25 avril 2018

Le cuistot de bouffe : La compagnie créole de Lafourche

Par Le Barde


L’orage grondait ; le ciel était lourd de menaces. La pluie tombait sans discontinuer. Ils attendaient dans leur voiture sur le parking de Musard. Les vieux leur montrèrent, le chemin des vestiaires. Ils étaient dix tout au plus. Comme par miracle, la pluie se fit parcimonieuse.

La partie fut assez vive. Hervé Delage accompagnait la Piballe. Pioupiou était avec son petit. Les deux camps étaient assez équilibrés. Bien sûr quelques ballons imitèrent les gouttes. Sans plus.

La vieille garde était au trou. Coco, Pépé, le Tcho, la Jacouille. Schubert nous faisait faux bond ; c’est rare. Mais il y avait Mozart. Il y avait aussi Guitou, fringant, élégant, égal à lui-même. La Fourche de retour des îles Maurice assumait son tour de bouffe et c’était joie de le retrouver.

Il s’en tient aux traditions en entrée. De la charcutaille variée : rillette, sauciflard sous toutes ses coutures. Rien que de très ordinaire et de très juste. A quoi bon chercher midi à quatorze heures quand la vérité est à portée de mains. La table était assez garnie pour un jour d’orage. Mais pas de Perdigue pour chanter l’orage cher a Brassens.

Rien de tel qu’un bon vieux rougail saucisse pour prolonger le lien qui unit désormais notre La Fourche au monde. Le rougail saucisse est un plat traditionnel réunionnais, à base de saucisses créoles souvent fumées artisanales. Elles sont ensuite coupées en morceaux, accompagnées de riz et de rougail(tomates coupées en petits dés, gingembre pilé, oignons émincés et piments). Un pur régal !

Nous eûmes droit à un malencontreux jeu de mots de La Piballe : « Il n’y a que le rougail qui m’aille. » pour s’excuser il entonna une prière. Guitou haussa les épaules puis lui tapota la joue en guise de pardon.

On le sait, La Fourche possède une main hors pair. Tout ce qu’il touche se transforme en or. Le lancer d’assiettes ne fut donc qu’une formalité, sous l’œil vigilant de Coco. Une petite casse de rien du tout, dont il n’était pas coupable. Une fausse note accessoire. Et un coulommiers tout en rondeur et douceur.

Le dessert est un état d’esprit. Une fin douce. Souvent heureuse. Ce joli mot désigne l’ensemble de mets que l’on offre à la fin d’un repas. En sorte que le fromage y est autant à sa place que le sucré. Pour le sucré, La Fourche s’y connaît. Et il nous gâta. Un monde sans gâteries n’est plus un monde.

La belote compta sept membres. La Jacouille n’était guère en mains. Le doc pas davantage. Le Barde oui. Disons plutôt que les aléas des uns facilitèrent sa sortie, accompagné du fils de Pioupiou. Amélie n’y arrivait pas. C’est comme ça. Hamilton parlait rugby avec JB. Une certaine nostalgie teintait leurs propos. Des accords, des désaccords, la vie en somme. Mais une parole de haute tenue, juste, sans effets. Comme devrait être une passe. La passe est langage, la passe est poème.

Une pluie éparse les attendait au sortir du trou. Ils regagnèrent leurs véhicules, enfourchèrent leurs cycles. JB fredonnait le merveilleux quintette en la majeur de Mozart. Le chant de la pluie a quelque chose d’une clarinette se dit-il, chaque goutte est une note. Il sait faire contre mauvaise fortune bon cœur et transformer une goutte de pluie en or. C’est ça la grâce.

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