26 octobre 2017

Le cuistot de bouffe : La fée à la baguette

Par Le Barde et Bardatruc


C'était un temps de palombière, c'est-à-dire un temps très doux, d'automne où il fait bon s'adonner à de fraternels us et coutumes.

Nous étions douze, enfin treize. Pascal Roumégou rechaussait les crampons. L'expression ne lui sied pas puisqu'il tient les crampons pour un objet superfétatoire et s'en dispense. La Piballe était aussi de retour et se glissa sagement sur une aile. Dans sa grande majorité la petite kyrielle de joueurs était plutôt verte ; la partie fut alerte. Ce qui ne signifie pas que les vieux n'avaient pas la main leste. Bien au contraire.

Si les débuts de l’équipe ‘’expérimentée’’ furent délicats, la suite leur permit de briller magnifiquement. La justesse du tempo, la précision des passes. Régis était tranchant comme un aphorisme de René Char. Quant à Yan, il fut souverain. Comme le dit si bien JB : "Yann est un trois-quart centre dans un corps de première ligne." Le Barde influa la vitesse et Dudu le trouble.

En face pourtant une équipe plutôt jeune et vaillante mais totalement désorganisée voire décontenancée. Il y avait en effet dans ses rangs, un invité dont les statistiques ont été ahurissantes tant sur le nombre de mètres parcourus balle en main que celui du nombre de passes. Ahurissantes car les mètres parcourus l’ont été essentiellement dans la largeur du terrain et ses passes à 80 % pour l'homme invisible! C’était un peu comme joué avec un poulet poursuivi par le boucher de Delicatessen.

21h33, une douche et au trou
La Fée régalait en cuisine. L'assemblée était menue mais il y avait JB et Hamilton. Le Vieux quatre aussi était là, flanqué de notre éternel Pépé. Tout commença par une pizza faite maison.

Si l’émincé de volaille en sauce nous rappela quelque peu la « blanquette de poulet curry » de la semaine passée, le gratin de chou-fleur l’accompagnant mit nos papilles en joie.

Le lancer d'assiettes fut propre, net et sans bavures. Que la fée manie l'assiette comme la baguette est, après tout, dans l'ordre des choses. 

La venue du fromage fut propice à de savoureux échanges. Ils commencèrent par une pensée profonde du Vieux quatre : "On finira tous vieux". Il y avait un brin de nostalgie dans ce truisme. L'on sait désormais que le Vieux quatre a quelque chose en lui de Schubert. Son morceau de prédilection est la truffe ; cette variante de la truite que Schubert composa à quelques jours de sa fin.

"On finira tous vieux et sur le bassin" rajouta je ne sais qui, sans préciser s’il s’agissait du bassin d’Arcachon ou celui d’aisance. A voir le pantalon humide de Jacouille, il semble que ce dernier gôute peu l’air marin.

Puis, Alain-Charles s'en prit au socialisme décadent pour d'obscures raisons. Nous attendions un trait d'humour. Las, la vanne de Vannier sur le socialisme décadent ne vint jamais. En quoi le libéralisme peut être en panne.

Alain-Charles poursuivit sur notre blog qu'il avoua ne feuilleter que mensuellement. Yan eut ce mot plein d'à-propos : "Il vaut mieux lire le blog que Le Figaro."

La Piballe observait le dialogue entamé par Pascal et JB. "Pascal, il a des airs de Bébel, avec sa barbe blanche et fournie." murmura-t-il. Et c'est vrai.

La conversation roula sur le golf et dispensa une philosophie du trou mi-figue mi-raisin. Nos deux bonshommes passèrent ainsi du grand au petit trou. Yan, très en verve, commit alors cette évidence : "Quand tu vas au golf, c'est pour tirer". Et bien non, pour le vieux quatre, c'est tout sauf une évidence. Lui, il parcourt le green pour trouver des champignons. "Avec tous les pédés qu'il y a au golf, il y a plus de trous que de phallus." Le phallus n'est-il pas un genre de champignons de la famille des Phallaceae dans l'ordre des Phallales.

En dessert, un gâteau maison emballé industriellement combla les derniers espaces de nos estomacs repus.
La belote de comptoir vit le triomphe, peu mesuré, du Vieux quatre. Et la chute d'Hamilton qui, à l'instar d'Amélie, était peu en mains ou simplement dépassé par le niveau. La Jacouille n'avait pas daigné prendre part aux cartes.

La nuit était bienveillante. La petite troupe se dispersa dans la ville. Le ciel était délicieusement étoilé. La Fée fredonna l'air de la recette de Peau d'âne. Et glissa une petite larme en pensant à Delphine Seyrig. Moi, je pensais à Danielle Darrieux, celle qui repoussa la perspective de s'appeler madame Dame.

19 octobre 2017

Le cuistot de la semaine : Jeff, le tireur d’assiettes le plus rapide de l’ouest !

Par Bardatruc


Un entraînement à effectif réduit.
Peu de joueurs pour cet entraînement malgré des conditions une fois de plus printanières pour un mois d'automne. Il semble que nos longues heures englués comme des mouches sur la rocade et désormais le réseau secondaire à produire du Co2 donnent des résultats spectaculaires ! Terriblement seuls dans nos véhicules d'une tonne, avançant en moyenne à la vitesse d’une mobylette (vérifier sur votre ordinateur de bord), nous nous saoulons d'info-divertissements afin de ne pas voir, tel des autistes, l'impasse dans laquelle nous nous enfonçons chaque jour un peu plus. Qu'il semble difficile ce chemin vers la sagesse dans cette époque déraisonnable...

Le barde étant absent, il manquait non seulement un joueur de style mais aussi un ballon. Les ballons de Dudu étant toujours aussi peu gonflés, votre serviteur tenta le voisinage ou nous avions égaré un ballon la semaine dernière lors du match. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque la porte s’ouvrit Marie Laforêt dans un déshabillé de soie couleur chaire, me caressant la joue en me disant : Alors, il a perdu sa baballe le garçon. Si le désormais regretté Jean Rochefort avait été là, il aurait dit l’œil humide : Bon dieu, que c’est beau la vie !

Ce ballon inespéré et improbable nous permit de lancer un 5 contre 5 qui ne fut pas d’anthologie il faut l’avouer. Une équipe surclassa l’autre malgré une distribution équitable des qualités et défauts de chacun. Peter à son aile et avec son oreiller récupérait des nuits difficiles de jeune papa. Régis ne rata bien évidemment pas le : Peter Flâne.

Une superbe course de Jean-Phi marqua la fin de la joute et le retour au vestiaire.

Au trou, guère plus de monde que sur le terrain à peine 15. Heureusement que Joss nous fît l’honneur de venir boire une petite citronnade et partager le repas avec nous. Tous s’interrogèrent cependant sur l’origine de cette désertion aussi subite qu’inexpliquée : l’attaque imminente des USA sur la Corée du nord, le replay de l’interview du président sur C007, la bouffe de Jeff !

Cette dernière proposition fut balayée par les faits tel une équipe de France par les All blacks. Jeff nous a en effet préparé un repas top chef. Charcutailles et tomates mozarella en entrée, suivis d’une « blanquette de poulet curry » accompagnée d’un riz cuit à la perfection.

Le lancer d’assiette fut l’un des plus rapides de tous les temps du fait du faible nombre de réceptionneurs certes mais surtout de la rapidité du tireur. C’est un fait établi, Jeff dégaine très très vite. Un peu trop apparemment car probablement satisfait de son repas, il ramena de la cuisine des gâteaux … au foutre.


Il ne restait plus qu’à sortir les cartes. Et à ce jeu-là, le Prez eut la main chaude et fut le seul à réussir sa baraque ce qui n’est pas non plus un énorme exploit pour un architecte. N’ayant pu assister à la fin de la belotte et soucieux de la continuité littéraire du blog, je m’enquis de ce qu’il chanterait en sortant du trou. Il confessa un : « Tient voilà du boudin » étrange. La nuit enveloppa alors les derniers castors repus de sa douceur bordelaise.

16 octobre 2017

Le nounours est un castor comme les autres.

Par Le Barde et Bardibulle



Premier match pour les castors. À Musard, contre les Nounours. Deux équipes jeunes, printanières. Le temps était à leur semblance. Elles s'échauffèrent de longues minutes avant que de se répartir de part et d'autre du pré. Le temps était doux, très doux. La partie le fut un peu moins mais resta toujours dans les limites du genre.

L'arbitre était en noir. Il ressemblait au Barde. Un trompe-l'œil. Il y avait un peu de public. Le vieux quatre, la Jacouille, JB, les deux Yann. Pioupiou, lui, était en cuisine.

L'arbitre vêtu de noir, aux allures du Barde, lança les hostilités. Pour lyre, un sifflet. Pas de mélopée en perspective, mais le rappel de la loi. Mélopée ? Du latin melopoeila (« composition musicale »), du grec ancien μελοποία, melopoia (« id. »), composé de μέλος, mélos(« chant, air ») et de ποιέω, poëô (« faire »).

Le rythme fut vif. Il y avait quelque chose de Stravinski dans cette fougue. Nous étions loin des compositions délicates d'un Reynaldo Hahn. Le rugby est un oiseau de feu. Les corps s'engageaient, se déployaient. Une danse âpre, scandée par la gonfle et le sifflet du Barde bis.

Et ce sont les castors qui franchirent les premiers la terre promise à Moïse. Un avantage mérité pour les compagnons d'Alban qui ne ménageait pas ses efforts. Les Nounours répliquèrent. Après que Peyo eût quitté les siens. Comme il s'élançait de son aile, il fut rattrapé. Son épaule céda hélas. La partie allait ses mouvements. Le ballon ne chut que rarement sur l'herbe virtuelle. Une belle partie d'automne. Comme un printemps. Les castors sacrent le printemps à l'aube de l'automne.

Le coup de sifflet final advint. L'homme en noir anticipa la fin. Les esprits étaient un tantinet échauffés. La raison devait recouvrer sa place. Trois petits coups, et tout s'interrompt. Après les saluts d'usage, le vestiaire. Les castors l'emportaient.

Les Nounours sont parfaits. Vingt-quatre rejoignirent le trou. Pioupiou avait fait dans l'abondance. Aux carottes râpées et autre taboulé, s'ajoutaient pâtés et saucisson à l'ail. Avec du rouge Bertin. Léo apprécia. De petits groupes se constituèrent. Le vieux quatre dominait son monde par sa voix qui est un peu de son être. "Tu connais Schubert ?" lui lança Régis. Et le vieux quatre de répondre par une truite.

Pour restaurer le gros des troupes. Le cuistot avait prévu un bourguignon et coquillettes. Rien à voir avec le poisson suce cité ! Un plat régalien en somme. Les nounours et les castors ont de l’appétit sur le pré comme de loin. Seul Peyo ne suit pas le régime. L'excuse se fait ses bras en croix. Les nounours avaient déjà eu son épaule droite à l’aller et eurent raison de son épaule gauche. Heureusement que le castor garde sa queue plate au centre. Même si son absence du trou et sa blessure me prête à lui prédire un bel avenir au talon. Il parait que les gros courent moins vite que les 3/4. C’est un demi qui me l’a dit. Du coup l’impact est plus léger quand il est moins lancé. C'est un gros dossier! Nous ne garantissons pas l’effet d’un gros lancé mais bon les statistiques ont prouvé que les bras en croix te prédisposent au talon. Affaire de balistique éprouvée. Du coup pour la déguste les mains sont obligatoires pour se lécher les babines. Les castors et les nounours s’entendent bien sur le sujet.

Du fromage et du flan qui ne compte pas pour du beurre.

C'était la fin. Le trou se dégarnissait peu à peu. La fatigue marquait les visages. JB était encore là. Les conversations roulaient un rythme lent. L'ersatz du Barde conversait avec lui. La nuit attendait ses petits et faisait montre d'impatience. La porte du trou se referma enfin. Le ciel était ponctué d'étoiles. Léo jetait, de temps en temps, un œil vers la grande ourse et se rappelait Rovigo. Il chanta un madrigal. Pas celui indigeste d'Il était une fois. Non, un madrigal de l'homme de Mantoue. C'est un tendre Léo.

09 octobre 2017

Le cuistot de Bouffe : « Qui mange… joue ! » du Piou Piou tout avalé...

Pae Le Barde et Bardibulle


Il y avait une kyrielle de jeunes pousses sur le pré. J'étais le plus ancien. La faute à Dudu et Hamilton. Je regardais tous ces freluquets, ahanant, les bras ballants, faisant contre mauvaise fortune bon cœur. Il y a toujours des âmes sœurs pour dire que l'on a de beaux restes. N'empêche. Je les voyais trotter comme des cabris, vissant leurs passes, dédaigneux de la passe sans effets, simple, sobre, précise. Je suis de la vieille école.
Le temps était au beau ; la lune lorgnait ces petites taches de toutes les couleurs. C'était un peu comme une grammaire en mouvement. Chacun d'être un signe, une lettre. Sans doute avait-elle un faible pour Alban (la lune). Ou pour Jean-Phi serpentant inlassablement la page verte. Ou pour le Prez, droit, le buste haut et le geste aérien.
Sergio assurait ; Croucrou attendait son heure sur son aile. Elle vint. Il nous gratifia d'un essai de quatre-vingt mètres. Lors que Titi nous quittait, le genou en berne. De temps à autre, des vétilles, des bisbilles rappelant l'esprit des lois.
La partie fut équilibrée. Enfin presque. Les petits de Sergio prirent un léger dessus.
Un léger dessus pour certain un pardessus pour d’autres. Le jeu fut libéré. La saison débute avec de bonnes résolutions. A chaque fois le terrain se retourne. Signe que la masse fait nombre et réciproquement. L’époque se prête aux vendanges et à la cueillette des champignons…. Le rugby dresse l'éloge des saisons. L’herbe est humide même synthétique, le ciel indien. Les castors se préparent à l’hivernal en emmagasinant des courses sans fin. 
 
Pioupiou était de trou. En veste et keffieh. Quelle élégance ! Lolo était là. Guitou et JB aussi. Nous eûmes droits à des betteraves et du pâté. Le vieux quatre allait sa voix douce. Donatien buvait ses paroles. Le Saint-Georges caressait nos gorges.
Don était là. Le temps de dépoussiérer sa chope et le voilà repartit dans la descente. L’artiste est de nouveau en herbe. Et c’est bon de le revoir. Du coup nous restâmes sur nos gambettes autour du bar pour le repas. Domi en golf opérateur est là. « So british, So Domi ! ». La poésie est au trou ce que la lotte est à la blanquette. Normal c’est Piou Piou qui régale. Le castor est un frère pas comme les autres. D’ailleurs sa présence le rend multiple. Ce n’est pas pour rien qu’il se surnomme Piou Piou. Piou aurait largement suffit en soi. C’est fou comme la complexité du multiple en soi le rend unique ! Il compte vraiment double pour le trou. « Dans la famille Escassut on ne fait pas les choses à moitié » répète Pépé en caressant son béret…  C’est un signe quand c’est bon ! Le castor en chef se transforme au grand dam de Guitou qui lui reste éternel. La constance a du bon ! Parole de mousquetaire ! La transformation aussi ! Parole de buteur. Les deux s’opposent et se donnent du fil à retordre. Du bonheur pour Mozart qui dans l’escarmouche ne voit qu’une simple mélodie au bonheur. Tout ça pour nous faire oublier que le viandard n’est plus et que vive le marin. Fini le Tartare à la grec, le Bœuf à la coq, le veau de vie, le cochon la bonne case… Piou Piou est devenu pêcheur et tâte l’art du contre-pied avec l’art de la percute. Un vrai gros reconverti en trois quart ! Le nom du plat en relief reste une blanquette. Il ne faut pas pousser… Mais de poisson ! Jacquot pleure. Le veau est pour lui une tradition ancestrale. « Putain la saucisse familiale qui part en queue de poisson, c’est la fin des haricots… ». Le respect est dans la bonne chère et le plaisir d’offrir. Les castors sont ainsi. Foie de castor oblige.
Un lancer d'assiettes tout ce qu'il y a de plus normal. Quelques bris, à peine. Puis des chansons pour accueillir le fromage, monotones ou grivoises. Pépé entonnait de bon cœur de vieilles antiennes. Le Prez, lui, donnait du good morning.
Piou Piou Piou  est maintenant au dessert. La partition il la connait et prend à chaque fois un grade supplémentaire. Il est nature est son dessert aussi. Des Œufs Olé ! je vous prie. Et des macarons faits maison ! Du Piou Piou Piou Piou en somme ! Le castor à chaque bouchée prend un Piou supplémentaire.  La queue de cheval de Cambo est aux abois. Le dessert a du chien ! L’homme prend note et se met en quête pour le secret.
 
Pas de belote de comptoir. Rien que des paroles, des échanges. Gwen papotait. Le vieux quatre se disait littéraire et Amélie s'empiffrait de bonbons Haribo, de longues tiges roses aux très vagues relents de fraises. On parlait de tout et de rien. Des missions féminines de Serge Simon, du talent du petit Hickey. Des hasards de la vie.
La nuit nous attendait. Une nuit d'automne, douce. Hamilton enfourcha son vélo, patiné par le temps. Pas de Perdigue pour tenter un pas de danse sur le pavé des Capus. Le Prez dansait en saluant la lune. Le Poulpe souriait à la vie.