Par le Barde
Ce n’est pas parce que l’on n’est pas là qu’il n’y a rien à écrire.
On peut ainsi s’adonner à une petite fiction. Le mentir-vrai en somme,
puisque toute invention est une part du réel. D’ailleurs, comment
pourrait-on inventer sans les repères que nous offre le monde. Tout ça
pour dire que je n’étais pas là, que Peyo, il n’a pas eu son blog, et
que le bloger et ma pomme on se sent plein de remords. Le bloger non
plus il n’était pas là ; il n’en finit pas de roucouler avec ses petits
de Cadillac. Le bloger c’est un papa poule. Et le remords, c’est pas
bon, ça vous taraude, ça vous mine.
Peyo était donc de bouffe comme Flaubert était de Rouen. Les troupes
arrivèrent plus tôt que de coutume car d’entraînement il n’y eut point.
Il avait prévu le coup Peyo : le trou n’était qu’une longue litanie de
charcuteries basques, de piments d’Espelette, de feuilles d’artichaut
nappées d’une crème à la ciboulette, de crevettes grises de l’estuaire
et de pibales guatémaltèques. Il y en avait pour tous les goûts. Le
basque ne réduit pas ses attraits à ses seules cultures ; il est ouvert
au monde. Pas trop au monde asiatique regrettait Jean-Philippe qui
susurrait : « Hihi, il est sectaire Peyo, Hihi ! ». Il y a du Tchang
chez Jean-Philippe. Et de la poule, c’est entendu.
Un merlu gigantesque, trônant dans un plat rouge et blanc, et porté par
Titi, Tom, Pioupiou et Lolo, descendit les escaliers avant de régner sur
la table. Un merlu venu de nulle part, presque un esturgeon parsemé de
pétales d’oignons et de poivrons. Il fut admis que chacun pouvait
piocher avec ses mains. A ce jeu, le Perdigne excella. C’est un homme de
mains Perdigue. Guitou dédaigna ses façons barbares mais finit par s’y
résoudre. L’appât du merlu vainquit ses ultimes résistances. En deux
temps, trois mouvements, il ne resta plus rien qu’une longue arête sans
fin dont il fut décidé qu’elle parerait les murs. Sitôt dit sitôt fait.
Puis l’étorki vola comme vole les anges. Et les assiettes étaient autant
d’auréoles qui s’arrêtaient quelques instants au-dessus de crânes plus
ou moins garnis avant de laisser l’étorki s’épanouir dans un bain de
confitures de cerises . Et cet étouffe-chrétien de gâteau basque était
là aussi et après. En fait Peyo, s’il sait ouvrir ses entrées, il
revient à ses fondamentaux pour boucler la boucle.
T’es pas trop imaginatif mon barde me dit Perdigue. Peyo et Basque, tu
n’es pas allé chercher bien loin. Et c’est vrai. Si je n’ai pas été
cherché bien loin, j’ai été cherché quand même. Et puis, le remords, il
se branle de l’imagination. Bon voilà, c’était un mardi soir d’octobre,
et Peyo faisait la bouffe. Peyo, c’est un sacré petit castor. Rien à
dire, et ça, ce n’est pas de la fiction.
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