Par Le Barde et Bardibulle
Il
y a des mardis avec et des mardis sans. Les
sans se comptent avec le temps et reviennent quand le chagrin
disparait. Le groupe fait corps et une certaine constance règne sur le
pré. La boue ne fait plus tâche sur le synthétique et nous restons en
nombre pour taquiner la balle. Les habitudes sont symboliques
et une routine nous écarte d’une autre. Il pleut sans pleuvoir. Et le
froid est un peu chaud. Dérèglement climatique ou perception d’un hiver
qui anticipe l’été. La joie des rondeurs de l’ovale qui ne tient pas en
place.
Les
vestiaires aiment aussi le mouvement clignotent
quand celui-ci s’éclipse. Luc le côté obscur le rend vulnérable il s’en
défend avec force se remet progressivement de son empire contre-attaque
pour profiter au mieux de son retour du Mardaïe (Jedi pour les
curistes). Comme sa lune, il nous la joue satellite
et multiplie les petites foulées autour de nos enjambées. Sergio arrive
en short comme d’hab. Le symbole est dans la pompe. La Bigorre a du
caractère et le banquier encaisse en crampons. Cravate, chemise, short,
crampons, le style enneige le Pic du Midi. L’art
de l’encaisse se retrouve dans son accent montagnard. Son jeu est
subtil et vallonné comme on l’aime. A chaque virage, une surprise en
décalage pour le plus grand bonheur du doc. Jean Phi franchira aussi
dans ses bons os-pisses le rail de l’aplati. La marée
fut pour l’équipe d’en face qui avait du mal à conjuguer le port de
balle et le jet de balle. Le râle ne fit pas désespoir. Le caractère en
appelle un autre. Le répondant fut ainsi, la marée passée donna la place
à un jeu plus efficace. Perdigue en soutien
de grâce, et Jeff en tour d’ivoire qui joue avec deux inters. Principe
du flanqueur qui se rapproche plus de l’interstice que de l’intercepte…
ça ne marche pas avec l’inter huit… vous m’aurez suivi !
Le
pintxe raccomode ses chaussettes et ne sera
pas là. Ses chevilles ont la mauvaise habitude de ne pas se couvrir,
impardonnable dans le gel de saison. A quand de véritables chaussettes
pour éprouver le jeu des castors. Le gilet ne fait plus cause, nous
prônons les chaussettes jaunes.
La douche pour une autre plus chaude.
Le
tourangeau était de bouffe. Le tourangeau, c’est
Alban. Ce n’est pas son prénom qui fleure la Touraine, c’est son nom,
un nom aux saveurs de Chenonceau, comme Chenault l’indique. Il est bon
d’avoir un peu de centre dans notre sud-ouest.
Pour
satisfaire Pépé, il commit une soupe de légumes,
suave, onctueuse, avec crème fraîche et persil. La soupe refait surface
au trou ; elle reprend ses habitudes. C’est une douce habitude. La
cuisine est à sa manière un art poétique. Alban fait sienne cette
recommandation d’Horace chère à Coco : « Écrivain,
suis la tradition » ; elle devient, par la force des choses,
« Cuisinier, suis la tradition. » La tablée allait ses coups de
cuillères avec gourmandise.
Puis,
nous eûmes droit à une tête de veau, avec,
cela va de soi, sa sauce gribiche. L’appellation gribiche apparait dans
les années 1900. C’est une création fantaisiste de la langue culinaire,
peut-être issue du normand
gribiche substantif féminin: "femme méchante dont on fait peur aux enfants", lui-même emprunté au moyen néerlandais
kribbich "grognon"...
Comment est-on passé de la mégère à la sauce ?
A
un jour près, Alban était encore dans la tradition.
On pourra toujours se demander si cette tradition-là est de bon goût.
Couper la tête d’un roi ou d’un simple citoyen, c’est couper une tête !
Rien de très glorieux. Et le pauvre veau comme symbole n’en demandait
pas tant. Une tradition anglaise remise à la
sauce révolutionnaire. Ah ! Ces anglais.
Le Tarbais fit la moue. Il n’aime pas le gras.
Joss non plus. Disons, pour être juste, que Joss n’aime pas la langue.
Or
la tête de veau doit beaucoup à la langue et
aux joues. Il dédaigna l’organe qu’il repoussa sur les franges de son
assiette. Heureusement il y avait, pour les récalcitrants qui ne
constituaient qu’une infime minorité, la sauce et les pommes de terre.
Mais pour l’immense majorité des présents, ce fut
un régal. Surtout pour Amélie. C’est sans doute là que se niche la
touche révolutionnaire de la tête de veau.
Passionné
d’histoire, Jeff se lança dans un long
développement qui sur Léonard de Vinci, François 1er et châteaux de la
Loire obligent, qui sur le jardinier Le Nôtre. On se perdit un peu à le
suivre. Ce qui n’entama en rien sa réthorique. Perdigue ponctuait
chacune de ses phrases par un « putain » admiratif,
lors que Poulet restait dubitatif. D’autant que Jeff poursuivit son
monologue et passait du coq à l’âne. Cela paraissait décousu mais ne
l’était pas. Une affaire de chausse trappes.
Le lancer d’assiette fut un éloge à la gloire du
trou. Un brin de casse, un brin bourrin, un brin chantant, un brin moussant à l’image du catapulteur,
le lancer nous arrose.
Jacquouille pour l’occasion mouillera son pantalon. L’émotion d’avoir
CrouCrou à sa droite et Le poulpe à sa gauche, la montagne et la mer.
Rigole et chaise, coup double pour l’ancien. Le vieux
régresse et baigne dans le liquide amniotique. Comme quoi la sensation
est vivante. La mouille ne fait pas couille. Elle est couille voire
Jacquouille ! Le béret est joueur comme quoi avec les parties mouillées
le castor remue la queue et joue. Les règles
et le jeu sont faites pour toutes les générations. Coco chante et
envoie le lala de ralliement. Le jeu est moteur et nous soude dans
l’oxymore d’un réel imaginaire et d’un éphémère éternel. Plaisir tu nous
tiens....
Le fromage
sera chèvre et vache, le veau s’entête de ses mamelons d’offrande.
Une
galette des rois remit les souverains dans
leurs droits. Quelle belle idée que d’associer tête de veau et galette
dans un même souper ! La galette était bonne. Et la mousse au chocolat
qui l’accompagnait divine. Il y eut consensus.
Une
belote se mit en branle. Ils étaient huit.
Le doc prit le premier la poudre d’escampette. Perdigue et Jeff se
battirent pour la dernière place. Perdigue s’inclina. Son dernier
carreau n’était pas à la hauteur de celui de Jeff.
Quelques
commentaires sur le futur quinze de France
et sa probable paire de centres, et le trou se vida. Il fut question de
Bastaraud, Fikou et consorts. Mais aussi de l’ouverture avec le petit
d’Emile.
Alban
avait déjà rebroussé chemin lorsque les derniers
castors se glissèrent dans la nuit. Il pleuvotait. Hamilton fredonnait
des airs de Marcel Azzola sur sa bicyclette rouge. Une nuit un tantinet
nostalgique. D’où que vienne l’accordéon, il traîne sa langueur comme
une âme en peine. Sauf pour Amélie qui lui
préfère son côté musette. Ainsi va la vie. A mardi prochain.
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