19 mai 2017

Le cuistot de bouffe: Le dessert du zaharra

Par Le Barde, Bardibulle et Bardatruc
 
 
 
A notre arrivée, le temps était encore chaud et pesant comme la poitrine épanouie d'une femme qui vient de vous ouvrir son cœur.
Entre le synthétique et le terrain annexe, il n'y eut pas l'ombre d'une hésitation. C'est donc sur de l'herbe que nous fîmes nos gammes, de la vraie. Pourtant, fête de la morue oblige, le terrain annexe était nu. Plus de poteaux. À peine quelques lignes.  Les quelques tentes disséminées ça et là annonçaient l'avènement de l'espèce du genre Gadus. Nul n'est censé ignoré que Bègles fut une ville de morutiers et de cheminots où l'on cultivait le radis.

Le pré se garnit lentement. La faute à notre périple basque sans doute. Nous étions une quinzaine. La partie fut assez déséquilibrée. La faute aux partenaires de Serge, plus vifs dans le geste. Malgré son illusoire arithmétique, la Piballe dut se résoudre à la défaite des siens. Le Bardatruc, le Bardibule et le barde tout court jouaient ensemble. Le verbe se fit chair. Croucrou avait beau rouspété, rien n'y fit. Jeff de temps en temps y allait de son essai pour communier avec le pré. Comme d'ordinaire, Perdigue nous rejoignit sur le tard et se rangea du côté le plus en verve.

Dudu pestait un peu. Au point de prétendre que 1=2. En sorte que le moindre touché de son camp se voyait affliger d'une injuste double peine. Croucrou rouspétait aussi. Ce qui ne l'épargna pas d'un crochet sublime pour filer à l'essai. Le Bardatruc virevoltait. Rien ne semblait l'arrêter. En somme, il n'y eut pas photo malgré l'absence d'Hamilton.

Au trou, la table était vierge de nappe. Pas de vieux quatre. On crut bien injustement à l'oubli. Vers les 22:15, il nous gratifia de sa présence et de ce qu'il faut de mets pour satisfaire nos ventres. La chambrée était clairsemée.
En entrée, un délicieux jambon pour des gens biens quoi de plus normal dirait notre Bardibulle. Un succulent melon pour l'accompagner dans lequel les plus dépendants y coulèrent un Porto, mais était-ce vraiment la peine ?
Est-ce le retard au démarrage de ce repas ou cette première chaleur d'été, toujours est-il que de nouveaux gimmicks apparurent. En ce sens que tout mot parfois improbable comme "nouille",  "orange" ou "sauté de porc" pouvait se voir mis en chanson dans un crescendo drôle et rafraichissant.


Cependant, dans une époque un peu confuse politiquement et socialement, certains partagèrent leurs inquiétudes et interrogations. Je retiendrais celle-ci sans citer toutefois son auteur du fait de son sponsor, une marque de voiture japonaise, et du sujet pour le moins tabou chez les intégristes verts. Dernière précaution, le blog étant lu par de nombreux jeunes dont la 6ième9 de Bourg la Reine, l'utilisation de nombreuses métaphores est nécessaire. Venons-en à la question : une végane peut-elle, déontologiquement parlant bien sûr, pomper l'osso bucco ? Question complexe induisant forcément chez les Castors un débat riche et imagé. La conclusion en fut limpide bien que tragique pour Bucco : oui, à condition de ne pas aspirer la moelle !
La religion s'immisça également dans la joute et à la question "qu'est-ce qu'une femme pieuse ? ", l'inénarrable Jeff répondit sans appel : un travelo.

On s'attendit au pire question lancer d'assiettes. Et le pire aurait dû être de rigueur. Mais le vieux quatre était touché par la grâce. En sorte que ses ratés ne se traduisirent jamais par le fracassement attendu. Un miracle. Bien sûr, les miracles n'ont qu'un temps et quelques éclats jonchèrent le sol carrelé. Le clou du lancer fut celui destiné à Pépé. Il y eut un long silence. La Jacouille se dissimulait derrière son béret et le coup partit. Pépé tendit sa main gauche, attrapa l'assiette comme qui rigole et reprit sa conversation avec Amélie comme si de rien n'était. La classe ajoutée à la grâce.

Une salade d'endives vinaigrée à l'extrême, accompagnée d'un bleu nous fut servie. Beaucoup délaissèrent la salade et se consacrèrent au bleu. Des chansons diverses se dressèrent. Le Kyrie se mêlaient a des airs de variété. Allez savoir pourquoi.

La salade de fraises avec sa touche de menthe était fort à propos. Servie à la louche, elle apporta la fraîcheur indispensable à un soir d'été.

Et le vieux quatre d'entonner :

"Je suis un soir d'été
Aux terrasses brouillées
Quelques buveurs humides
Parlent de haridelles
Et de vieilles perfides
C'est l'heure où les bretelles
Soutiennent le présent
Des passants répandus
Et des alcoolisants

Je suis un soir d'été
Aux fontaines les vieux
Bardés de références
Rebroussent leur enfance
A petits pas pluvieuxIls rient de toute une dent
Pour croquer le silence
Autour des filles qui dansent
A la mort d'un printemps"

Il sait son Brel l'animal. Jusqu'à nous proposer un champagne qui, à la différence de celui de la chanson, n'était pas tiède. Depuis samedi, le vieux quatre roule une année supplémentaire.

Bien sûr, nous eûmes une belote. Serge sortit le premier. Puis le Barde le suivit. Jeff était à la peine. Le Bardibule aussi. Titi oscillait et tira son épingle du jeu. Le Bardatruc fit ce qu'il peut. Perdigue ? Perdigue n'y était pas.

La nuit était à peine effleurée par le vent. Une nuit d'été. Le vieux quatre sifflota le songe de circonstance. Titi lui préféra une romance sans parole. Perdigue se trouvait l'âme slave et murmura une saison de Tchaikovsky. L'été cela va de soi. Une saison douce, un air d'enfance. La vie est musique.

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