Par le Barde
Il faisait chaud à Musard mardi soir ; le printemps a, parfois, des allures d’été. Au menu de ce soir de mai : les Gravelous. J’ignore l’étymologie de ce nom. Va pour les Graves lorsque l’on est de Léognan. Mais lou ? Même Robert le Petit est en panne de définition. Après tout qu’importe…
Nous dûmes comptés sur une défection de dernière minute, Toto ayant décidé de se mettre en quarantaine cinq jours durant. Notre feu follet, en effet, filait le parfait amour au Mexique et jugea bon de ne pas transmettre un hypothétique virus à ses semblables français. Toto est bon, qu’on se le dise. Par contre le Général avait retrouvé son poste derrière la rambarde.
Nos invités d’un soir avaient le mors aux dents. J’en déduis hâtivement que le lou affiché est peut être un loup bien qu’il ne soit venu à l’idée de personne de mettre un mors aux dents des loups. Mais pourquoi ce sacrifice du p ? Après tout qu’importe…
Donc disais-je, nos invités avaient le mors aux dents et entamèrent tambour battant la rencontre. Les castors, emmenés par Titi l’éternel (qui arborait de nouveaux crampons que la délicate Isabelle lui avait achetés le jour-même), firent front d’office. Tel Bonaparte à Arcole, Titi conduisait ses troupes avec ce supplément d’âme qui est la marque des plus grands. Ce ne fut que combats d’avants, mauls, rucks, avec leur petit lot de chamailleries sans quoi le rugby n’est rien. Pourtant Lafourche n’était pas des nôtres. Mais Yannick était de retour et mit sa petite touche poétique à cet affrontement entre braves.
Soyons justes, d’emblée les Gravelous prirent un léger ascendant. Ils mirent, par contre, d’interminables minutes à le concrétiser. Le Gravelou peine à négocier le surnombre et a une fâcheuse tendance au rentre-dedans. Nos adversaires parvinrent, enfin, à inscrire un essai. Leur gamin de trois quart centre (que faisait-il dans un match d’anciens ?) trouant la défense héroïque des castors. Mais la réplique fut immédiate, belle, imparable, sublime. Donatien concrétisa un mouvement touché par la grâce. Le général fut à deux doigts de défaillir tant ses petits l’avaient comblé. Puis la domination des gens des graves reprit se heurtant à la défense héroïque des castors. Une cravate par ci sanctionnée par une pénalité sans que l’auteur de la dite cravate ne consente à reconnaître sa faute, une colère par là d’un troisième ligne des graves qui confond les matches d’anciens avec ceux de sa jeunesse (et oui, le temps passe et incite à la sagesse), témoignèrent d’un engagement déplacé. On connut les anciens de Léognan plus avenants.
La seconde mi-temps fut l’exacte réplique de la première. Elle se solda par un résultat nul. Domination stérile des gravelous, courage des castors qui n’entendaient pas s’en laisser compter. Surnombres mal négociés par les gens des graves, inspirations sporadiques des castors sevrés de ballons. Par contre, la troisième mi-temps (c’est un comble) paracheva la domination de nos adversaires qui inscrivirent deux essais après en avoir vendangé un grand nombre. Le spécimen qui s’était mis en colère y allant de son commentaire avisé à la sortie : « Encore quelques minutes, et on leur passait quatorze essais ».
Sans conteste, le Castor d’or va à Zeille. Il fut énorme, gigantesque, titanesque. Il plaqua, saisit, ceintura, découpa du gravelou à qui mieux-mieux. Et grappilla plus de ballons que de coutume dans les innombrables regroupements. Zeille, il est divin.
Un zest de philosophie pour conclure. Veillons à respecter l’âge de nos artères et évitons ces matches d’une autre époque. En somme le Gravelou a un tantinet de mal à vieillir et confond un match de loisirs avec un match de championnat. Il conviendrait d’écrire la fable du castor et du gravelou. Mais je ne suis ni Esope ni La Fontaine. La Fontaine justement, pour conclure et les derniers vers de la fable Les deux coqs :
« Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous
Après le gain d’une bataille. »
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