26 janvier 2019

50 ans de bouffe : Alban le veau Bien !

Par Le Barde et Bardibulle
 
 

 
 
Il y a des mardis avec et des mardis sans. Les sans se comptent avec le temps et reviennent quand le chagrin disparait. Le groupe fait corps et une certaine constance règne sur le pré. La boue ne fait plus tâche sur le synthétique et nous restons en nombre pour taquiner la balle. Les habitudes sont symboliques et une routine nous écarte d’une autre. Il pleut sans pleuvoir. Et le froid est un peu chaud. Dérèglement climatique ou perception d’un hiver qui anticipe l’été. La joie des rondeurs de l’ovale qui ne tient pas en place.
Les vestiaires aiment aussi le mouvement clignotent quand celui-ci s’éclipse. Luc le côté obscur le rend vulnérable il s’en défend avec force se remet progressivement de son empire contre-attaque pour profiter au mieux de son retour du Mardaïe (Jedi pour les curistes). Comme sa lune, il nous la joue satellite et multiplie les petites foulées autour de nos enjambées. Sergio arrive en short comme d’hab. Le symbole est dans la pompe. La Bigorre a du caractère et le banquier encaisse en crampons. Cravate, chemise, short, crampons, le style enneige le Pic du Midi. L’art de l’encaisse se retrouve dans son accent montagnard. Son jeu est subtil et vallonné comme on l’aime. A chaque virage, une surprise en décalage pour le plus grand bonheur du doc. Jean Phi franchira aussi dans ses bons os-pisses le rail de l’aplati. La marée fut pour l’équipe d’en face qui avait du mal à conjuguer le port de balle et le jet de balle. Le râle ne fit pas désespoir. Le caractère en appelle un autre. Le répondant fut ainsi, la marée passée donna la place à un jeu plus efficace. Perdigue en soutien de grâce, et Jeff en tour d’ivoire qui joue avec deux inters. Principe du flanqueur qui se rapproche plus de l’interstice que de l’intercepte… ça ne marche pas avec l’inter huit… vous m’aurez suivi !
Le pintxe raccomode ses chaussettes et ne sera pas là. Ses chevilles ont la mauvaise habitude de ne pas se couvrir, impardonnable dans le gel de saison. A quand de véritables chaussettes pour éprouver le jeu des castors. Le gilet ne fait plus cause, nous prônons les chaussettes jaunes.
La douche pour une autre plus chaude.
Le tourangeau était de bouffe. Le tourangeau, c’est Alban. Ce n’est pas son prénom qui fleure la Touraine, c’est son nom, un nom aux saveurs de Chenonceau, comme Chenault l’indique. Il est bon d’avoir un peu de centre dans notre sud-ouest.
Pour satisfaire Pépé, il commit une soupe de légumes, suave, onctueuse, avec crème fraîche et persil. La soupe refait surface au trou ; elle reprend ses habitudes. C’est une douce habitude. La cuisine est à sa manière un art poétique. Alban fait sienne cette recommandation d’Horace chère à Coco : « Écrivain, suis la tradition » ; elle devient, par la force des choses, « Cuisinier, suis la tradition. » La tablée allait ses coups de cuillères avec gourmandise.
Puis, nous eûmes droit à une tête de veau, avec, cela va de soi, sa sauce gribiche. L’appellation gribiche apparait dans les années 1900. C’est une création fantaisiste de la langue culinaire, peut-être issue du normand gribiche substantif féminin: "femme méchante dont on fait peur aux enfants", lui-même emprunté au moyen néerlandais kribbich "grognon"...
Comment est-on passé de la mégère à la sauce ?
A un jour près, Alban était encore dans la tradition. On pourra toujours se demander si cette tradition-là est de bon goût. Couper la tête d’un roi ou d’un simple citoyen, c’est couper une tête ! Rien de très glorieux. Et le pauvre veau comme symbole n’en demandait pas tant. Une tradition anglaise remise à la sauce révolutionnaire. Ah ! Ces anglais.
Le Tarbais fit la moue. Il n’aime pas le gras. Joss non plus. Disons, pour être juste, que Joss n’aime pas la langue.
Or la tête de veau doit beaucoup à la langue et aux joues. Il dédaigna l’organe qu’il repoussa sur les franges de son assiette. Heureusement il y avait, pour les récalcitrants qui ne constituaient qu’une infime minorité, la sauce et les pommes de terre. Mais pour l’immense majorité des présents, ce fut un régal. Surtout pour Amélie. C’est sans doute là que se niche la touche révolutionnaire de la tête de veau.
Passionné d’histoire, Jeff se lança dans un long développement qui sur Léonard de Vinci, François 1er et châteaux de la Loire obligent, qui sur le jardinier Le Nôtre. On se perdit un peu à le suivre. Ce qui n’entama en rien sa réthorique. Perdigue ponctuait chacune de ses phrases par un « putain » admiratif, lors que Poulet restait dubitatif. D’autant que Jeff poursuivit son monologue et passait du coq à l’âne. Cela paraissait décousu mais ne l’était pas. Une affaire de chausse trappes.
Le lancer d’assiette fut un éloge à la gloire du trou. Un brin de casse, un brin bourrin, un brin chantant, un brin moussant à l’image du catapulteur,  le lancer nous arrose. Jacquouille pour l’occasion mouillera son pantalon. L’émotion d’avoir CrouCrou à sa droite et Le poulpe à sa gauche, la montagne et la mer. Rigole et chaise, coup double pour l’ancien. Le vieux régresse et baigne dans le liquide amniotique. Comme quoi la sensation est vivante. La mouille ne fait pas couille. Elle est couille voire Jacquouille ! Le béret est joueur comme quoi avec les parties mouillées le castor remue la queue et joue. Les règles et le jeu sont faites pour toutes les générations. Coco chante et envoie le lala de ralliement. Le jeu est moteur et nous soude dans l’oxymore d’un réel imaginaire et d’un éphémère éternel. Plaisir tu nous tiens....
 
 
Le fromage  sera chèvre et vache, le veau s’entête de ses mamelons d’offrande.    
Une galette des rois remit les souverains dans leurs droits. Quelle belle idée que d’associer tête de veau et galette dans un même souper ! La galette était bonne. Et la mousse au chocolat qui l’accompagnait divine. Il y eut consensus.
Une belote se mit en branle. Ils étaient huit. Le doc prit le premier la poudre d’escampette. Perdigue et Jeff se battirent pour la dernière place. Perdigue s’inclina. Son dernier carreau n’était pas à la hauteur de celui de Jeff.
Quelques commentaires sur le futur quinze de France et sa probable paire de centres, et le trou se vida. Il fut question de Bastaraud, Fikou et consorts. Mais aussi de l’ouverture avec le petit d’Emile.
Alban avait déjà rebroussé chemin lorsque les derniers castors se glissèrent dans la nuit. Il pleuvotait. Hamilton fredonnait des airs de Marcel Azzola sur sa bicyclette rouge. Une nuit un tantinet nostalgique. D’où que vienne l’accordéon, il traîne sa langueur comme une âme en peine. Sauf pour Amélie qui lui préfère son côté musette. Ainsi va la vie. A mardi prochain.

17 janvier 2019

50 ans de bouffe ... Le douanier ne se rotit pas le balai...

Par Le Barde

Il y eut quelques cagades ; le ballon, parfois, était en rade. Plus souvent que de raison. Il y a des soirs comme ça. Pourtant JB était là, nous gratifiant d’emblée d’un geste de classe, d’une pichenette céleste. Et puis Gwen aussi était là, avec sa chevelure poivre et sel. D’accord, il n’a pas la gestuelle de JB, mais il a d’autres arguments. C’était un peu Mozart et Karl Orff face à face. Peyo nous gratifia également de sa présence bien que son apparition fut furtive. Garcimore, enfin, et Luc nous retrouvaient. La famille se recompose.

Quelques éclairs de bonne facture honorèrent la partie, et la balle allait sa vie avec vivacité et bonheur. Sergio était content. Ce toucher fut agréable et nos jambes alertes. C’est sur un score d’équité que nous regagnâmes les vestiaires. Flo allait d'un pas repu. Son aile pourtant fut bien négligée. Le Poulpe s’étirait avec Titi. Le ciel était d’une pureté incomparable.

Le douanier assurait une suite lusitanienne. Par le nom. Roro, lui n’est portugais que d’adoption. Mais Jérôme, dont le saint est le patron de la traduction, ne mitonna pas comme au pays de Vasco (de Gama) ; il mit une french touch. Avec pour trait d’union le poisson. Nous sommes enfants des mers.

C’est par une soupe de poisson avec croûtons, fromage et rouille que nous entamâmes de tendres hostilités. Rien que de très ordinaire. Mais l’ordinaire, lorsqu’il est délicat, donne au temps qui passe une saveur onctueuse qui rend la vie moins âpre. Toutes choses qui collent bien à Jérôme. Ce qu’il touche, il le rend plus humain, sans en faire des tonnes, simplement. Du grand art en somme. Gwen dirait du grand lard ; on ne se refait pas.

Le rôti ne se réduit pas à la viande ; il peut être halieutique. Et c’est ainsi que le douanier commit un rôti de poisson où se mêlaient les chairs de la lotte, du saumon et du sabre. Le sabre nous est peu familier. C’est est un poisson semi-pélagique à nageoires rayonnées de la famille des Trichiuridae. Il fait partie des poissons dits « de grand fond » car ils vivent et sont pêchés à très grande profondeur. Un régal accompagné de riz avec ce qu’il faut de tomate. Il n’en resta que des miettes.

Régis arriva sur le tard. Il venait d’assister à un match des boxers. Gwen éprouva le besoin d’afficher sa connaissance de ce sport de glace et d’un ton solennel affirma qu’une partie de hockey comprenait quatre tiers temps de trente minutes. Nous étions tous médusés. Surtout le poulpe 🦑.

Vint le temps du fromage. Des assiettes. L’exercice fut accompli avec maîtrise. Coco eût été ravi. Et c’est par un pain de coco, ou si vous préférez, un flan à base de coco en forme de pain, que nos agapes s’achevèrent.

Il ne restait plus qu’une belote de comptoir pour clore ce mardi. Elle fut tâtonnante. La faute à Amélie qui n’était guère dans son assiette. Le Prez reprit sa main en pure perte. La partie se délita. Nous n’avions pas l’âme à la belote. Une déclinaison du « J’ai l’âme de regrets touchée » de Ronsard.

Que dire sur la nuit qui ne soit dit déjà ? Que la nuit est plurielle, qu’aucune nuit ne se ressemble, un peu à l’image du fleuve d’Héraclite : « On ne se baigne dans l’eau du même fleuve. » C’était donc une nuit nouvelle, belle, une autre nuit. Et chacun de rentrer à demeure sous son doux manteau.

09 janvier 2019

A toi, Jiminy...

 

Mes chers castors,

Normalement, le mercredi démarre toujours par une note de bonne humeur et de sourires dans l’écriture du compte rendu de notre cher mardi soir.

Ce matin, je vous écris pour une bien triste nouvelle : Patrick Dinclaux n’est plus des nôtres depuis hier matin…

Alors je voulais, à travers les mots de notre barde, vous écrire ces quelques lignes en mémoire de notre Jiminy Cricket, amoureux du golf, du ballon oval, du hockey sur glace et bien d’autres sports…

Patrick était des nôtres. Il a rejoint la constellation des Castors après Guigui et Pozzo. L’année commence bien tristement.

Patrick aimait le rugby, le golf. Il avait le goût de l’amitié. C’était un être discret et généreux. La maladie aura eu raison de lui. La raison est bien déraisonnable.

La faucheuse nous joue un bien vilain tour. Il ne soufflera pas les bougies de nos cinquante ans avec nous. Mais il sera là. Comme tous ceux de notre petite bande qui ont regagné le ciel.

Une pensée à sa famille

Je vous embrasse
Le prez

50 ans de bouffe...L'Amiral ouvre le bal !

Par Le Barde et Bardibulle


La pluie n’était pas de rigueur. Elle nous accorda un répit pour ce premier toucher de l’année. Nous étions une petite vingtaine, ou, si vous préférez, une grosse quinzaine. En somme, nous étions entre quinze et vingt.

Nous commençâmes sur une moitié de terrain et, la troupe s’étoffant, nous nous répartîmes sur toute sa longueur. Il est bon de prendre le large.

Les forces en présence étaient équilibrées. L’équipe de Sergio prit un léger avantage sur celle du Bardibule. A quoi tient un avantage ? A un essai ou deux de plus, une opportunité mieux saisie, une défaillance passagère. Mais c’est sans importance tout compte fait.

L’événement, ce fut, sans conteste, la rentrée de JB. Après avoir trottiné autour du terrain, s’être étiré avec soin, il rentra. Premier ballon, première feinte de passe. Une sérénade, une sonate où les mains et le ballon ne firent qu’un. Le temps s’arrêta. Au ciel, Guy Boniface versa une larme.
 Oui, l’année commence sous les meilleurs auspices ; Jeff a enfin trouvé une passe. Il exécuta une passe sur un pas de toute beauté. Régis en resta coi et omit de saisir le ballon. Joss, admiratif, dit : « Putain, c’est beau ». Perdigue, lui, il s’en branlait. Jean-Phi s’épargnant ses traverses d’antan filait droit. Le doc aussi. Un doc affûté. Une jolie reprise en somme.

Au trou, l’amiral avait pris les choses en mains et confirma son accent lusophone. L’assemblée était garnie : trente-huit castors. Coco était là pour nous donner le la de l’année, heureux, vif, tel qu’en lui-même. Pépé hurla de venir à table. Tous d’obtempérer. Peu à peu. Amélie, le prof, la Jacouille, Poulet, la Piballe, le Tarbais, Lolo, etc,.
La proue tenait son béret en son Pépé. La poupe elle aussi est coiffée en notre Jacquouille qui couvre nos arrières en silence. Roro vérifie son embarque et ne néglige aucun détail. Le poulpe est au centre sans coiffe. Bérets en proue et en poupe, le poulpe aux abois, les castors sont prêts. Morue nous voilà! Un bon bout couvert prévient de toutes mésaventures. « Si cela peut m’éviter la désillusion d’un doodle incompris, je prends… » Se persuade le pacha en s’entourant de sa vieille garde. Le vieux a du jeune en lui et non du jeûne. L’amiral ne sait que trop les exigences d’un long voyage et d’un équipage qui a faim. "Voyage copieux, équipage heureux!" L’expérience se paie par le temps. Le mammifère qu’il cajole n’est pas marin mais bien à poils. Le castor marin ne sait que trop qu’un long périple ne se vit qu’avec une préparation d’excellence. Haubans tendus, la table est mise les bouts sont couverts, les voiles peuvent être livrées aux bons vouloirs de Calypso.

L’art sème lupins aux bars. L’illusion sent l’embouchure du Douro et Porto revient à notre porte. La conquête se fait en deux sens, une histoire de va et vient il parait, sans queue ni tête uniquement pour le plaisir du trou. Coco veille à ce que tout ce qui se cuisine reste dans sa simple destinée nourricière. Seuls les chants et les assiettes se réservent la magie des envoles. Les castors aiment les défis, Gwen et Lolo en gardien eux aussi, du trou alimentent un animisme certain. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout peut voler ». Aucune animosité dans l’animisme qui les habite (en un seul mot) mais bien en sacre enfantin en l’honneur du trou. Le jeu fait l’innocent. Coco ne sait où donner de la tête. La guerre des gloutons est lancée. La cène est une bataille navale. Easy Gwen flirte maintenant avec Corsair ! « A l’abordage moussaillons », les échanges se font entre le bar en défense et la table en attaque. Coco a perdu un œil dans la bataille. Seb réfléchit pour une jambe de bois. Point d’abordage et de prise d’assaut seuls les boulets sont en action. Le Barde garde la magie des mots et pour les ballades aériennes nous avons Mozart. L’entrée fut froide mais bien chaude en goût. La morue est ainsi, elle aime sa pomme de terre, son oignon et son olive. Freud sur le sujet trouve que la morue a bon libido.

La suite se fit toujours dans l’esprit de la mer. Une arrose de marisco. La réserve a de la resserve. Des jambes de crevettes, coques en stock, le plat a du corps. Une légère douceur terrienne dans un plat marin. « Mignonne allons voir si l’arroz est écluse ». Pour Piou Piou c’est là où passe la péniche.

Le lancer d’assiettes tint du miracle.
Plusieurs ustensiles s’échouèrent sur le carreau et demeurèrent intacts. Roro a la main heureuse. Après notre antienne fromagère, nous eûmes droit à des produits du pays de Pessoa. L’un avait la croûte rouge. D’ordinaire, ils se savourent à la cuillère. Las, le brouhaha empêcha notre amiral de faire passer le message. Il en éprouva un légitime regret, une légère amertume.

Les agapes achevées, les uns et les autres se répartirent dans notre antre. Qui pour une belote, qui pour commercer. L’ambiance était douce. Comme si le bruit du temps nous épargnait son joug. Il est bon d’être à la vie dans ce qu’elle a de plus évident : passer un bon moment, converser, plaisanter, sourire.

A peine sortis du trou, la nuit nous recouvra de son manteau gris. Pas l’once d’un crachin. Hamilton enfourcha son cycle rouge. Toto et Titi regagnaient leurs pénates repus et souriants. JB entonna sa petite musique de nuit. L’année sera belle.