Par Le Barde et Bardibulle
Le matin allait son crachin. Un brouillard humide recouvrait la cité. Rien de bien exaltant. Nous savions que la fin de journée serait plus douce et lumineuse ; elle le fut. Musard nous attendait.
Nous étions si peu. Huit. Pas plus. Mais le nombre est peu de choses au bout du compte. D’autant que nous fûmes réduits à sept après que Pioupiou eut ressenti ses premières douleurs. Nous fîmes contre mauvaise fortune bon cœur. Et nos corps exultèrent. En sorte que nous poussâmes la partie jusqu’à ses plus extrêmes limites.
Notre Pinson, tout juste revenu de ses Pouilles, faisait merveille. A peine avait-il délivré une passe au cordeau qu’il sifflotait les airs chers au talon nord de la botte. Alex saisi par tant de grâce dansait. Un pas à droite, un pas à gauche, et pfff. Du très grand art. Les autres firent tout ce qu’ils purent, et dans une épure parfaite, répondaient aux exigences de cette chorégraphie automnale.
Christophe nous attendait. En bon descendant de Gaston Bachelard, et de ce chef d’œuvre de la pensée que demeure son Étude sur l'évolution d'un problème de physique, la propagation thermique dans les solides (Paris, Vrin, 1927), il alterna le chaud et le froid.
Le froid, ce fut la salade verte qu’il concocta. Une salade verte nappée de petits croûtons et de petits lardons. Parfaite.
Quant au chaud, il s’exprima par des tomates farcies qui provoquèrent l’extase d’Amélie. Il n’avait pas souvenir d’en avoir jamais dégusté au trou. Christophe nous offrait une première. Bien que nous ne fûmes que quatorze, pas une tomate ne resta. Le nombre est symbolique. C’est une équipe à XV punit d’un carton rouge. Point de Hauchat quand Christophe sort sa tomate. Il proposa d’autres cépages. Le riz d’accompagnement appuya aussi sur le champignon. Le tout proposa une mélodie somptueuse dans la danse des papilles. Le redoutable fait maison avec son fameux gout de « reviens-y ». Les tomates dans le farci traduisent tout l’art de notre hôte dans l’art subtil des gros emmêlés celui de « l’enclosquer en offrande ». La douceur légère et subtile du solide en cuisine. Du lourd en somme !
Le lancer se fera simple et solide. Dans un jeu à quatorze. L’avantage des troupes réduites c’est que la probabilité du nombre de la casse ne dépend plus de la qualité du lanceur. Notre Prof de maths pourrait le prouver avec deux ou trois formules d’algorithmes qui se respectent. La logique sera silencieuse pour accueillir le fromage. A peine le lancer débuté qu’il est déjà terminé. Le fromage en pointe sera l’amorce d’une finition en plaquage cathédrale. Flan au chocolat sur son lit feuilleté. Quand on vous dit que le costaud a du talent. Là aussi pour la resserve il y avait de quoi.
Léo chantait le marché de Latresne avec des rimes riches : traîne/méprenne/Etienne/antienne… Un bouquet pour Titi a et mamie Zinzin. Notre homme a du coffre. En vain Pioupiou s’efforçait de rivaliser en opposant jésuites et marianistes. Allez savoir pourquoi. Que pouvait-t-il opposer à ce refrain sublime:
Quand j’vais au marché de Latresne
Je n’ai plus le cœur à la traîne
Mamie Zinzin comble ma peine
Avec ses conserves à l’ancienne.
Hamilton l’emporta haut la main à la belote. Et Regis subit la main de Poulet. Alex s’en sortir bien pour son baptême. Il est vrai que le bardibule jouait avec le feu.
Dehors, il faisait frisquet. La nuit était sereine. Titi se récitait les premiers vers de la nuit d’automne d’Alfred :
Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve.
Je n'en puis comparer le lointain souvenir
Qu'à ces brouillards légers que l'aurore soulève,
Et qu'avec la rosée on voit s'évanouir.
Son Quinsac l’attendait. Comme les quatre poules d’Amélie attendait leur maître. Elles pondent debout désormais. La ponte a de ses mystères !
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