de passer une soirée rugbystique conviviale. Pas de mauvais geste, fi fe n'est une taloffe de Perdigue mais f'était pas intenfionel ! Toto profita de coéquipiers un peu à la traîne, pour faire une imitation de Maya l'abeille au milieu du terrain.
La pluie n'était plus de rigueur. Le ciel connaissait un répit. Printemps oblige. Depuis hier. Nous étions du terrain annexe. Comme autrefois. "Autrefois, c'est maintenant" s'exclama le Bardibule. À quoi le Bardatruc répondit : "Le contemporain est l'inactuel." On a les préliminaires que l'on peut.
Hamilton pestait. Il ne croyait pas en son équipe. La suite lui donna tort. La partie fut des plus équilibrées. Seb et Serge étaient ensemble ; les leurs ne flambèrent pas. Malgré la présence de Perdigue en leur sein. Avec cet art de filer droit, en omettant parfois de régler son sort au cuir. En l'occurrence un ballon synthétique et revêche pour cause d'humidité et de maladresse.
Le Bardibule et le Bardatruc étaient aussi ensemble. Le Barde en face. Les lettres étaient reparties inégalement. (C'est une fatalité puisque les lettres sont au nombre de trois).Ceci pouvant expliquer cela. Enfin presque. Le Fayou, lui, se branlait des propos obscurs et filait son train sur son aile. Pioupiou le suppléa. Deux nymphes.
Au terme de ce premier toucher printanier, une égalité parfaite. La lumière s'effaça. Nous regagnâmes les vestiaires.
21h30 sonnait mais comme on n'a pas entendu, on est parti plutôt vers 35-40 et vu la fraicheur nocturne, la douche chaude fut appréciée à sa juste mesure.
Nicolas commettait son premier repas. Il y avait un peu de monde au trou, sans que le trou ne soit noir de monde. La Jacouille l'accompagnait avec un tablier rose seyant à souhait, tombant sur un pull bordeaux. La grâce !
La grasse commence par la diète. Une salade sera en primeur. L’avantage de la salade c’est qu’elle annonce le printemps. Une farandole de couleurs naissantes, qui dit merde à nos grisailles hivernales. Comme pour Dudu une salade sans olive est toujours « mon automne ». Le castor n’a pas de saison. Qu’il vente, qu’il neige, qu’il fasse beau, l’animal pointe toujours sa perruque à bon port. D’ailleurs, il n’a rien contre les petits lardons en rab. L’entrée est froide mais toutes ces couleurs réchauffent. Un mélange de texture du mou du dur, de l’animal du végétal, la dualité du vivant se fond dans la composition. Un sacré effet papillon ! Le printemps est un éternel renouveau. Tout ça dans une salade. Le cycle de la tomate en appui.
Le Sabite de son côté n’a pas de saison, il est omniprésent dans l’accompagnement. Fayou l’apprécie dans sa descente rapide. Pour lui le Sabite se boit en cascade. Flo tombe à pic !
« Je ne suis pas le genre de mec qui aime la vinasse,
Faut pas m’pousser trop loin, tu bois et faut m’accompagner
Même si je suis amateur, j’ai quand même de l’amour dans l’coeur
Je préfère jouer jambon beurre que jouer weight Watcher
Je suis un castor qui boit Sabite… »
Ce qui tient dans le Guillou c’est sa constance. L’art de vriller nos papilles. Papille fait de la résistance ! Nous eûmes le temps de soigner Peyo, l’attente fut en effet de mises pour passer de l’entrée au plat principal. Le rite a son chrono. Pépé son horloge… Du coup les crécelles furent de mises. Alleluïa s’écria Piou Piou qui rentra ses moutons. Le rôti en tranche haricot et patates. Le rouge au centre, la tendresse au milieu, le gris qui s’assombrit en couronne, la cuisson est parfaite. Nico en première est bien drivé par la famille Escassut. Le Père squatte la cuisine. Le bœuf haricot vert est sacré. A moins que cela soit la cuisine tout court. L’homme est vigilant. Le sacrifice de l’animal est fait pour combler le trou. L’art est de mise. La cuisine est épicée à souhait ail et persil en appui. La resserve pour les carnassiers et des patates pour ceux qui n’aiment pas l’ail.
Le lancer fut audacieux. Il y eut peu de casse. Nicolas assure déjà. Son geste est vif, précis. Il essaime l'obole selon une logique dispersée ; il crée la surprise. Toujours dans le bon tempo.
Le fromage tenait en un bleu et un camembert. Le bleu relevait de la fourme d'Ambert. Manière comme une autre de rimer en ambert. Un hommage aux trois bardes en quelque sorte. Il ne restait plus qu'à accueillir le dessert. Des éclairs. Moitié chocolat, moitié café. Tous de les engouffrer. Pioupiou ne put s'empêcher de chantonner son Fabre d'Eglantine :
J'entends sur le feuillage
L'eau qui tombe à grand bruit;
Voici venir l'orage,
Voici l'éclair qui luit.
Et tous de reprendre : "Il pleut, il pleut bergère". C'est toujours mieux qu'une chanson monotone.
Le comptoir nous tendait les mains. La belote était fournie. Pas la main de Jeff qui subit la loi du Prez, dans l'ultime duel. Les mardis se suivent et se ressemblent.
Le Tarbais nous offrit le champagne. Il a quarante-cinq ans. Un gamin. Amélie appréciait. Croucrou itou. Il ne manquait que walid. Et JB. Et les autres.
Une nuit fraîche nous attendait. Nous eûmes une pensée pour Malko et Guigui et ce petit pincement au cœur qui dit ce qui nous lie. La vie est un peu garce.